Le miracle légionnaire
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Le miracle légionnaire
Le miracle légionnaire
Par Geoffroy Lejeune
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Intégration.
Le 30 avril, la Légion étrangère célébrera le 150e anniversaire de la
bataille de Camerone. Depuis près de deux siècles, ce corps d’élite
promeut le modèle d’assimilation à la française pour transcender ses
hommes.
Qui sait si l’inconnu qui dort sous l’arche immense, / Mêlant sa
gloire épique aux orgueils du passé / N’est pas cet étranger devenu fils
de France / Non par le sang reçu mais par le sang versé ? » Composé
en 1920 par Pascal Bonetti pour le soldat qui repose sous l’Arc de
triomphe, ce sonnet posait la question essentielle : comment des
étrangers au service de la France peuvent-ils concevoir, après lui avoir
sacrifié leur passé, de donner leur vie pour un pays qui n’est pas le
leur ? Dans une société aux repères bouleversés, qui voit le lien entre
la nation et ses enfants se déliter, la Légion étrangère, avec sa
devise, “Honneur et Fidélité”, demeure un îlot de résistance.
Chaque année, elle assimile des étrangers, pour la plupart déracinés,
leur transmet le goût de l’effort et leur inculque l’amour de la France.
C’est le “miracle légionnaire”.
« L’étranger qui entre à la Légion passe véritablement le fleuve d’oubli », résumait le romancier Roger de Beauvoir. La devise “Legio patria nostra” invite le soldat à se dépouiller de sa culture d’origine pour se fondre dans l’esprit de corps, qui «
se manifeste tant à l’extérieur qu’à l’intérieur de la Légion par des
signes de reconnaissance (uniformes, emblèmes et fanions, insignes,
chants, etc.), des actes quotidiens et des fêtes », résument les auteurs de la Légion étrangère, histoire et dictionnaire (lire notre critique, page 67).
« Chaque légionnaire est ton frère d’armes, quelle que soit sa nationalité, sa race, sa religion », ordonne le code d’honneur dans son article 2. Au sein de ce corps, la condition de légionnaire est la seule qui prévaut : « Nos valeurs transcendent les communautarismes », explique un officier chargé de l’intégration des engagés volontaires. « La Légion étrangère peut être citée en exemple comme un modèle d’intégration des valeurs de la République, insiste le général de Saint Chamas, commandant la Légion étrangère. Elle est une vitrine témoignant des traditions d’intégration de la France. »
Cette
intégration emprunte trois sentiers escarpés : les valeurs, la
discipline, la langue. À sa création, en 1831, la Légion répartissait
les engagés volontaires dans les unités en fonction de leur nationalité.
Les ordres y étaient donnés en langue étrangère. Dès 1836, conscient
que l’assimilation des étrangers passe par la maîtrise du français, le
commandement de la Légion met en place la politique de l’amalgame,
opérant un mélange des nationalités au sein des unités.
Nous sommes à Castelnaudary (Aude), le creuset de la Légion. Ici
sont formés durant quatre mois les engagés volontaires. Les mains
crispées sur son petit calepin, un jeune Asiatique s’approche du tableau
noir dressé sous le préau. Il y déchiffre à grand-peine les lettres
inscrites à la craie et leur code établi par l’alphabet phonétique de
l’Otan : alpha, bravo, charlie, delta…
Quelques secondes plus tôt, il a dû épeler son nom. Plus chanceux que
ses camarades slaves, dont les patronymes excèdent parfois les quinze
lettres, il s’est contenté de lima (L) et india (I) pour Li.
Quelques
jours plus tôt, un lieutenant chargé de l’instruction l’a surpris en
pleine nuit, profitant de la lumière des douches du baraquement, en
train de réciter par coeur, syllabe par syllabe, le code d’honneur du
légionnaire — auquel il ne comprend goutte. Le lieutenant l’a envoyé se
coucher : « Tout de même, quelle détermination ! »,
s’étonne-t-il encore en racontant la scène. Seize semaines plus tard, à
l’issue desquelles il maîtrisera un vocabulaire de 500 mots, ce jeune
Chinois rejoindra les rangs de son futur régiment. L’adaptation n’est
pas aisée, la langue pas totalement domptée. Témoin cette scène,
racontée par un sous-officier du 2e régiment étranger de parachutistes
(Rep), encore hilare : « Le chef de corps, qui décide de pousser la
chansonnette à la fin d’un repas, demande à un légionnaire d’aller lui
chercher un carnet de chants. » Le soldat s’exécute et revient, essoufflé, tendant fièrement à son colonel un… pot de cornichons ! « Il avait compris “cornichons” au lieu de “carnet d’chants” ! »
La Légion étrangère va faire de ces hommes déracinés des soldats d’élite. Elle va surtout en faire des Français. Devenus légionnaires, ils forment ce corps soudé qui chemine, via l’attachement à la famille légionnaire, vers l’amour de leur patrie d’adoption. « Légionnaire, tu es un volontaire servant la France avec honneur et fidélité
», leur intime l’article 1 du code d’honneur. Ces hommes en képi blanc
ou en béret vert incarnent la tradition assimilationniste française,
parfois jusqu’au sacrifice. « Nous, étrangers, justifiait le lieutenant-colonel Amilakvari, nous
n’avons qu’une seule façon de prouver à la France notre gratitude pour
l’accueil qu’elle nous a réservé : nous faire tuer pour elle. » Sa
mitrailleuse en mains, Dimitri Amilakvari a trouvé la mort en Égypte, en
octobre 1942, touché à la tête par un éclat d’obus…
Valeurs actuelles avait rencontré, à l’été 2012,
le sergent-chef Harold Vormezeele, tué le 19 février 2013 au Mali. Dans
les mêmes termes, il nous disait lui aussi avoir fait sienne cette
notion de sacrifice, même poussée à l’extrême. Son nom a rejoint le
monument aux morts du 2e Rep, à Calvi, aux côtés de ceux qui sont tombés
à Kolwezi, au Tchad, au Liban…
Ces étrangers exemplaires, la République sait aussi les remercier. « Je ne vous demande ni argent ni médailles, simplement d’être français »,
avait supplié le légionnaire Mariusz Nowakowski, s’adressant, en 1993,
au ministre de la Défense, François Léotard, après avoir perdu sa jambe
gauche à Sarajevo. Son histoire aura permis aux légionnaires blessés au
combat de devenir, au terme d’une intense bataille parlementaire,
“français par le sang versé”. S’ils en font la demande, ils peuvent
obtenir un décret de naturalisation depuis 1999.
Le 30 avril, la
Légion étrangère commémorera le 150e anniversaire de la bataille de
Camerone, fondatrice de son mythe. Une épopée glorieuse et sanglante, où
3 officiers et 62 légionnaires, assiégés dans une auberge, résistèrent
aux assauts répétés de 2 000 Mexicains. En découvrant le nombre de ses
ennemis, le colonel Cambas, à la tête de l’armée mexicaine, s’exclame ce
jour-là : « Ce ne sont pas des hommes, ce sont des démons ! » À
travers la liturgie de Camerone, la Légion rendra hommage au sacrifice
héroïque de volontaires engagés au service de la France, dépeints jadis
par le légendaire commandant Faulques en « soldats de l’impossible, sans calculs, sûrs d’eux-mêmes et orgueilleux de leurs sacrifices ».
Photo © AFP
Par Geoffroy Lejeune
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Intégration.
Le 30 avril, la Légion étrangère célébrera le 150e anniversaire de la
bataille de Camerone. Depuis près de deux siècles, ce corps d’élite
promeut le modèle d’assimilation à la française pour transcender ses
hommes.
Qui sait si l’inconnu qui dort sous l’arche immense, / Mêlant sa
gloire épique aux orgueils du passé / N’est pas cet étranger devenu fils
de France / Non par le sang reçu mais par le sang versé ? » Composé
en 1920 par Pascal Bonetti pour le soldat qui repose sous l’Arc de
triomphe, ce sonnet posait la question essentielle : comment des
étrangers au service de la France peuvent-ils concevoir, après lui avoir
sacrifié leur passé, de donner leur vie pour un pays qui n’est pas le
leur ? Dans une société aux repères bouleversés, qui voit le lien entre
la nation et ses enfants se déliter, la Légion étrangère, avec sa
devise, “Honneur et Fidélité”, demeure un îlot de résistance.
Chaque année, elle assimile des étrangers, pour la plupart déracinés,
leur transmet le goût de l’effort et leur inculque l’amour de la France.
C’est le “miracle légionnaire”.
« L’étranger qui entre à la Légion passe véritablement le fleuve d’oubli », résumait le romancier Roger de Beauvoir. La devise “Legio patria nostra” invite le soldat à se dépouiller de sa culture d’origine pour se fondre dans l’esprit de corps, qui «
se manifeste tant à l’extérieur qu’à l’intérieur de la Légion par des
signes de reconnaissance (uniformes, emblèmes et fanions, insignes,
chants, etc.), des actes quotidiens et des fêtes », résument les auteurs de la Légion étrangère, histoire et dictionnaire (lire notre critique, page 67).
« Chaque légionnaire est ton frère d’armes, quelle que soit sa nationalité, sa race, sa religion », ordonne le code d’honneur dans son article 2. Au sein de ce corps, la condition de légionnaire est la seule qui prévaut : « Nos valeurs transcendent les communautarismes », explique un officier chargé de l’intégration des engagés volontaires. « La Légion étrangère peut être citée en exemple comme un modèle d’intégration des valeurs de la République, insiste le général de Saint Chamas, commandant la Légion étrangère. Elle est une vitrine témoignant des traditions d’intégration de la France. »
Cette
intégration emprunte trois sentiers escarpés : les valeurs, la
discipline, la langue. À sa création, en 1831, la Légion répartissait
les engagés volontaires dans les unités en fonction de leur nationalité.
Les ordres y étaient donnés en langue étrangère. Dès 1836, conscient
que l’assimilation des étrangers passe par la maîtrise du français, le
commandement de la Légion met en place la politique de l’amalgame,
opérant un mélange des nationalités au sein des unités.
Nous sommes à Castelnaudary (Aude), le creuset de la Légion. Ici
sont formés durant quatre mois les engagés volontaires. Les mains
crispées sur son petit calepin, un jeune Asiatique s’approche du tableau
noir dressé sous le préau. Il y déchiffre à grand-peine les lettres
inscrites à la craie et leur code établi par l’alphabet phonétique de
l’Otan : alpha, bravo, charlie, delta…
Quelques secondes plus tôt, il a dû épeler son nom. Plus chanceux que
ses camarades slaves, dont les patronymes excèdent parfois les quinze
lettres, il s’est contenté de lima (L) et india (I) pour Li.
Quelques
jours plus tôt, un lieutenant chargé de l’instruction l’a surpris en
pleine nuit, profitant de la lumière des douches du baraquement, en
train de réciter par coeur, syllabe par syllabe, le code d’honneur du
légionnaire — auquel il ne comprend goutte. Le lieutenant l’a envoyé se
coucher : « Tout de même, quelle détermination ! »,
s’étonne-t-il encore en racontant la scène. Seize semaines plus tard, à
l’issue desquelles il maîtrisera un vocabulaire de 500 mots, ce jeune
Chinois rejoindra les rangs de son futur régiment. L’adaptation n’est
pas aisée, la langue pas totalement domptée. Témoin cette scène,
racontée par un sous-officier du 2e régiment étranger de parachutistes
(Rep), encore hilare : « Le chef de corps, qui décide de pousser la
chansonnette à la fin d’un repas, demande à un légionnaire d’aller lui
chercher un carnet de chants. » Le soldat s’exécute et revient, essoufflé, tendant fièrement à son colonel un… pot de cornichons ! « Il avait compris “cornichons” au lieu de “carnet d’chants” ! »
La Légion étrangère va faire de ces hommes déracinés des soldats d’élite. Elle va surtout en faire des Français. Devenus légionnaires, ils forment ce corps soudé qui chemine, via l’attachement à la famille légionnaire, vers l’amour de leur patrie d’adoption. « Légionnaire, tu es un volontaire servant la France avec honneur et fidélité
», leur intime l’article 1 du code d’honneur. Ces hommes en képi blanc
ou en béret vert incarnent la tradition assimilationniste française,
parfois jusqu’au sacrifice. « Nous, étrangers, justifiait le lieutenant-colonel Amilakvari, nous
n’avons qu’une seule façon de prouver à la France notre gratitude pour
l’accueil qu’elle nous a réservé : nous faire tuer pour elle. » Sa
mitrailleuse en mains, Dimitri Amilakvari a trouvé la mort en Égypte, en
octobre 1942, touché à la tête par un éclat d’obus…
Valeurs actuelles avait rencontré, à l’été 2012,
le sergent-chef Harold Vormezeele, tué le 19 février 2013 au Mali. Dans
les mêmes termes, il nous disait lui aussi avoir fait sienne cette
notion de sacrifice, même poussée à l’extrême. Son nom a rejoint le
monument aux morts du 2e Rep, à Calvi, aux côtés de ceux qui sont tombés
à Kolwezi, au Tchad, au Liban…
Ces étrangers exemplaires, la République sait aussi les remercier. « Je ne vous demande ni argent ni médailles, simplement d’être français »,
avait supplié le légionnaire Mariusz Nowakowski, s’adressant, en 1993,
au ministre de la Défense, François Léotard, après avoir perdu sa jambe
gauche à Sarajevo. Son histoire aura permis aux légionnaires blessés au
combat de devenir, au terme d’une intense bataille parlementaire,
“français par le sang versé”. S’ils en font la demande, ils peuvent
obtenir un décret de naturalisation depuis 1999.
Le 30 avril, la
Légion étrangère commémorera le 150e anniversaire de la bataille de
Camerone, fondatrice de son mythe. Une épopée glorieuse et sanglante, où
3 officiers et 62 légionnaires, assiégés dans une auberge, résistèrent
aux assauts répétés de 2 000 Mexicains. En découvrant le nombre de ses
ennemis, le colonel Cambas, à la tête de l’armée mexicaine, s’exclame ce
jour-là : « Ce ne sont pas des hommes, ce sont des démons ! » À
travers la liturgie de Camerone, la Légion rendra hommage au sacrifice
héroïque de volontaires engagés au service de la France, dépeints jadis
par le légendaire commandant Faulques en « soldats de l’impossible, sans calculs, sûrs d’eux-mêmes et orgueilleux de leurs sacrifices ».
Photo © AFP
Invité- Invité
Re: Le miracle légionnaire
Très émouvante chronique! Bravo et merci à toi, Christian!
Avec tous ces témoignages qui se recoupent et se complètent on a vraiment l'impression de célébrer la plus grande des fêtes de cœur des Légionnaires, sur notre forum...pas seulement une impression mais une belle réalité!
Avec tous ces témoignages qui se recoupent et se complètent on a vraiment l'impression de célébrer la plus grande des fêtes de cœur des Légionnaires, sur notre forum...pas seulement une impression mais une belle réalité!
Claire notre Marraine- Localisation : Suisse
Messages : 773
Date d'inscription : 01/12/2012
Age : 82
Re: Le miracle légionnaire
Merci mon Christian .
C'est pour moi un "HONNEUR" d'être avec EUX .
C'est pour moi un "HONNEUR" d'être avec EUX .
commandoair40- Admin
- Localisation : Marais Poitevin .
Messages : 1542
Date d'inscription : 08/06/2012
Age : 78
Re: Le miracle légionnaire
Ce n'est pas un honneur pour nous, c'est la réponse à la parole donnée le jour ou nous avons signé le contrat qui a géré notre vie militaire ou aprés.
Invité- Invité
Re: Le miracle légionnaire
Christian
Merci a toi de nous rappeler ce qu'est la Légion,magnifique corps d'élite,qui nous protége et veille sur nous.
Bon Camerone a toi et a ta grande famille,ainsi qu'aux tiens.
Merci a toi de nous rappeler ce qu'est la Légion,magnifique corps d'élite,qui nous protége et veille sur nous.
Bon Camerone a toi et a ta grande famille,ainsi qu'aux tiens.
Gibert j- Localisation : Ilede France (92)
Messages : 1291
Date d'inscription : 24/07/2011
Age : 82
Re: Le miracle légionnaire
Simplement magnifique,comme d'habitude,
j'ai la chair de poule en lisant le texte
Bonne nuit
Respectueusement
Alain
j'ai la chair de poule en lisant le texte
Bonne nuit
Respectueusement
Alain
Invité- Invité
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