LES MUTATIONS DE L'ARMÉE DE TERRE: LE PROGRAMME SCORPION
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LES MUTATIONS DE L'ARMÉE DE TERRE: LE PROGRAMME SCORPION
LES MUTATIONS DE L'ARMÉE DE TERRE: LE PROGRAMME SCORPION
Dire que la fin de la Guerre froide
a vu s’opérer des
mutations majeures au sein de notre outil de Défense est désormais
un lieu commun. La situation géopolitique à partir des années 1990
change singulièrement les rapports de forces internationaux,
et la perception des menaces qui en découle. Les armées accusent
cette évolution au travers de remises en cause doctrinales, ces
dernières influençant en retour le format des forces armées, leur
mode d’emploi et leurs missions, et jusqu’à la conception des
nouveaux matériels. Vingt ans après la fin de la Guerre froide, la mise
en place du programme Scorpion au sein de l’Armée de Terre illustre l’ampleur et la profondeur de cette transformation.
À l’origine, nous trouvons une révolution technologique amorcée dès les années 1980, qui a été désignée par
l’acronyme “NEB” ou Numérisation de l’Espace de Bataille. Le concept de la NEB est en quelque sorte celui de l’INTERNET appliqué au champ de bataille.
Il
s’agit d’un ensemble de systèmes d’information high-tech embarqués
dans les aéronefs, les véhicules, mais aussi emportés par des
combattants, dont la mise en réseau fournit une aide au
commandement à plusieurs niveaux en temps réel. De nombreux
programmes de recherche sont ainsi lancés dans les années 1980, dans des
directions fort différentes - management de l’information,
drone, robotique… -, mais ils aboutissent à l’idée centrale d’un
champ de bataille infocentré et infovalorisé.
Docu-fiction présentant les Future Combat Systems américains qui sont les programmes les plus en avance en matière de
guerre infocentrée. Extrêmement coûteux, cependant, les programmes FCS ont été récemment arrêtés
Une mutation tactique: la naissance du GTIA
La fin de la Guerre froide voit donc une réduction drastique des effectifs au sein des forces armé
e.
L’évolution des menaces (asymétrie et plus particulièrement en milieu
urbain) et les mutations dans l’emploi des
forces conduisent à une armée professionnalisée dont la principale
caractéristique est de voir le format de ses unités se réduire
sensiblement. Les effectifs de l’Armée française (toutes armées confondues) sont, aujourd’hui, trois fois moins nombreux que ce qu’ils
étaient au moment de la chute du Rideau de fer. Cela
entraîne une plus grande souplesse dans l’emploi
d'unités dont la conception modulaire interarmes remplace désormais
les lourdes spécialisations divisionnaires. Les divisions classiques
commencent à laisser la place à des unités plus réduites -
les brigades -, et à l’étage inférieur les régiments sont
réorganisés autour de Groupements Tactiques Interarmes ou GTIA. Selon
les missions, brigades et GTIA – qui gardent une dominante blindée
ou infanterie - peuvent être recomposés.
Le
GTIA se situe donc à l’échelon des anciens bataillons, mais il est
désormais articulé selon une structure
modulaire. Il est l’unité interarmes de base pouvant être employée
de manière autonome, ou au sein d’une brigade. Il reste spécifiquement
français afin de simplifier les procédures et de
préserver sa cohésion. Cependant, le système Scorpion devrait le
rendre interopérable avec des programmes étrangers similaires en leur
principe, tels ceux dérivés des Future Combat Systems américains (1). La composition du GTIA à dominante infanterie est la suivante:
- 3 compagnies d’Infanterie
- 1 escadron de chars de combat
- 1 compagnie du Génie
- 1 batterie d’artillerie (2)
- Le soutien logistique nécessaire à chacune de ces unités
Pour
un GTIA à dominante blindée la proportion entre infanterie et chars de
combat est inversée. On passe ainsi à
une structure avec 3 escadrons de chars de combat et 1 compagnie
d’Infanterie. Le GTIA est divisé en 4 sous-groupements que l’on appelle
sous-GTIA ou SGTIA. La composition d’un SGTIA est la
suivante:
- 1 compagnie d’Infanterie ou 1 escadron de chars de combat ou 1 batterie d’artillerie
- 1 élément de commandement
- Le soutien logistique nécessaire à cet ensemble
Cette
mutation tactique qui voit s’effacer l’utilisation des anciens
régiments comme pion de base tactique au
profit du GTIA est de taille. Si elle apporte davantage de souplesse
opérationnelle, elle suppose aussi que tous les éléments de la brigade
ou du GTIA soient capables de communiquer selon un même
langage en temps réel, d’une mission à une autre. Ce sont, ainsi, de
nouvelles pratiques et de nouvelles façons de travailler que les
différentes unités de l’Armée de Terre doivent s’approprier
au delà des cultures régimentaires et divisionnaires d’autrefois.
Cette appropriation est d’autant plus urgente que les forces armées se
situent actuellement au point de tension de quatre défis
majeurs.
Le
premier de ces défis concerne la durée des engagements qui peuvent
porter, comme les situations afghane et
libanaise le montrent, sur des périodes de plusieurs années, voire
des décennies. Les forces engagées doivent pouvoir tenir la durée tout
en limitant les phases de confrontation de haute
intensité qui les affaibliraient rapidement.
Le deuxième défi concerne le durcissement des opérations, c’est-à-dire l’exposition prolongée de nos forces armées
à des menaces asymétriques (de type IED par exemple). Cette exposition
nécessite une protection accrue et sans cesse renouvelée des soldats comme des matériels.
Le
troisième défi réside dans un large spectre de missions à assurer, qui
peut imposer à nos forces armées des
environnements fort différents les uns des autres, ainsi que des
niveaux d’engagement et d’intervention très variés. De l’affrontement
direct à une logique de stabilisation en passant par le
maintien de l’ordre, la posture des forces n’est pas la même.
Pourtant ce sont les mêmes unités et les mêmes soldats qui devront
affronter des réalités aussi diverses.
Le
dernier grand défi correspond à la dispersion des moyens. Des
engagements de longue durée sur des théâtres
d’opérations qui peuvent être géographiquement éloignés; des
engagements qui mettent en oeuvre des unités variées au plan tactique
induisent une coordination complexe à la fois dans la manoeuvre
de l’ensemble et dans son indispensable soutien logistique. Plus
l’engagement s’inscrit dans la durée - et porte donc sur des volumes
d’hommes et de matériels importants (3) - plus la
coordination de l’ensemble sera lourde.
Une mutation technonolgique: le programme Scorpion
Le
programme Scorpion a pour ambition de relever l’ensemble de ces défis
1- en modernisant les principaux
équipements de nos unités terrestres et en les adaptant aux nouveaux
concepts tactiques 2- en les dotant d’un système d’information unifié
(un système de systèmes) au sein d’un espace couvrant
l’ensemble des composantes du GTIA, ce dernier étant soutenu dans sa
troisième dimension par les hélicoptères Tigre
(“bulle
aéroterrestre”). Le GTIA étant en interconnexion permanente avec la
brigade, la division, les forces maritimes et aériennes et jusqu’aux
autorités politiques à Paris. Amorcé par le virage de la
NEB à la fin du XXe siècle, le programme est lancé en 2005 et
devrait être pleinement opérationnel à l’horizon 2020.
La bulle aéroterrestre
La
modernisation porte d’abord sur les matériels majeurs des troupes de
contact, c’est-à-dire les principaux
véhicules de combat. À l’heure actuelle, l’ossature du GTIA est
composée du char de combat Leclerc, du blindé de reconnaissance AMX 10 RC, du
véhicule de transport de troupes dit de l’avant blindé (VAB), et du tout récent
Véhicule Blindé de Combat d’Infanterie (VBCI).
Cet ensemble va faire l’objet d’une refonte quasi
complète dans les années à venir. Le char Leclerc sera conservé mais
rénové (processus de rétrofitage entre 2016 et 2020). L’AMX 10 RC sera
remplacé par un nouveau véhicule: l’engin Blindé de
Reconnaissance et de Combat (EBRC) à partir de 2018. Le VAB,
arrivant en limite d’âge, sera remplacé par le Véhicule Blindé
Multi-rôle (VBMR) à partir de 2015. Quant au VBCI, entré en service en
2008, il remplace les vieux AMX 10 P et entame sa carrière opérationnelle. L’Armée de Terre est actuellement équipée de VBCI à un tiers, et le
35e Régiment d’Infanterie a commencé à déployer deux sections de ces
engins en Afghanistan durant l’été 2010.
VBCI du 35e RI déployés en Afghanistan (été 2010)
Le
programme Scorpion correspond, donc, à un vaste effort matériel pour
l’Armée de Terre. Cependant, le coeur du
programme réside en l’intégration de tous les systèmes d’information
existant actuellement en un seul. Scorpion deviendra à terme le système
des systèmes d’information permettant à tous les
éléments du GTIA de dialoguer selon un même langage et une même
procédure. Le Système d’Information du Combat Scorpion (SICS) sera
utilisable à tous les niveaux du GTIA, mais il permettra aussi
de rationaliser et d’optimiser l’interconnexion avec les échelons
hiérarchiques et tactiques supérieurs, notamment dans le cadre d’une
coalition internationale. Le SICS mettra ainsi en
réseau toutes les plate-formes d’information.
Avec
le programme Scorpion, l’Armée de Terre entre véritablement dans l’ère
du champ de bataille infocentrée.
C’est-à-dire un champ de bataille où la maîtrise de l’information -
de ses flux et de son exploitation - conditionne plus que jamais la
rapidité et la supériorité de nos armes dans l’action. Ce
champ de bataille infocentré sous-entend également une
infovalorisation de plus en plus poussée eu égard à l’énormité des flux
d’informations à gérer par les différents acteurs de l’espace de
bataille, notamment le commandement. Par infovalorisation, il faut
comprendre la capacité à accéder à une information viable, la partager
et l’actualiser en temps quasi réel.
Dans
sa finalité, le programme Scorpion donnera à nos forces terrestres une
redoutable capacité de combat. Les
matériels seront modernisés et créés avec des sous-ensembles
communs, standardisés, intégrés et interopérables dès leur conception.
Le SICS rationalisera le couplage des flux d’informations avec
pour conséquence l’accélération d’une information mieux gérée. Avec
Scorpion, le commandement pourra évaluer une situation comme jamais il
n’a pu le faire jusqu’à présent, notamment en mettant en
réseau les systèmes d’alerte. La nature des feux et des munitions,
leur coordination, la prévention des tirs fratricides, la connaissance
instantanée des pertes humaines et matérielles,
permettront de limiter les engagements de forte intensité et de
préserver ainsi la capacité opérationnelle du GTIA sur la durée.
La protection des combattants et des véhicules fait aussi partie du programme Scorpion. Au niveau des fantassins,
le programme du Fantassin à Équipements et Liaisons Intégrés (FELIN)
arrive désormais à
maturité, et commence à équiper les unités opérationnelles. Hormis
le perfectionnement de la protection individuelle et l’augmentation de
l’efficacité de tir (vision et tir déportés de jour comme
de nuit, arme multicalibres…), le système FELIN constitue le premier
maillon du système d’informations sur le terrain. Emportant avec lui
des capteurs et des moyens de communication directement
intégrés dans la tenue, le fantassin FELIN est directement intégré
dans le système Scorpion, où il agit en interopérabilité dans un
environnement de drones et de robots. L’un des enjeux majeurs
actuels du programme FELIN est l’allègement du combattant, qui passe
par la conception de nouvelles munitions et la miniaturisation des
batteries (4).
Présentation de fantassins FELIN durant l'Eurosatory 2010
La
conception des nouveaux engins de combat évolue également vers la
modularité. Le VBMR pourra être décliné en six
versions selon les missions (Génie, combat, commandement…). Rapidité
et mobilité sont privilégiées d’où l’équipement d’engins à roues à
l’exception du char Leclerc. La prévention contre les IED
est intégrée dès la conception des véhicules, et des kits de
blindage ou de protection additionnelle seront également disponible
selon les missions et les environnements.
Si
le GTIA reste une formation tactique nationale, le programme Scorpion
lui permettra d’agir en interopérabilité
au sein d’une coalition. Plateformes et interconnexion des
différents matériels sont actuellement étudiées dans le cadre d’une
communauté systématique d’équipements et de standardisation. La
doctrine stratégique française prévoyant désormais nos engagements
militaires non plus de manière isolée, mais dans le cadre de coalitions
internationales ou régionales, cette recherche de
l’interopérabilité est fondamentale. D’emblée, elle se pose avec l’OTAN
et l’UE. L’ampleur et l’avance du programme FCS américain (même
abandonné) oblige le programme Scorpion à étudier dès le départ des
niveaux d’interopérabilité passant par des coopérations industrielles au
moins entre pays européens.
Quels
que soient l’environnement et le théâtre d’opérations, Scorpion devrait
permettre, par l’infovalorisation,
une coordination à la fois de la manoeuvre et des feux jusqu’à
présent jamais vue. Le SICS réalisera ainsi une intégration inédite des
composantes interarmes dans un ensemble global et numérisé.
Fantassins FELIN, canon CAESAR, char Leclerc, hélicoptères Tigre, VBCI, VBMR, EBRC, drones… Tous verront les mêmes choses au même moment.
Une mutation logistique: le système SILCENT
Un
tel système ne peut, cependant, parvenir à la globalisation effective
sans la prise en compte du soutien
logistique qui fonde, in fine, les capacités du GTIA. Si les
questions logistiques n’ont cessé de prendre de l’ampleur dans les
conflits modernes, l’Irak et l’Afghanistan (dès le conflit
soviétique) ont amené un éclairage nouveau sur ces questions.
L’asymétrie des combats, la dilution de la menace dans un espace où
s’étirent les lignes logistiques, la nature même des armées
occidentales particulièrement gourmandes en besoins de tous genres,
font que de nos jours l’activité logistique s’intègre de plus en plus
dans les missions de combat. Il n’y a plus vraiment
d’arrière ni d’avant, et les convois – directement exposés - sont
désormais de véritables colonnes pourvues de moyens blindés et aériens
amenés à soutenir directement des combats.
Cependant,
la logistique du champ de bataille ne renvoie qu’à un aspect de ce qui
est désormais considéré comme un
véritable système de la conception des équipements jusqu’à leur
utilisation par le combattant. S’il est bien une fonction qui unit les
processus de conception à ceux de fabrication et ceux du
ravitaillement avec tout ce que cela induit – planification et
gestion de l’information comme du transport -, c’est la fonction
logistique. Celle-ci est par nature systémique depuis
l’industrialisation de la guerre. De nos jours, la logistique de nos
Armées constituent un système d’une grande complexité avec d’importants
flux descendants et montants, où tous les
éléments du système doivent pouvoir communiquer entre eux en temps
réel sur des distances considérables. Avec le combat, c’est la fonction
logistique qui va le plus caractériser l’utilité du
programme Scorpion.
La
complexité logistique d’une armée moderne porte essentiellement sur la
gestion des stocks et des flux. Avant et
pendant tout acheminement se pose la question de la nature et du
volume des besoins. À l’heure actuelle, c’est le système SILCENT (5) qui
est en charge de ces questions affinant la recherche et
la connaissance des stocks en temps réel du conteneur à la palette.
En unifiant toutes les plate-formes d’informations, le programme
Scorpion intègrera le système logistique plus qu’il ne se
chargera de faire le lien classique entre les organismes du matériel
et les troupes au contact. À terme, il permettra une connaissance des
stocks affinée jusqu’au contenu de la boîte (échelon
inférieur à celui de la palette), et en rationalisera le processus
de commande comme d’acheminement.
Système
de combat global intégrant – et non additionnant – les combattants, les
systèmes d’armes et logistique par
la transmission et le partage instantanés de l’information, Scorpion
est le programme majeur de l’Armée de Terre. Il suppose une puissante
architecture de recherche et industrielle dont les
acteurs (Nexter-Thales-SAGEM en concurrence avec EADS et C&S-INEO) sont réunis sous
la direction de la DGA, de l’État-major des Armées (EMA) et de l’État-major de l’Armée de Terre (EMAT).
Salle de contrôle du CENTAC (6) où sont suivis par des observateurs, en temps réel,
les exercices des unités qui viennent s'entraîner au camp de Mailly
Dans
la perspective d'un rapport coût/efficacité, le programme Scorpion,
pour finir, stimule toute une génération
de simulateurs, que le CENTAC met en oeuvre depuis plusieurs années,
et à grande échelle dans le cadre d’un véritable centre d’entraînement
au combat pour les unités de l'Armée de Terre. Ces
dernières, équipées de capteurs pour chaque homme et chaque
véhicule, exécutent sur plusieurs jours des exercices suivis en temps
réel à partir d'un centre de contrôle. Avec près de 2000
simulateurs blindés, Milan, et AT4CS, les unités peuvent ainsi se
placer dans les conditions d’un combat réaliste tout en bénéficiant d’un
retour d’expérience immédiat.
Simulateur d'un poste de tir missile Milan. Le lanceur est exactement le même que le
lanceur réel, mais à la place du missile se trouve l'appareil de simulation
Harnais de capteurs pour combattant individuel
Chronologie
* 2005 – Lancement du programme. C’est une phase d’études de systèmes, de matériels et d’équipements (Plan d’Études
Amont ou PEA) devant rendre cohérent et opérationnel la bulle aéroterrestre (BAO) du GTIA.
* 2010 – Choix des industriels et élaboration du programme Scorpion. De la phase conceptuelle on passe à
l’application concrète.
* À partir de 2012 et jusqu’en 2026 – Équipement de l’ensemble des GTIA des 8 brigades interarmes.
(1) Particulièrement ambitieux et coûteux, le programme FCS a été depuis abandonné.
(2)
Compagnie, escadron et batterie désignent le même type d’unités à
savoir un regroupement de sections ou de
pelotons de taille variable. Cette différence dans les termes
s’explique par les traditions historiques des armes (Infanterie,
Cavalerie, Artillerie, Génie…).
(3) Un GTIA regroupe un effectif
allant de 800 à 1500 hommes selon les missions.
(4) La tenue FELIN actuelle pèse 30 kg.
(5) Système d’Informations Logistique Central de l’Armée de Terre.
(6) Centre d’Entraînement au Combat de l’Armée de Terre situé à Mailly-le-Camp.
a vu s’opérer des
mutations majeures au sein de notre outil de Défense est désormais
un lieu commun. La situation géopolitique à partir des années 1990
change singulièrement les rapports de forces internationaux,
et la perception des menaces qui en découle. Les armées accusent
cette évolution au travers de remises en cause doctrinales, ces
dernières influençant en retour le format des forces armées, leur
mode d’emploi et leurs missions, et jusqu’à la conception des
nouveaux matériels. Vingt ans après la fin de la Guerre froide, la mise
en place du programme Scorpion au sein de l’Armée de Terre illustre l’ampleur et la profondeur de cette transformation.
À l’origine, nous trouvons une révolution technologique amorcée dès les années 1980, qui a été désignée par
l’acronyme “NEB” ou Numérisation de l’Espace de Bataille. Le concept de la NEB est en quelque sorte celui de l’INTERNET appliqué au champ de bataille.
Il
s’agit d’un ensemble de systèmes d’information high-tech embarqués
dans les aéronefs, les véhicules, mais aussi emportés par des
combattants, dont la mise en réseau fournit une aide au
commandement à plusieurs niveaux en temps réel. De nombreux
programmes de recherche sont ainsi lancés dans les années 1980, dans des
directions fort différentes - management de l’information,
drone, robotique… -, mais ils aboutissent à l’idée centrale d’un
champ de bataille infocentré et infovalorisé.
Docu-fiction présentant les Future Combat Systems américains qui sont les programmes les plus en avance en matière de
guerre infocentrée. Extrêmement coûteux, cependant, les programmes FCS ont été récemment arrêtés
Une mutation tactique: la naissance du GTIA
La fin de la Guerre froide voit donc une réduction drastique des effectifs au sein des forces armé
e.
L’évolution des menaces (asymétrie et plus particulièrement en milieu
urbain) et les mutations dans l’emploi des
forces conduisent à une armée professionnalisée dont la principale
caractéristique est de voir le format de ses unités se réduire
sensiblement. Les effectifs de l’Armée française (toutes armées confondues) sont, aujourd’hui, trois fois moins nombreux que ce qu’ils
étaient au moment de la chute du Rideau de fer. Cela
entraîne une plus grande souplesse dans l’emploi
d'unités dont la conception modulaire interarmes remplace désormais
les lourdes spécialisations divisionnaires. Les divisions classiques
commencent à laisser la place à des unités plus réduites -
les brigades -, et à l’étage inférieur les régiments sont
réorganisés autour de Groupements Tactiques Interarmes ou GTIA. Selon
les missions, brigades et GTIA – qui gardent une dominante blindée
ou infanterie - peuvent être recomposés.
Le
GTIA se situe donc à l’échelon des anciens bataillons, mais il est
désormais articulé selon une structure
modulaire. Il est l’unité interarmes de base pouvant être employée
de manière autonome, ou au sein d’une brigade. Il reste spécifiquement
français afin de simplifier les procédures et de
préserver sa cohésion. Cependant, le système Scorpion devrait le
rendre interopérable avec des programmes étrangers similaires en leur
principe, tels ceux dérivés des Future Combat Systems américains (1). La composition du GTIA à dominante infanterie est la suivante:
- 3 compagnies d’Infanterie
- 1 escadron de chars de combat
- 1 compagnie du Génie
- 1 batterie d’artillerie (2)
- Le soutien logistique nécessaire à chacune de ces unités
Pour
un GTIA à dominante blindée la proportion entre infanterie et chars de
combat est inversée. On passe ainsi à
une structure avec 3 escadrons de chars de combat et 1 compagnie
d’Infanterie. Le GTIA est divisé en 4 sous-groupements que l’on appelle
sous-GTIA ou SGTIA. La composition d’un SGTIA est la
suivante:
- 1 compagnie d’Infanterie ou 1 escadron de chars de combat ou 1 batterie d’artillerie
- 1 élément de commandement
- Le soutien logistique nécessaire à cet ensemble
Cette
mutation tactique qui voit s’effacer l’utilisation des anciens
régiments comme pion de base tactique au
profit du GTIA est de taille. Si elle apporte davantage de souplesse
opérationnelle, elle suppose aussi que tous les éléments de la brigade
ou du GTIA soient capables de communiquer selon un même
langage en temps réel, d’une mission à une autre. Ce sont, ainsi, de
nouvelles pratiques et de nouvelles façons de travailler que les
différentes unités de l’Armée de Terre doivent s’approprier
au delà des cultures régimentaires et divisionnaires d’autrefois.
Cette appropriation est d’autant plus urgente que les forces armées se
situent actuellement au point de tension de quatre défis
majeurs.
Le
premier de ces défis concerne la durée des engagements qui peuvent
porter, comme les situations afghane et
libanaise le montrent, sur des périodes de plusieurs années, voire
des décennies. Les forces engagées doivent pouvoir tenir la durée tout
en limitant les phases de confrontation de haute
intensité qui les affaibliraient rapidement.
Le deuxième défi concerne le durcissement des opérations, c’est-à-dire l’exposition prolongée de nos forces armées
à des menaces asymétriques (de type IED par exemple). Cette exposition
nécessite une protection accrue et sans cesse renouvelée des soldats comme des matériels.
Le
troisième défi réside dans un large spectre de missions à assurer, qui
peut imposer à nos forces armées des
environnements fort différents les uns des autres, ainsi que des
niveaux d’engagement et d’intervention très variés. De l’affrontement
direct à une logique de stabilisation en passant par le
maintien de l’ordre, la posture des forces n’est pas la même.
Pourtant ce sont les mêmes unités et les mêmes soldats qui devront
affronter des réalités aussi diverses.
Le
dernier grand défi correspond à la dispersion des moyens. Des
engagements de longue durée sur des théâtres
d’opérations qui peuvent être géographiquement éloignés; des
engagements qui mettent en oeuvre des unités variées au plan tactique
induisent une coordination complexe à la fois dans la manoeuvre
de l’ensemble et dans son indispensable soutien logistique. Plus
l’engagement s’inscrit dans la durée - et porte donc sur des volumes
d’hommes et de matériels importants (3) - plus la
coordination de l’ensemble sera lourde.
Une mutation technonolgique: le programme Scorpion
Le
programme Scorpion a pour ambition de relever l’ensemble de ces défis
1- en modernisant les principaux
équipements de nos unités terrestres et en les adaptant aux nouveaux
concepts tactiques 2- en les dotant d’un système d’information unifié
(un système de systèmes) au sein d’un espace couvrant
l’ensemble des composantes du GTIA, ce dernier étant soutenu dans sa
troisième dimension par les hélicoptères Tigre
(“bulle
aéroterrestre”). Le GTIA étant en interconnexion permanente avec la
brigade, la division, les forces maritimes et aériennes et jusqu’aux
autorités politiques à Paris. Amorcé par le virage de la
NEB à la fin du XXe siècle, le programme est lancé en 2005 et
devrait être pleinement opérationnel à l’horizon 2020.
La bulle aéroterrestre
modernisation porte d’abord sur les matériels majeurs des troupes de
contact, c’est-à-dire les principaux
véhicules de combat. À l’heure actuelle, l’ossature du GTIA est
composée du char de combat Leclerc, du blindé de reconnaissance AMX 10 RC, du
véhicule de transport de troupes dit de l’avant blindé (VAB), et du tout récent
Véhicule Blindé de Combat d’Infanterie (VBCI).
Cet ensemble va faire l’objet d’une refonte quasi
complète dans les années à venir. Le char Leclerc sera conservé mais
rénové (processus de rétrofitage entre 2016 et 2020). L’AMX 10 RC sera
remplacé par un nouveau véhicule: l’engin Blindé de
Reconnaissance et de Combat (EBRC) à partir de 2018. Le VAB,
arrivant en limite d’âge, sera remplacé par le Véhicule Blindé
Multi-rôle (VBMR) à partir de 2015. Quant au VBCI, entré en service en
2008, il remplace les vieux AMX 10 P et entame sa carrière opérationnelle. L’Armée de Terre est actuellement équipée de VBCI à un tiers, et le
35e Régiment d’Infanterie a commencé à déployer deux sections de ces
engins en Afghanistan durant l’été 2010.
VBCI du 35e RI déployés en Afghanistan (été 2010)
programme Scorpion correspond, donc, à un vaste effort matériel pour
l’Armée de Terre. Cependant, le coeur du
programme réside en l’intégration de tous les systèmes d’information
existant actuellement en un seul. Scorpion deviendra à terme le système
des systèmes d’information permettant à tous les
éléments du GTIA de dialoguer selon un même langage et une même
procédure. Le Système d’Information du Combat Scorpion (SICS) sera
utilisable à tous les niveaux du GTIA, mais il permettra aussi
de rationaliser et d’optimiser l’interconnexion avec les échelons
hiérarchiques et tactiques supérieurs, notamment dans le cadre d’une
coalition internationale. Le SICS mettra ainsi en
réseau toutes les plate-formes d’information.
Avec
le programme Scorpion, l’Armée de Terre entre véritablement dans l’ère
du champ de bataille infocentrée.
C’est-à-dire un champ de bataille où la maîtrise de l’information -
de ses flux et de son exploitation - conditionne plus que jamais la
rapidité et la supériorité de nos armes dans l’action. Ce
champ de bataille infocentré sous-entend également une
infovalorisation de plus en plus poussée eu égard à l’énormité des flux
d’informations à gérer par les différents acteurs de l’espace de
bataille, notamment le commandement. Par infovalorisation, il faut
comprendre la capacité à accéder à une information viable, la partager
et l’actualiser en temps quasi réel.
Dans
sa finalité, le programme Scorpion donnera à nos forces terrestres une
redoutable capacité de combat. Les
matériels seront modernisés et créés avec des sous-ensembles
communs, standardisés, intégrés et interopérables dès leur conception.
Le SICS rationalisera le couplage des flux d’informations avec
pour conséquence l’accélération d’une information mieux gérée. Avec
Scorpion, le commandement pourra évaluer une situation comme jamais il
n’a pu le faire jusqu’à présent, notamment en mettant en
réseau les systèmes d’alerte. La nature des feux et des munitions,
leur coordination, la prévention des tirs fratricides, la connaissance
instantanée des pertes humaines et matérielles,
permettront de limiter les engagements de forte intensité et de
préserver ainsi la capacité opérationnelle du GTIA sur la durée.
La protection des combattants et des véhicules fait aussi partie du programme Scorpion. Au niveau des fantassins,
le programme du Fantassin à Équipements et Liaisons Intégrés (FELIN)
arrive désormais à
maturité, et commence à équiper les unités opérationnelles. Hormis
le perfectionnement de la protection individuelle et l’augmentation de
l’efficacité de tir (vision et tir déportés de jour comme
de nuit, arme multicalibres…), le système FELIN constitue le premier
maillon du système d’informations sur le terrain. Emportant avec lui
des capteurs et des moyens de communication directement
intégrés dans la tenue, le fantassin FELIN est directement intégré
dans le système Scorpion, où il agit en interopérabilité dans un
environnement de drones et de robots. L’un des enjeux majeurs
actuels du programme FELIN est l’allègement du combattant, qui passe
par la conception de nouvelles munitions et la miniaturisation des
batteries (4).
Présentation de fantassins FELIN durant l'Eurosatory 2010
conception des nouveaux engins de combat évolue également vers la
modularité. Le VBMR pourra être décliné en six
versions selon les missions (Génie, combat, commandement…). Rapidité
et mobilité sont privilégiées d’où l’équipement d’engins à roues à
l’exception du char Leclerc. La prévention contre les IED
est intégrée dès la conception des véhicules, et des kits de
blindage ou de protection additionnelle seront également disponible
selon les missions et les environnements.
Si
le GTIA reste une formation tactique nationale, le programme Scorpion
lui permettra d’agir en interopérabilité
au sein d’une coalition. Plateformes et interconnexion des
différents matériels sont actuellement étudiées dans le cadre d’une
communauté systématique d’équipements et de standardisation. La
doctrine stratégique française prévoyant désormais nos engagements
militaires non plus de manière isolée, mais dans le cadre de coalitions
internationales ou régionales, cette recherche de
l’interopérabilité est fondamentale. D’emblée, elle se pose avec l’OTAN
et l’UE. L’ampleur et l’avance du programme FCS américain (même
abandonné) oblige le programme Scorpion à étudier dès le départ des
niveaux d’interopérabilité passant par des coopérations industrielles au
moins entre pays européens.
Quels
que soient l’environnement et le théâtre d’opérations, Scorpion devrait
permettre, par l’infovalorisation,
une coordination à la fois de la manoeuvre et des feux jusqu’à
présent jamais vue. Le SICS réalisera ainsi une intégration inédite des
composantes interarmes dans un ensemble global et numérisé.
Fantassins FELIN, canon CAESAR, char Leclerc, hélicoptères Tigre, VBCI, VBMR, EBRC, drones… Tous verront les mêmes choses au même moment.
Une mutation logistique: le système SILCENT
Un
tel système ne peut, cependant, parvenir à la globalisation effective
sans la prise en compte du soutien
logistique qui fonde, in fine, les capacités du GTIA. Si les
questions logistiques n’ont cessé de prendre de l’ampleur dans les
conflits modernes, l’Irak et l’Afghanistan (dès le conflit
soviétique) ont amené un éclairage nouveau sur ces questions.
L’asymétrie des combats, la dilution de la menace dans un espace où
s’étirent les lignes logistiques, la nature même des armées
occidentales particulièrement gourmandes en besoins de tous genres,
font que de nos jours l’activité logistique s’intègre de plus en plus
dans les missions de combat. Il n’y a plus vraiment
d’arrière ni d’avant, et les convois – directement exposés - sont
désormais de véritables colonnes pourvues de moyens blindés et aériens
amenés à soutenir directement des combats.
Cependant,
la logistique du champ de bataille ne renvoie qu’à un aspect de ce qui
est désormais considéré comme un
véritable système de la conception des équipements jusqu’à leur
utilisation par le combattant. S’il est bien une fonction qui unit les
processus de conception à ceux de fabrication et ceux du
ravitaillement avec tout ce que cela induit – planification et
gestion de l’information comme du transport -, c’est la fonction
logistique. Celle-ci est par nature systémique depuis
l’industrialisation de la guerre. De nos jours, la logistique de nos
Armées constituent un système d’une grande complexité avec d’importants
flux descendants et montants, où tous les
éléments du système doivent pouvoir communiquer entre eux en temps
réel sur des distances considérables. Avec le combat, c’est la fonction
logistique qui va le plus caractériser l’utilité du
programme Scorpion.
La
complexité logistique d’une armée moderne porte essentiellement sur la
gestion des stocks et des flux. Avant et
pendant tout acheminement se pose la question de la nature et du
volume des besoins. À l’heure actuelle, c’est le système SILCENT (5) qui
est en charge de ces questions affinant la recherche et
la connaissance des stocks en temps réel du conteneur à la palette.
En unifiant toutes les plate-formes d’informations, le programme
Scorpion intègrera le système logistique plus qu’il ne se
chargera de faire le lien classique entre les organismes du matériel
et les troupes au contact. À terme, il permettra une connaissance des
stocks affinée jusqu’au contenu de la boîte (échelon
inférieur à celui de la palette), et en rationalisera le processus
de commande comme d’acheminement.
Système
de combat global intégrant – et non additionnant – les combattants, les
systèmes d’armes et logistique par
la transmission et le partage instantanés de l’information, Scorpion
est le programme majeur de l’Armée de Terre. Il suppose une puissante
architecture de recherche et industrielle dont les
acteurs (Nexter-Thales-SAGEM en concurrence avec EADS et C&S-INEO) sont réunis sous
la direction de la DGA, de l’État-major des Armées (EMA) et de l’État-major de l’Armée de Terre (EMAT).
Salle de contrôle du CENTAC (6) où sont suivis par des observateurs, en temps réel,
les exercices des unités qui viennent s'entraîner au camp de Mailly
la perspective d'un rapport coût/efficacité, le programme Scorpion,
pour finir, stimule toute une génération
de simulateurs, que le CENTAC met en oeuvre depuis plusieurs années,
et à grande échelle dans le cadre d’un véritable centre d’entraînement
au combat pour les unités de l'Armée de Terre. Ces
dernières, équipées de capteurs pour chaque homme et chaque
véhicule, exécutent sur plusieurs jours des exercices suivis en temps
réel à partir d'un centre de contrôle. Avec près de 2000
simulateurs blindés, Milan, et AT4CS, les unités peuvent ainsi se
placer dans les conditions d’un combat réaliste tout en bénéficiant d’un
retour d’expérience immédiat.
Simulateur d'un poste de tir missile Milan. Le lanceur est exactement le même que le
lanceur réel, mais à la place du missile se trouve l'appareil de simulation
Harnais de capteurs pour combattant individuel
* 2005 – Lancement du programme. C’est une phase d’études de systèmes, de matériels et d’équipements (Plan d’Études
Amont ou PEA) devant rendre cohérent et opérationnel la bulle aéroterrestre (BAO) du GTIA.
* 2010 – Choix des industriels et élaboration du programme Scorpion. De la phase conceptuelle on passe à
l’application concrète.
* À partir de 2012 et jusqu’en 2026 – Équipement de l’ensemble des GTIA des 8 brigades interarmes.
(1) Particulièrement ambitieux et coûteux, le programme FCS a été depuis abandonné.
(2)
Compagnie, escadron et batterie désignent le même type d’unités à
savoir un regroupement de sections ou de
pelotons de taille variable. Cette différence dans les termes
s’explique par les traditions historiques des armes (Infanterie,
Cavalerie, Artillerie, Génie…).
(3) Un GTIA regroupe un effectif
allant de 800 à 1500 hommes selon les missions.
(4) La tenue FELIN actuelle pèse 30 kg.
(5) Système d’Informations Logistique Central de l’Armée de Terre.
(6) Centre d’Entraînement au Combat de l’Armée de Terre situé à Mailly-le-Camp.
Invité- Invité
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