La Légion au village d'Aubérive
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La Légion au village d'Aubérive
Sur les combats livrés par le régiment de marche de la légion étrangère, qui avait pour objectif l'enlèvement des positions du Golfe et l'encerclement par la gauche du village d'Aubérive que les troupes de la division Mordacq devaient dépasser par l'Est, le Bulletin des Armées a publié le récit suivant :
Le 17 avril, à quatre heures quarante-cinq, le 1er bataillon qui, d'après le plan d'attaque, devait pénétrer dans la tranchée allemande entre le bois en T et la Sapinière, puis faire face à l'est pour progresser dans le Golfe, part à l'assaut, suivi du 2e bataillon. L'élan est magnifique : malgré le vent qui souffle en tempête et la pluie qui cingle les visages, malgré les blocs de boue dont ils sont bottés, les légionnaires franchissent le parapet et, par les brèches pratiquées dans nos fils de fer, atteignant le réseau ennemi ; la cisaille achève le travail de démolition effectué par notre artillerie. La légion passe et s'engouffre dans la tranchée des Bouleaux, marée jaune à laquelle l'ennemi, qui reconnaît le drap kaki des Africains, ne pourra résister. Les grenades, lancées à bout portant, déblayent le terrain ; les corps ploient sous l'étreinte; dans cette fin de nuit que prolonge la tourmente, on ne voit guère; nos braves se reconnaissent à la voix et poursuivent, malgré les mitrailleuses, dans les boyaux et les abris, leur oeuvre impitoyable.
Les Allemands, ne pouvant tenir dans leur première ligne, se retirent dans la deuxième; les légionnaires ne leur laissent aucun répit ; les tranchées du Golfe sont enlevées. A mesure qu'on s'approche d'Aubérive, la résistance devient plus acharnée ; on sent tout le prix qu’attache l'ennemi à la conservation de cette position capitale. Dans les tranchées de Byzance, des Dardanelles, du Prince Eitel, les mitrailleuses, les lance-flammes, les grenades opposent à nos troupes des barrages de mort.
La légion passe quand même, à force d’héroïsme.
Dans cet enfer, les hommes de 51 nationalités différentes se battent contre l'Allemand. Le plus grand nombre ne luttent pas pour la sauvegarde d'un foyer ou la conservation d'un patrimoine national ; ce ne sont pas non plus des mercenaires qu'attirent de hautes payes ou l'espoir de riches butins, ils sont là, vétérans de la vieille légion d'Afrique, volontaires pour la durée de la guerre, de toutes qualités sociales, des plus humbles comme des plus élevées, de toutes les cultures, des plus simples comme des purs raffinées, conduits par l'instinct qui les domine, la haine de l'Allemand et l'amour de la liberté.
La légion continue sa route...
Le 19, au petit jour, le fortin d'Aubérive est entre nos mains; notre artillerie a fait une merveilleuse besogne, rendant à l'ennemi, par un tir d'une admirable précision, la position intenable; des armes, des munitions, des équipements, du linge, jonchent le sol; dans un réduit attenant au fortin un récipient rempli de café chaud est vidé goulûment par nos hommes qui, depuis le 16, n'avaient eu pour toute boisson que l'eau dont on ne les ravitaillait qu'avec une extrême difficulté.
Tandis qu'une section, sous les ordres d'un sous-officier, occupe le fortin, le lieutenant commandant la 10e compagnie part avec deux grenadiers pour explorer le village d'Aubérive ; à quatorze heures trente, il y pénètre par l'ouest et le trouve vide d'Allemands. L'ennemi, craignant d'être cerné, avait évacué le formidable réduit qu'était devenu le village avec ses tranchées, ses coupoles, ses plates-formes, ses abris pour mitrailleuses, le tout en ciment armé. Il avait résolu de porter ses efforts sur la défense du fortin sud de Vaudésincourt qui commandait le saillant dont la légion devait opérer l'encerclement. Notre progression ne peut se faire qu'à la grenade et au fusil-mitrailleur.
Successivement les ouvrages de Posnamie et de Beyrouth, le Labyrinthe sont enlevés malgré la résistance désespérée des grenadiers allemands qui ont recours à la ruse ; sans armes et les bonnet à la place du casque, ils s'avancent, les bras levés vers nos légionnaires, comme pour se rendre, mais, arrivés sur eux, ils baissent les bras, et les grenades qu'ils tiennent cachées dans leurs mains, lancées à bout portant, font un instant reculer nos hommes. Le désarroi n'est que de courte durée ; la rage au coeur, les légionnaires sautent à la gorge de leurs adversaires, le corps à corps est impitoyable ; il n'est pas fait un prisonnier. Dés lors, la défense du fortin ne pouvait longtemps tenir, le nettoyage du Grand-Boyau nous permet d'en hâter la chute.
Tous les objectifs étaient atteints, en quatre jours de combats incessants ; malgré la fatigue, le manque d'eau, les difficultés énormes du ravitaillement, le régiment de la légion avait, à la grenade, gagné plus de sept kilomètres de boyaux. Ses trois bataillons avaient eu raison de deux régiments saxons.
Un tel effort, couronné par un tel succès, ne pouvait aller sans de douloureux sacrifices.
Au début de l'action, le lieutenant-colonel Duriez avait été mortellement frappé au moment où il lançait son régiment à l'attaque ; les légionnaires puisèrent dans le désir de venger leur chef une volonté de vaincre plus grande encore. Le chef de bataillon Deville prit le commandement et put, le troisième jour de la bataille, rendre compte : Les hommes sont physiquement â bout, leur moral est splendide, ils refusent toute relève...
Le lieutenant-colonel Duriez, blessé mortellement et emporté sur un brancard, rencontre son commandant de brigade. Il a la force de faire arrêter les porteurs, et il rend compte en détail sans hâte, malgré les souffrances et la mort menaçante, à son chef de la situation du régiment et des mesures qu'il a prises, après quoi il fait signe de reprendre la marche.
Aubérive a valu au régiment de marche de la légion sa 5e citation. Elle est ainsi libellée
Merveilleux régiment qu'animent la haine de l’ennemi et l'esprit de sacrifice le plus élevé.
Le 17 avril 1917, sous les ordres dit lieutenant-colonel Duriez, s'est lancé à l'attaque contre un ennemi averti et fortement retranché et lui a enlevé ses premières lignes. Arrêté par des mitrailleuses et malgré la disparition de son chef, mortellement touché, a continué l'opération sous les ordres du chef de bataillon Deville, Par un combat incessant de jour et de nuit jusqu'à ce que le but assigné fut atteint. Combattant corps à corps pendant cinq jours et malgré de lourdes pertes et des difficultés considérables de ravitaillement, a enlevé à l'ennemi plus de 2 kilomètres carrés de terrain. A forcé, par la vigueur de cette pression continue, les Allemands à évacuer un village fortement organisé, où s'étaient brisées toutes nos attaques depuis plus de deux ans.
Tous les régiments de la division marocaine ont eu la fourragère. Ceux qui ont appartenu à l'un ou à l'autre, zouaves, tirailleurs ou légion et qu'une évacuation pour maladie ou blessure en écarte, réclament comme une faveur et un honneur d'y revenir. Ils en ont la nostalgie et, du dépôt, ils supplient leur général ou leur colonel de les reprendre comme s'ils ne pouvaient imaginer de combattre ailleurs. Aussi les présents et les absents ont-ils dû apprendre avec orgueil la promotion au grade de commandeur de la Légion d'honneur de leur chef, le général Degoutte : « Officier général de haute valeur, ayant les plus beaux services de guerre. Vient de se distinguer particulièrement à la tête de sa division, au cours des récents combats, en enlevant sur un front de sept kilomètres, dans une région difficile, les organisations formidables accumulées par l'ennemi, capturant près de 1100 prisonniers, 22 canons, 47 mitrailleuses, 58 minewerfer et un matériel de tranchées considérables.
Le lieutenant-colonel Duriez en avril 1917
Extrait de "La terre de France reconquise", Henri Bordeaux
Le 17 avril, à quatre heures quarante-cinq, le 1er bataillon qui, d'après le plan d'attaque, devait pénétrer dans la tranchée allemande entre le bois en T et la Sapinière, puis faire face à l'est pour progresser dans le Golfe, part à l'assaut, suivi du 2e bataillon. L'élan est magnifique : malgré le vent qui souffle en tempête et la pluie qui cingle les visages, malgré les blocs de boue dont ils sont bottés, les légionnaires franchissent le parapet et, par les brèches pratiquées dans nos fils de fer, atteignant le réseau ennemi ; la cisaille achève le travail de démolition effectué par notre artillerie. La légion passe et s'engouffre dans la tranchée des Bouleaux, marée jaune à laquelle l'ennemi, qui reconnaît le drap kaki des Africains, ne pourra résister. Les grenades, lancées à bout portant, déblayent le terrain ; les corps ploient sous l'étreinte; dans cette fin de nuit que prolonge la tourmente, on ne voit guère; nos braves se reconnaissent à la voix et poursuivent, malgré les mitrailleuses, dans les boyaux et les abris, leur oeuvre impitoyable.
Les Allemands, ne pouvant tenir dans leur première ligne, se retirent dans la deuxième; les légionnaires ne leur laissent aucun répit ; les tranchées du Golfe sont enlevées. A mesure qu'on s'approche d'Aubérive, la résistance devient plus acharnée ; on sent tout le prix qu’attache l'ennemi à la conservation de cette position capitale. Dans les tranchées de Byzance, des Dardanelles, du Prince Eitel, les mitrailleuses, les lance-flammes, les grenades opposent à nos troupes des barrages de mort.
La légion passe quand même, à force d’héroïsme.
Dans cet enfer, les hommes de 51 nationalités différentes se battent contre l'Allemand. Le plus grand nombre ne luttent pas pour la sauvegarde d'un foyer ou la conservation d'un patrimoine national ; ce ne sont pas non plus des mercenaires qu'attirent de hautes payes ou l'espoir de riches butins, ils sont là, vétérans de la vieille légion d'Afrique, volontaires pour la durée de la guerre, de toutes qualités sociales, des plus humbles comme des plus élevées, de toutes les cultures, des plus simples comme des purs raffinées, conduits par l'instinct qui les domine, la haine de l'Allemand et l'amour de la liberté.
La légion continue sa route...
Le 19, au petit jour, le fortin d'Aubérive est entre nos mains; notre artillerie a fait une merveilleuse besogne, rendant à l'ennemi, par un tir d'une admirable précision, la position intenable; des armes, des munitions, des équipements, du linge, jonchent le sol; dans un réduit attenant au fortin un récipient rempli de café chaud est vidé goulûment par nos hommes qui, depuis le 16, n'avaient eu pour toute boisson que l'eau dont on ne les ravitaillait qu'avec une extrême difficulté.
Tandis qu'une section, sous les ordres d'un sous-officier, occupe le fortin, le lieutenant commandant la 10e compagnie part avec deux grenadiers pour explorer le village d'Aubérive ; à quatorze heures trente, il y pénètre par l'ouest et le trouve vide d'Allemands. L'ennemi, craignant d'être cerné, avait évacué le formidable réduit qu'était devenu le village avec ses tranchées, ses coupoles, ses plates-formes, ses abris pour mitrailleuses, le tout en ciment armé. Il avait résolu de porter ses efforts sur la défense du fortin sud de Vaudésincourt qui commandait le saillant dont la légion devait opérer l'encerclement. Notre progression ne peut se faire qu'à la grenade et au fusil-mitrailleur.
Successivement les ouvrages de Posnamie et de Beyrouth, le Labyrinthe sont enlevés malgré la résistance désespérée des grenadiers allemands qui ont recours à la ruse ; sans armes et les bonnet à la place du casque, ils s'avancent, les bras levés vers nos légionnaires, comme pour se rendre, mais, arrivés sur eux, ils baissent les bras, et les grenades qu'ils tiennent cachées dans leurs mains, lancées à bout portant, font un instant reculer nos hommes. Le désarroi n'est que de courte durée ; la rage au coeur, les légionnaires sautent à la gorge de leurs adversaires, le corps à corps est impitoyable ; il n'est pas fait un prisonnier. Dés lors, la défense du fortin ne pouvait longtemps tenir, le nettoyage du Grand-Boyau nous permet d'en hâter la chute.
Tous les objectifs étaient atteints, en quatre jours de combats incessants ; malgré la fatigue, le manque d'eau, les difficultés énormes du ravitaillement, le régiment de la légion avait, à la grenade, gagné plus de sept kilomètres de boyaux. Ses trois bataillons avaient eu raison de deux régiments saxons.
Un tel effort, couronné par un tel succès, ne pouvait aller sans de douloureux sacrifices.
Au début de l'action, le lieutenant-colonel Duriez avait été mortellement frappé au moment où il lançait son régiment à l'attaque ; les légionnaires puisèrent dans le désir de venger leur chef une volonté de vaincre plus grande encore. Le chef de bataillon Deville prit le commandement et put, le troisième jour de la bataille, rendre compte : Les hommes sont physiquement â bout, leur moral est splendide, ils refusent toute relève...
Le lieutenant-colonel Duriez, blessé mortellement et emporté sur un brancard, rencontre son commandant de brigade. Il a la force de faire arrêter les porteurs, et il rend compte en détail sans hâte, malgré les souffrances et la mort menaçante, à son chef de la situation du régiment et des mesures qu'il a prises, après quoi il fait signe de reprendre la marche.
Aubérive a valu au régiment de marche de la légion sa 5e citation. Elle est ainsi libellée
Merveilleux régiment qu'animent la haine de l’ennemi et l'esprit de sacrifice le plus élevé.
Le 17 avril 1917, sous les ordres dit lieutenant-colonel Duriez, s'est lancé à l'attaque contre un ennemi averti et fortement retranché et lui a enlevé ses premières lignes. Arrêté par des mitrailleuses et malgré la disparition de son chef, mortellement touché, a continué l'opération sous les ordres du chef de bataillon Deville, Par un combat incessant de jour et de nuit jusqu'à ce que le but assigné fut atteint. Combattant corps à corps pendant cinq jours et malgré de lourdes pertes et des difficultés considérables de ravitaillement, a enlevé à l'ennemi plus de 2 kilomètres carrés de terrain. A forcé, par la vigueur de cette pression continue, les Allemands à évacuer un village fortement organisé, où s'étaient brisées toutes nos attaques depuis plus de deux ans.
Tous les régiments de la division marocaine ont eu la fourragère. Ceux qui ont appartenu à l'un ou à l'autre, zouaves, tirailleurs ou légion et qu'une évacuation pour maladie ou blessure en écarte, réclament comme une faveur et un honneur d'y revenir. Ils en ont la nostalgie et, du dépôt, ils supplient leur général ou leur colonel de les reprendre comme s'ils ne pouvaient imaginer de combattre ailleurs. Aussi les présents et les absents ont-ils dû apprendre avec orgueil la promotion au grade de commandeur de la Légion d'honneur de leur chef, le général Degoutte : « Officier général de haute valeur, ayant les plus beaux services de guerre. Vient de se distinguer particulièrement à la tête de sa division, au cours des récents combats, en enlevant sur un front de sept kilomètres, dans une région difficile, les organisations formidables accumulées par l'ennemi, capturant près de 1100 prisonniers, 22 canons, 47 mitrailleuses, 58 minewerfer et un matériel de tranchées considérables.
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