Camerone et l'Aigle du Régiment étranger
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Camerone et l'Aigle du Régiment étranger
D'après un article paru dans la revue d'histoire militaire “Carnet de la Sabretache” n° 380 Janvier-Février 1936
rédigé par Jean Brunon Légionnaire d'honneur au 1er Etranger
L'étude de nos anciens Drapeaux et Etendards offre bien des difficultés et, réserve bien des surprises. Ne considérons, par exemple, que la période postérieure à 1815 nos emblèmes régimentaires de la Restauration (1815-1830) et ceux de l'époque Louis-Philippe (1830-1818) permettent, par leur uniformité, des recherches relativement aisées. Ceux de la première période de la Deuxième République (1848-1851) demandent déjà beaucoup plus d'attention. Enfin, les Aigles qu'arborèrent nos régiments de 1852 à 1870 réclament des recherches fort délicates.
Ces recherches sont semées d'embûches, du fait de la diversité des modèles successifs, ou encore par l'intervention de détails tels, que, en définitive, abstraction faite des inscriptions, l'Armée ne possédait pas deux emblèmes identiques à la fin du Second Empire.
Avant la publication du « Livre d'or de la Légion Etrangère » en 1931, et malgré de nombreux ouvrages publiés sur nos drapeaux, il n'existait aucune étude approfondie et documentaire sur leur histoire depuis 1830. Mieux encore, la plupart de ces ouvrages répandaient à profusion des erreurs telles, qu'elles prouvaient la méconnaissance complète du sujet traité ; nos Drapeaux et Etendards de la Troisième République eux-mêmes n'y sont pas épargnés.
Sous le titre « La voûte de Gloire (chapitre 2 du Livre d'or de la Légion), j'ai publié pour la première fois un travail complet, bien qu'encore très imparfait, sur les drapeaux successifs d'un corps de troupe de 1830 à nos jours : l'histoire des Drapeaux de la Légion Etrangère. Travail basé sur les emblèmes ou fragments actuellement subsistant et sur les documents d'archives, à l'exclusion de toute autre source.
Pour un début c'était téméraire, car, pour la période comprise entre 1852 et 1870, nul corps n'offre plus de transformations, et les bureaux de la guerre eux-mêmes s'y perdaient. C'est ainsi, à titre d'exemple, que l'Aigle (modèle 1852) qui surmontait le Drapeau remis, le 10 mai 1852, par le Prince-Président Louis-Napoléon, au 2° Régiment de la Légion Etrangère, passa successivement sur deux autres drapeaux entièrement renouvelés (en 1854 et en 1856), ou fut arborée par cinq régiments de Légion, chacun héritant du précédent, mais recevant chaque fois, sauf toutefois en 1854, une dénomination nouvelle (1). Comme casse-tête, des généalogistes ne pourraient trouver mieux.
But de cette étude. Je me propose aujourd'hui, non de reprendre l'étude de l'Aigle du Régiment Etranger de 1862 à1870, mais de compléter celle que j'ai publié dans le « Livre d'or», et surtout de reproduire les documents ou rapports officiels qui décidèrent de l'inscription sur son étoffe, du nom glorieux de « Camerone ».
Ces documents, trop longs pour que nous puissions les donner in extenso dans le «Livre d'or», où pourtant ils devraient figurer, sont entièrement inédits. L'intérêt considérable qu'ils présentent pour la Légion et, principalement, le rapport émouvant du chef de bataillon Regnault, commandant par intérim le Régiment Etranger, n'échappera à aucun légionnaire.
Origine du Drapeau du Régiment Etranger Rappelons en quelques lignes d'où provenait le Drapeau du Régiment Etranger.
Par décret impérial du 14 décembre l861, le 1er Régiment Etranger était supprimé ; en outre, par décret du 1er janvier 1862, le 2e Régiment Etranger devenait « Régiment Etranger ».
Le Drapeau du ler Régiment Etranger provenait du 1er Régiment de l'ex 2e Légion Etrangère, supprimée en 1856 (2) il fut déposé à la direction d'artillerie d'Oran, puis, en 1862, au musée d'artillerie à Paris.
Le Drapeau du 2e Régiment Etranger fut transmis tel quel au Régiment Etranger (3). Au moment de la création, en 1856, du 2e Régiment Etranger, le Drapeau de ce régiment devait être primitivement celui du 2e Régiment de l'ex lère Légion Etrangère, en transformant l'étoffe et la cravate, comme cela fut fait pour le ler Régiment. Mais le Drapeau du 2e Régiment de l'ex lère Légion ne put être utilisé et une étoffe et une cravate neuves furent confectionnées pour le 2° Régiment Etranger par ordre du 28 mars 1857.
Le Drapeau du Régiment Etranger au début de 1862 Voici la description du Drapeau au moment où le 2e Régiment Etranger prend la dénomination de Régiment Etranger, le 01 janvier 1862.
AIGLE : C'était l'ancienne Aigle en bronze doré, modèle 1852, du Drapeau de l'ancien 2e Régiment de la Légion Etrangère, devenu, en 1855, 2e Régiment de la 1ère Légion Etrangère. La face du caisson portait le numéro du régiment « 2ème », et le revers la désignation « Régiment Etranger » sur deux lignes. Cette Aigle avait pris part à la Campagne de Crimée, 1854-55, et à la Campagne d'Italie, 1859 (Conservée au musée de l’Armée et reproduite dans le « Livre d’or »).
ETOFFE : Elle était confectionnée en soie tricolore, conformément au modèle de 1855. Ornements (reproduits ou décrits dans le « Livre d'or ») et inscriptions étaient peints en or à l'effet. Les franges, à petites torsades, étaient en or fin.
Les inscriptions de la face étaient les suivantes : « 2e Rnt - L'EMPEREUR NAPOLEON III AU 2° REGIMENT ETRANGER -2e Rnt »
La décision du 2 Décembre 1856 et celle du 21 janvier 1857 avaient déterminé quelles seraient celles du revers : « 2e Rnt - CONSTANTINE (1837), MOSTAGANEM (1839) (4), MOUZAIA (1840), COLEAH (1841), DJGELLY (1842) (5), ZAATCHA (1849), ALMA (1854), SEBASTOPOL (1855) - 2e Rnt »
A la suite de la Campagne d'Italie, la décision du 20 janvier 1861 avait prescrit, pour le 2e Régiment Etranger, les inscriptions « MAGENTA (1859), SOLFERINO (1859) ». Elles ne furent pas ajoutées sur l'étoffe, cette décision ayant spécifié de « ne faire les inscriptions nouvelles qu'au fur et à mesure du renouvellement des parties flottantes ». Cette étoffe mesurait 90 X 90.
CRAVATE : Egalement du modèle 1855. En soie tricolore dans le sens de la longueur, et doubles broderies et franges à grosses et petites torsades en or lin. L'inscription « REGIMENT ETRANGER », d'une part, l' N impériale couronnée (la couronne en galvano doré), d'autre part, étaient entourés d'une branche de chêne et de laurier ; une grecque séparait ces motifs de la bordure en franges. La cravate mesurait 1 mètre de long, sur 0,20 de large. Cette étoffe et cette cravate ont pris part, comme l’Aigle, à la campagne d’Italie 1859.
Le Drapeau reçoit une nouvelle Aigle
En mars 1861, le Ministre de la Guerre avait, décidé le remplacement des nouvelles Aigles (en bronze, modèle 1852, ou en galvanoplastie modèle 1854) par des Aigles en aluminium, modèle adopté par l'Empereur l'année précédente. Avant que les nouvelles Aigles destinées aux deux régiments étrangers ne leur fussent livrées, ceux-ci étaient supprimés. Par suite, l'Aigle qui se trouvait prête à être expédiée au 1er Etranger fut ainsi modifiée : le revers du caisson, qui portait la désignation du corps, devint la nouvelle face ; l'ancienne, dont le numéro du régiment fut enlevé, devint le nouveau revers sans inscription (6).
Tel se présente le Drapeau du Régiment Etranger au moment du départ pour le Mexique, au commencement de l'année 1863. L'Aigle seule porte la désignation réelle du corps l'étoffe, la cravate et la hampe sont celles de l'ancien 2e Régiment Etranger, telles qu'elles étaient arborées de 1857 à 1862. A l'exception de l'inscription de « Camerone », dont je vais parler, l'emblème ne reçut aucune modification jusqu'à son versement à la Direction d'Artillerie d'Oran, en octobre 1870, où il fut détruit quelques mois plus tard.
Le 28 mars 1863 debarquait au Mexique le Colonel Jeanningros, commandant le Régiment Etranger, avec deux bataillons. Le Drapeau était présent. Un mois après, le régiment devait se distinguer par un fait d'armes des plus glorieux qui valut à son Drapeau la faveur inaccoutumée d'inscrire sur place le nom de cette action d'éclat : le combat de Camerone, le 30 avril 1863.
Ici se place la si intéressante correspondance à laquelle j'ai fait allusion malgré la forme officielle, son caractère exceptionnel et le remarquable rapport du commandant Regnault imposent sa reproduction :
Lettre du colonel Jeanningros, commandant supérieur de la Vera-Cruz et des Terres Chaudes, datée du 01 octobre 1863 à Son Excellence M. le Maréchal de France, Ministre de la Guerre.
Monsieur le Maréchal,
J'ose vous adresser une prière que je vous supplie de soumettre à Sa Majesté l'Empereur. Le combat soutenu le 30 avril dernier à Camérone par une compagnie du Régiment Etranger est connu aujourd'hui dans tous ses détails.
Dans son ordre général du 30 Août n° 195, Son Excellence le Maréchal commandant en chef l'appelle « combat de géants, combat digne de prendre rang dans nos annales militaires à côté des plus beaux faits d'armes ». Veuillez prier Sa Majesté, Monsieur le Maréchal, qu'Elle daigne perpétuer le souvenir de cette lutte héroïque, qu'Elle daigne décréter que le nom de CAMERONE sera ajouté à la légende de la médaille du Mexique, et inscrit sur le Drapeau du régiment.
Les officiers et soldats du Régiment Etranger seront fiers d'une aussi glorieuse distinction. Ils se montreront dignes de la bienveillance du Souverain qui aura consenti à immortaliser l'héroïsme de leurs camarades de CAMERONE et ils sauront imiter cet héroïsme quand il s'agira de la France et de l'Empereur. Le passé répond de l'avenir.
J'ai l'honneur d'être, avec un profond respect, de Votre Excellence, Monsieur le Maréchal, le très humble et très obéissant serviteur.
Lettre du colonel Jeanningros, commandant supérieur de la Vera-Cruz et des Terres Chaudes, datée du 01 octobre 1863 à Son Excellence M. le Maréchal de France, Ministre de la Guerre.
Monsieur le Maréchal,
Dans le cas où Votre Excellence n'aurait pas encore reçu l'ordre général n° 195, je prends la liberté de lui en envoyer une copie à l'appui de ma lettre n° 454. J'ai l'honneur d'être, etc…
Ordre général n° 195 du 30 août 1863
Le Général en chef a déjà fait connaître à l'armée du Mexique la belle conduite de la 3e compagnie du Ier bataillon du Régiment Etranger, qui, le 30 avril dernier, attaquée au nombre de soixante-deux hommes par une force ennemie évaluée à mille sept cents hommes, dont huit cents cavaliers, s'est réfugiée dans une maison du village de Camérone, et y a soutenu un combat digne de prendre rang dans nos annales militaires, à côté des plus beaux faits d'armes.
Les trois officiers de la compagnie et vingt-sept sous-officiers et soldats y furent tués ; seize furent blessés ; le reste tomba au pouvoir de l'ennemi après une défense héroïque (La plupart de ces hommes étaient blessés).
Le rapport circonstancié de cet admirable combat n'avait pu encore être transmis au Général en chef, car, excepté un tambour grièvement blessé, personne de cette compagnie de héros n'avait reparu au corps. Et ce n'est qu'aujourd'hui que M. le chef de bataillon Régnault, commandant par intérim le Régiment Etranger, ayant recueilli de l'ennemi et des prisonniers, dont le Général en chef a obtenu l'échange il y a peu de temps, des documents certains propres à faire connaître ce combat exceptionnel dans tous ses détails, en a fait parvenir l'émouvant récit au Général de Maussion, commandant la brigade de réserve, qui l'a transmis au Général en chef. Le Maréchal commandant en chef, voulant que personne dans le corps expéditionnaire n'ignore cette lutte de géants dans ses moindres détails, transcrit littéralement ici le rapport du chef de bataillon Régnault.
Il n'a pas besoin de dire que sa conviction intime est, qu'en pareille circonstance, il n'est pas une seule compagnie dans l'armée qui ne fit comme la 3e compagnie du ler bataillon du Régiment Etranger, qui a montré à un ennemi combattant trente contre un, ce que sont les soldats de la France :
Mon général,
Les débris de la 3e compagnie du ler bataillon du Régiment Etranger, qui avait été détruite au combat de Camérone, le 30 avril dernier, viennent de rentrer ; nous connaissons par eux et par les Mexicains les détails de ce glorieux fait d'armes. Je m'empresse de vous le communiquer : Le 30 avril dernier, le colonel mexicain Milan se trouvait à la Joya, à environ deux lieues de notre ligne de communication. Sa colonne se composait de cinq cents chevaux réguliers, trois cent cinquante guérilleros et trois bataillons d'infanterie : Le bataillon mobile de Vera-Cruz, celui de Jalapa et le bataillon de Cordovo. Chacun de ces bataillons comptait de trois à quatre cents hommes dans le rang.
La mission du colonel Milan était d'enlever le grand convoi d'artillerie de siège qui se concentrait en ce moment à la Soledad, et surtout de mettre la main sur un convoi de trois millions que le Trésor devait diriger sur Puebla. Ou ne se doutait pas, chez nous, de la présence sur ce point, d'une pareille force.
Le même jour, 30 avril, M. le capitaine Danjou partit de Chiquihuite à une heure du matin, avec la mission de se rendre à Palo-Verde, distant d'environ six lieues, et d'explorer les environs à une lieue de ce point. La 3e compagnie, qui marchait sous ses ordres, avait dans le rang soixante-deux hommes de troupe, sous-officiers compris, plus trois officiers : M. Danjou, adjudant-major ; M. le sous- lieutenant Vilain et M. Maudel, porte-drapeau, adjoint à la compagnie pour la reconnaissance.
En sortant de Camérone, le Capitaine Danjou prit à gauche, et marcha dans la direction de la Joya. Arrivé à la hauteur de Palo-Verde, il se rabattit sur ce point pour y faire le café. Il y était rendu à sept heures du matin.
La marche du Capitaine Danjou, de Camerone vers le nord de Palo-Verde, fit supposer au Colonel Milan que sa position de la Joya avait été éventée, et que le Capitaine Danjou était chargé de le reconnaître. Cette marche lui avait été signalée le 30 avril dès le point du jour. On avait compté nos hommes ; on les savait peu nombreux. Milan résolut de les enlever pour ne pas manquer le convoi d'artillerie. Il était environ huit heures du matin, lorsque sa cavalerie parut à Palo-Verde, barrant la route dans la direction de Chiquihuite.
Le café n'était pas achevé. Le Capitaine Danjou fit renverser les marmites, il envoya chercher l'escouade du caporal Magnin qui était de garde à l'eau, fit charger le campement et se mit en retraite en colonne, prêt à former le carré, avec une escouade de tirailleurs. En quittant Palo-Verde, il prit à droite de la route, dans un terrain parsemé de broussailles, afin de mieux se défendre contre les attaques de la cavalerie. L'ennemi supposa que le capitaine Danjou prenait cette direction pour mieux reconnaître de jour le chemin de la Joya qui avait déjà été reconnu la nuit. Il n'attendit pas, il se retira.
En arrivant à Camérone le village parut occupé. Un coup de feu parti de l'une des maisons, vint blesser un homme de la colonne. Dans l'espoir de prendre l'ennemi, on chercha à le cerner. Une section se dirigea à droite, l'autre à gauche des maisons. Les deux sections se donnèrent rendez-vous sur la route, de l'autre côté du village, et elles s'y rejoignirent. On fit une pause d'un quart d'heure qui fut consacrée à fouiller les maisons, il ne s'y trouvait personne.
Au même moment, l'ennemi reparut en grand nombre sur la droite de la route. Le Capitaine Danjou quittant Camérone marcha droit à lui. L'ennemi céda d'abord le terrain mais, arrivé trois cents mètres de Camérone, le Capitaine Danjou était entièrement cerné. Milan, avec la cavalerie régulière, avait même pris position entre les nôtres et les maisons de Camérone.La cavalerie, formant un cercle, chargea vigoureusement jusqu'à soixante mètres. Elle fut repoussée par le feu de deux faces. Profitant d'un moment de répit, le Capitaine Danjou gravit un petit talus qui longeait la route à gauche, et arrivait jusqu'au village de Camérone. Là, il se forma de nouveau en carré il fut de nouveau chargé et cette seconde charge fut repoussée comme la première.
La colonne prit alors sa direction sur la maison de Camérone qui se trouve au sud de la route : elle se fit jour à travers la cavalerie aux cris de « Vive l'Empereur ».
La maison de Camérone se compose d'une cour carrée d'environ cinquante mètres de côté. A la face qui longe la route, est adossé un corps de bâtiment partagé en plusieurs chambres ; ces chambres communiquent par des fenêtres et des portes, d'un côté avec la route, de l'autre côté avec la cour. A l'intérieur et tout autour de la cour, se trouvent des hangars ouverts et ruinés depuis longtemps. L'orientation des quatre faces est à peu près celle des quatre points cardinaux. On entre dans la cour par deux grandes portes percées dans la face qui regarde l'ouest.Le capitaine Danjou occupa aussitôt la cour et la chambre située à l'angle N-O. En même temps, l'ennemi prit possession de la chambre située à l'angle N-E. Cette chambre ne communiquait avec la cour que par une fenêtre ; elle avait sur la rue une grande ouverture sans porte.
Les deux grandes entrées de la cour furent barricadées. Elles furent gardées chacune par une escouade. Deux escouades furent chargées d'occuper la chambre N-O et les ouvertures du bâtiment qui avaient des vues sur la cour.On mit une escouade à la défense d'une brèche ancienne, située à l'angle S.-E., et le reste de la compagnie fut chargé de surveiller les toits.A neuf heures et demie, on avait employé toutes les ressources dont on pouvait disposer pour organiser la défense. L'ennemi, confiant en son nombre, somma d'abord le Capitaine Danjou de se rendre. Il fut remercié en termes qui ne lui laissèrent aucun doute sur la détermination de nos vaillants soldats, et le feu commença partout à la fois. Le Capitaine Danjou fit promettre à ses hommes de se défendre jusqu'à la dernière extrémité.
Tous le promirent. Peu après, il tombait percé d'une balle tirée de la chambre occupée par l’ennenmi, et mourait sans avoir prononcé une parole. M. le sous-lieutenant Vilain prit aussitôt le commandement, et la défense continua. Vers midi on entendit battre et sonner. Il y avait une lueur d'espérance parmi les défenseurs de Caméronte, on crut un instant à l'arrivée du régiment sur le lieu du combat. Cet espoir ne fut pas de longue durée. C’était le bataillon mobile de Vera-Cruz, le bataillon de Jalapa et le bataillon de Cordova qui venaient, forts de trois cents à quatre cents hommes chacun, ajouter le poids de leurs armes dans cette lutte déjà trop inégale. Dans le mur qui fait face à l'entrée, l'ennemi, au moyen de pinces, parvint à ouvrir une brèche large de près de trois mètres. Cette brèche lui permettait de faire feu à revers sur les défenseurs de la porte principale. Une autre brèche, pratiquée dans le mur de la chambre occupée par l'ennemi, lui donnait des vues dans toutes les parties de la cour. Là était le point dangereux ; c'est là que, vers deux heures de l'après-midi, M. le sous-lieutenant Vilain tomba frappé d'une balle au front. Il fut remplacé dans le commandement par M. le sous-lieutenant Maudet, porte-drapeau.
II faisait une chaleur accablante. La troupe n'avait pas mangé depuis la veille, et personne n'avait bu depuis le matin. Ce que souffraient les blessés mourant de soif était affreux. Il était impossible d'apporter le moindre soulagement à leurs souffrances et on eut recours à tous les expédients qu'impose en pareil cas la nécessité pour tromper la soif, quelques-uns buvaient leur sang !L'ennemi, vers deux heures, fit une nouvelle sommation. Elle fut accueillie plus mal que la première. Il prit alors une résolution extrême accumulant de la paille dans l'angle N-E, devant la face N et sous le hangar extérieur qui l'ait face à Vera-Cruz, il y mit le feu. Le vent portait dans la cour, la fumée aveuglait nos hommes et vint ajouter de nouvelles souffrances aux terribles angoisses de la soif. Malgré tout, on se maintint jusqu'au soir en se disputant les créneaux et les brèches.
Vers cinq heures et demie, il y eut un moment de répit. L'ennemi massa son infanterie à l'abri de la seconde maison de Camérone, et son chef adressa un discours qui fut entendu de la cour et traduit par le soldat Bertholotto.Milan disait qu'il fallait en finir avec les Français ; que ceux-ci étaient réduits à quelques hommes épuisés que ce serait une honte ineffaçable pour les Mexicains que de ne pas prendre ce qui en restait, qu'il fallait donner un dernier assaut, enlever la position. Et aussitôt l'attaque fut reprise. L'ennemi se précipita dans la cour par toutes les ouvertures à la fois. A la porte principale se trouvait le caporal Berg, seul survivant, il fut pris. Dans l'angle opposé S-E, se trouvait encore le caporal Pinzinger, le caporal Magnin, les fusiliers Kunasseck et Gorski. Ils avaient jusque-là défendu leur brèche avec succès. Ils durent abandonner sa défense pour faire face à ceux qui avaient envahi la cour et qui les prenaient à revers. Ils se défendirent encore, mais l'ennemi remplissait la cour. Au bout d'un instant ils étaient pris et l'ennemi les entraînait. Restait le Sous-lieutenant Maudet avec le caporal Maine et les soldats Catteau, Wensel, Constantin et Léonard. Il s'était retiré entre les deux portes de la cour, dans les débris d'un hangar ruiné. Il s'y défendit encore un quart d'heure jusqu'à ce qu'il fût réduit, ainsi que ses hommes, à sa dernière cartouche.Voyant que tous ses efforts étaient inutiles, il réunit ses hommes et, les larmes aux yeux, ordonna d'envoyer à l'ennemi la dernière balle, puis de se faire tuer en chargeant à la baïonnette.
Au moment où, à la tête de son monde, il sortait du hangar, tous les fusils étaient abaissés sur lui. Le fusilier Catteau se jette devant son officier, lui fait un rempart de son corps et tombe foudroyé. M. Maudet lui-même, blessé de deux balles à la hanche, tombe. Alors l'ennemi se précipite et prend tout ce qui respire encore. L'heure fatale avait sonné. C'en était fait de la 3e compagnie du 1er bataillon. Il était six heures du soir.
Les blessés furent amenés auprès du barrage de Camérone et pansés par le docteur Talavera, qui commandait le bataillon de Cordova. Parmi les troupes ennemies, le bataillon de Jalapa, officiers et soldats, se fit remarquer par ses attentions et ses soins pour nos prisonniers. Le Colonel mexicain Cambas et le Capitaine Laisné se multiplièrent pour apporter à leur sort tous les adoucissements possibles. Nos prisonniers leur donnent de grands remerciements. Ils n'eurent pas à se louer du traitement des autres troupes.
Nos pertes se sont élevées à : Trois officiers tués, le troisième, M. Mandet est mort de ses blessures à Huatusco, le 8 mai ; Vingt sous-officiers et soldats tués dans l'action ; Sept sous-officiers et soldats morts de leurs blessures ; Seize sous-officiers et soldats blessés.
D'après les renseignements recueillis avec le plus grand soin, les pertes de l'ennemi ont été de trois à quatre cents hommes hors de combat. Chez lui comme chez nous, le nombre des morts a été plus considérable que celui des blessés. Dans ce glorieux combat, tout le monde a fait son devoir. Cependant, il est quelques hommes qui ont été assez heureux pour se faire distinguer de leurs camarades.
Les prisonniers rentrés citent : Parmi les morts M. le Capitaine Danjou, M. le sous- lieutenant Maudet, le sergent-major Tonnelle, le sergent Morzicki, le sergent Germeys, les caporaux Favas et Delcaretto, les fusiliers Catteau, Hipp, Bohr et Langmayer. Et parmi les survivants les sergents Schaffner et Palmaert, les caporaux Pinzinger, Maine, Berg et Magnin, les fusiliers Fritz (7), Wenzel, Brunswick, Kunasseck, Schreiblich, Léonard, Reber, Gorski, Van Opstal, Constantin, Baas et Dangline. Les deux derniers, gravement blessés, n'ont pu être rendus ; ils sont encore à l'hôpital de Jalapa.
Je suis heureux, mon Général, d'avoir à vous rendre un bon compte de la conduite de la 3e compagnie du 1er bataillon.
J'ose espérer que vous apprécierez sa bravoure et son énergie comme elle le mérite. Veuillez, je vous prie, mettre sous les yeux de Son Excellence, le Maréchal Forey, les noms de tous les braves qui se sont distingués dans cette journée, et lui garantir que, quand l'occasion s'en présentera, Son Excellence trouvera dans toutes les compagnies du Régiment Etranger la même solidité que dans la compagnie de Camérone. Une conduite aussi exceptionnelle mérite des récompenses exceptionnelles.
En conséquence, le nommé : Maine, sergent, sera nommé sous-lieutenant à la première vacance dans le corps. Les nommés : Schaffner, sergent, Wensel, grenadier, Fritz, voltigeur, Pinzinger, caporal, Brunswick, voltigeur sont nommés Chevaliers de la Légion d'honneur. Les nommés Palmaert, sergent, Magnin, caporal, Kunasseck, voltigeur, Schreiblich, grenadier, Rebers, voltigeur, Gorsky, grenadier, sont décorés de la Médaille militaire.
Au quartier général à Mexico, le 30 août 1863. Signé Le Maréchal commandant en chef Forey. Pour copie conforme, le Général, chef d'Etat-Major général d'Auvergne. Pour copie conforme, le Colonel Jeanningros.
Lettre du ministre de la guerre du 4 novembre 1863 à M. le Colonel commandant supérieur du Régiment Etranger de Vera-Cruz.
Colonel,
J'ai reçu la lettre du l octobre dernier, par laquelle vous demandez que le nom de Camérone soit ajouté à la légende de la médaille du Mexique et inscrit sur le Drapeau du Régiment Etranger pour perpétuer le souvenir du combat du 30 avril 1863.
La première de ces demandes ne peut être accueillie, attendu que l'institution de la médaille a pour but de conserver, d'une manière générale, le souvenir de l'expédition et non celui de quelques faits d'armes particuliers à un corps seulement. En ce qui concerne ces derniers, l'inscription en est faite sur les parties flottantes des drapeaux.
Je vous autorise, en conséquence, à donner suite à la seconde demande en prescrivant les mesures nécessaires pour que le nom de CAMERONE soit inscrit sur le Drapeau du Régiment Etranger en caractères réglementaires. Le Ministre.
Par une lettre de même date, le Ministre de la Guerre informait la Direction de l'Artillerie à Paris de cette décision. Enfin, le Ministre en avisait également le Général Bazaine, commandant en chef du Corps expéditionnaire du Mexique depuis le 30 septembre, et terminait sa lettre en ces termes : « Cette autorisation est donnée à titre tout à fait exceptionnel, car elle déroge à la règle qui confère au service de l'Artillerie le soin de faire les inscriptions sur les drapeaux. »
A la suite de cette décision, l'étoffe du Drapeau qui, à ce moment-là, devait se trouver à Chiquihuite, avec l'état-major du régiment, reçut, sans doute par les soins d'un légionnaire, artiste désigné à cet effet, cette inscription de Camérone qui devait se perpétuer ensuite sur les Drapeaux successifs de la Légion et sur l'étendard du régiment de Cavalerie. Malgré les recommandations de la Direction de l'Artillerie, il est possible que la forme des lettres ou des chiffres (car on mentionna certainement le millésime 1863), ou encore la teinte de l'or, ne furent pas respectées à la lettre d'autant que le Drapeau ayant, déjà huit ans d'existence et ayant pris part à la Campagne d'Italie, l'étoffe ne devait pas être en bon état. Il est possible aussi que l'inscription ait été apposée sur une bande de soie cousue ensuite au-dessous du mot « SEBASTOPOL ». Quoi qu'il en soit, le Régiment Etranger est le seul qui bénéficia d'une faveur qui ne laissait pas que de faire jeter les hauts cris, par son irrégularité, aux paperassiers du ministère.
L'inscription «CAMÉRONE 1863» ajoutée à la suite de celle de «SEBASTOPOL 1855», il en résulta que celles de «MAGENTA 1859» et de «SOLFERINO 1859», attribuées par décision du 20 janvier 1861, et celle enfin d' «OAJACA 1865», prescrite pour le Régiment Etranger par décision du 31 mars 1869, ne furent pas portées sur l'étoffe.
Le Drapeau atteignit ainsi l’année 1870. Dans le « Livre d'or », j'ai relaté en quelques lignes comment a disparu, par ordre du Gouvernement (Circulaire du 5 juillet 1871 qui prescrivit la destruction de l’Aigle et l’incinération de l’étoffe et de la cravate), l'emblème qui, le premier, a contenu dans ses plis la gloire de Camérone.
Grâce au sous-lieutenant Kelbel (8) et à l'heureuse chance qui le servit, nous avons tout au moins la joie de posséder encore, au Musée du Souvenir de la Légion Etrangère, l'Aigle et la hampe qui arborèrent cette étoffe sacrée.
Je ne puis retracer l'histoire du Drapeau du Régiment Etranger sans m'arrêter un instant devant le magnifique soldat qui en avait la charge, le sous-lieutenant Maudet, tué à Camérone aux côtés du Capitaine Danjou, du sous-lieutenant Vilain et de ses légionnaires. Maudet était porte-drapeau au Régiment Etranger depuis le 21 janvier 1863. C'est lui qui prit le commandement des derniers survivants de l'héroïque phalange ; on sait qu'il tomba l'un des derniers.
Jean Brunon, Légionnaire d'honneur au 1er Etranger.
(1) Sous le prince Louis-Napoléon, président de la République, et jusqu'à 1854 2e Régiment de la Légion Etrangère, 1852-1854 sous l'Empereur Napoléon III 2e Régiment de la Légion Etrangère, 1854-1855 2e Régiment de la 1e Légion Etrangère, 1855-1856 2e Régiment Etranger, 1858-1862 et enfin, Régiment Etranger, jusqu'à la remise de la nouvelle Aigle, en mai 1862.
(2) Les inscriptions du caisson de l'Aigle (Modèle 1854, en galvanoplastie), l'étoffe et la cravate, modèle 1855, furent modifiées.
(3) Seules subsistent de cet emblème l'Aigle, modèle 1860, et la hampe conservées à la salle d'honneur, du 1er Etranger à Sidi-bel-Abbès.
(4) Millésime erroné : on a peint 1839 au lieu de 1833 l'inscription « Mostaganem » devrait par conséquent être placée avant celle de « Constantine ».
(5) Erreur de transcription qui a été répétée par le peintre « Djgelly » au lieu de « Djigelly ».
(6) J'ai indiqué que cette Aigle est conservée, avec la hampe, à Sidi-Bel-Abbès ; sa dorure est encore à peu près intacte l'anneau de la cravate manque. La hampe, peinte en bleu et vernie, mesure deux mètres seize. Elle est terminée par un talon en cuivre doré, de cinq centimètres.
(7) On remarquera qu'entre temps, des nominations avaient été faites au régiment après le combat de Camérone. C'est ainsi que le caporal Haine avait été nommé sergent, les fusiliers Wensel, Schreiblich et Gorsky, grenadiers et les fusiliers Fritz, Brunswick, Kunasseck et Rebers, voltigeurs.
(8) Kelbel (Jules-Charles) sous-lieutenant au régiment étranger du 4 décembre 1870.
Avec son son frère, puis ensuite avec son fils, Jean Brunon a constitué une bibliothèque qui représente le deuxième fond d'archives militaires de France après celui du service historique de la défense, et qui se trouve au musée de l'Empéri.
Une association des Amis du musée a été créée en 1968.
rédigé par Jean Brunon Légionnaire d'honneur au 1er Etranger
L'étude de nos anciens Drapeaux et Etendards offre bien des difficultés et, réserve bien des surprises. Ne considérons, par exemple, que la période postérieure à 1815 nos emblèmes régimentaires de la Restauration (1815-1830) et ceux de l'époque Louis-Philippe (1830-1818) permettent, par leur uniformité, des recherches relativement aisées. Ceux de la première période de la Deuxième République (1848-1851) demandent déjà beaucoup plus d'attention. Enfin, les Aigles qu'arborèrent nos régiments de 1852 à 1870 réclament des recherches fort délicates.
Ces recherches sont semées d'embûches, du fait de la diversité des modèles successifs, ou encore par l'intervention de détails tels, que, en définitive, abstraction faite des inscriptions, l'Armée ne possédait pas deux emblèmes identiques à la fin du Second Empire.
Avant la publication du « Livre d'or de la Légion Etrangère » en 1931, et malgré de nombreux ouvrages publiés sur nos drapeaux, il n'existait aucune étude approfondie et documentaire sur leur histoire depuis 1830. Mieux encore, la plupart de ces ouvrages répandaient à profusion des erreurs telles, qu'elles prouvaient la méconnaissance complète du sujet traité ; nos Drapeaux et Etendards de la Troisième République eux-mêmes n'y sont pas épargnés.
Sous le titre « La voûte de Gloire (chapitre 2 du Livre d'or de la Légion), j'ai publié pour la première fois un travail complet, bien qu'encore très imparfait, sur les drapeaux successifs d'un corps de troupe de 1830 à nos jours : l'histoire des Drapeaux de la Légion Etrangère. Travail basé sur les emblèmes ou fragments actuellement subsistant et sur les documents d'archives, à l'exclusion de toute autre source.
Pour un début c'était téméraire, car, pour la période comprise entre 1852 et 1870, nul corps n'offre plus de transformations, et les bureaux de la guerre eux-mêmes s'y perdaient. C'est ainsi, à titre d'exemple, que l'Aigle (modèle 1852) qui surmontait le Drapeau remis, le 10 mai 1852, par le Prince-Président Louis-Napoléon, au 2° Régiment de la Légion Etrangère, passa successivement sur deux autres drapeaux entièrement renouvelés (en 1854 et en 1856), ou fut arborée par cinq régiments de Légion, chacun héritant du précédent, mais recevant chaque fois, sauf toutefois en 1854, une dénomination nouvelle (1). Comme casse-tête, des généalogistes ne pourraient trouver mieux.
But de cette étude. Je me propose aujourd'hui, non de reprendre l'étude de l'Aigle du Régiment Etranger de 1862 à1870, mais de compléter celle que j'ai publié dans le « Livre d'or», et surtout de reproduire les documents ou rapports officiels qui décidèrent de l'inscription sur son étoffe, du nom glorieux de « Camerone ».
Ces documents, trop longs pour que nous puissions les donner in extenso dans le «Livre d'or», où pourtant ils devraient figurer, sont entièrement inédits. L'intérêt considérable qu'ils présentent pour la Légion et, principalement, le rapport émouvant du chef de bataillon Regnault, commandant par intérim le Régiment Etranger, n'échappera à aucun légionnaire.
Origine du Drapeau du Régiment Etranger Rappelons en quelques lignes d'où provenait le Drapeau du Régiment Etranger.
Par décret impérial du 14 décembre l861, le 1er Régiment Etranger était supprimé ; en outre, par décret du 1er janvier 1862, le 2e Régiment Etranger devenait « Régiment Etranger ».
Le Drapeau du ler Régiment Etranger provenait du 1er Régiment de l'ex 2e Légion Etrangère, supprimée en 1856 (2) il fut déposé à la direction d'artillerie d'Oran, puis, en 1862, au musée d'artillerie à Paris.
Le Drapeau du 2e Régiment Etranger fut transmis tel quel au Régiment Etranger (3). Au moment de la création, en 1856, du 2e Régiment Etranger, le Drapeau de ce régiment devait être primitivement celui du 2e Régiment de l'ex lère Légion Etrangère, en transformant l'étoffe et la cravate, comme cela fut fait pour le ler Régiment. Mais le Drapeau du 2e Régiment de l'ex lère Légion ne put être utilisé et une étoffe et une cravate neuves furent confectionnées pour le 2° Régiment Etranger par ordre du 28 mars 1857.
Le Drapeau du Régiment Etranger au début de 1862 Voici la description du Drapeau au moment où le 2e Régiment Etranger prend la dénomination de Régiment Etranger, le 01 janvier 1862.
AIGLE : C'était l'ancienne Aigle en bronze doré, modèle 1852, du Drapeau de l'ancien 2e Régiment de la Légion Etrangère, devenu, en 1855, 2e Régiment de la 1ère Légion Etrangère. La face du caisson portait le numéro du régiment « 2ème », et le revers la désignation « Régiment Etranger » sur deux lignes. Cette Aigle avait pris part à la Campagne de Crimée, 1854-55, et à la Campagne d'Italie, 1859 (Conservée au musée de l’Armée et reproduite dans le « Livre d’or »).
ETOFFE : Elle était confectionnée en soie tricolore, conformément au modèle de 1855. Ornements (reproduits ou décrits dans le « Livre d'or ») et inscriptions étaient peints en or à l'effet. Les franges, à petites torsades, étaient en or fin.
Les inscriptions de la face étaient les suivantes : « 2e Rnt - L'EMPEREUR NAPOLEON III AU 2° REGIMENT ETRANGER -2e Rnt »
La décision du 2 Décembre 1856 et celle du 21 janvier 1857 avaient déterminé quelles seraient celles du revers : « 2e Rnt - CONSTANTINE (1837), MOSTAGANEM (1839) (4), MOUZAIA (1840), COLEAH (1841), DJGELLY (1842) (5), ZAATCHA (1849), ALMA (1854), SEBASTOPOL (1855) - 2e Rnt »
A la suite de la Campagne d'Italie, la décision du 20 janvier 1861 avait prescrit, pour le 2e Régiment Etranger, les inscriptions « MAGENTA (1859), SOLFERINO (1859) ». Elles ne furent pas ajoutées sur l'étoffe, cette décision ayant spécifié de « ne faire les inscriptions nouvelles qu'au fur et à mesure du renouvellement des parties flottantes ». Cette étoffe mesurait 90 X 90.
CRAVATE : Egalement du modèle 1855. En soie tricolore dans le sens de la longueur, et doubles broderies et franges à grosses et petites torsades en or lin. L'inscription « REGIMENT ETRANGER », d'une part, l' N impériale couronnée (la couronne en galvano doré), d'autre part, étaient entourés d'une branche de chêne et de laurier ; une grecque séparait ces motifs de la bordure en franges. La cravate mesurait 1 mètre de long, sur 0,20 de large. Cette étoffe et cette cravate ont pris part, comme l’Aigle, à la campagne d’Italie 1859.
Le Drapeau reçoit une nouvelle Aigle
En mars 1861, le Ministre de la Guerre avait, décidé le remplacement des nouvelles Aigles (en bronze, modèle 1852, ou en galvanoplastie modèle 1854) par des Aigles en aluminium, modèle adopté par l'Empereur l'année précédente. Avant que les nouvelles Aigles destinées aux deux régiments étrangers ne leur fussent livrées, ceux-ci étaient supprimés. Par suite, l'Aigle qui se trouvait prête à être expédiée au 1er Etranger fut ainsi modifiée : le revers du caisson, qui portait la désignation du corps, devint la nouvelle face ; l'ancienne, dont le numéro du régiment fut enlevé, devint le nouveau revers sans inscription (6).
Tel se présente le Drapeau du Régiment Etranger au moment du départ pour le Mexique, au commencement de l'année 1863. L'Aigle seule porte la désignation réelle du corps l'étoffe, la cravate et la hampe sont celles de l'ancien 2e Régiment Etranger, telles qu'elles étaient arborées de 1857 à 1862. A l'exception de l'inscription de « Camerone », dont je vais parler, l'emblème ne reçut aucune modification jusqu'à son versement à la Direction d'Artillerie d'Oran, en octobre 1870, où il fut détruit quelques mois plus tard.
Le 28 mars 1863 debarquait au Mexique le Colonel Jeanningros, commandant le Régiment Etranger, avec deux bataillons. Le Drapeau était présent. Un mois après, le régiment devait se distinguer par un fait d'armes des plus glorieux qui valut à son Drapeau la faveur inaccoutumée d'inscrire sur place le nom de cette action d'éclat : le combat de Camerone, le 30 avril 1863.
Ici se place la si intéressante correspondance à laquelle j'ai fait allusion malgré la forme officielle, son caractère exceptionnel et le remarquable rapport du commandant Regnault imposent sa reproduction :
Lettre du colonel Jeanningros, commandant supérieur de la Vera-Cruz et des Terres Chaudes, datée du 01 octobre 1863 à Son Excellence M. le Maréchal de France, Ministre de la Guerre.
Monsieur le Maréchal,
J'ose vous adresser une prière que je vous supplie de soumettre à Sa Majesté l'Empereur. Le combat soutenu le 30 avril dernier à Camérone par une compagnie du Régiment Etranger est connu aujourd'hui dans tous ses détails.
Dans son ordre général du 30 Août n° 195, Son Excellence le Maréchal commandant en chef l'appelle « combat de géants, combat digne de prendre rang dans nos annales militaires à côté des plus beaux faits d'armes ». Veuillez prier Sa Majesté, Monsieur le Maréchal, qu'Elle daigne perpétuer le souvenir de cette lutte héroïque, qu'Elle daigne décréter que le nom de CAMERONE sera ajouté à la légende de la médaille du Mexique, et inscrit sur le Drapeau du régiment.
Les officiers et soldats du Régiment Etranger seront fiers d'une aussi glorieuse distinction. Ils se montreront dignes de la bienveillance du Souverain qui aura consenti à immortaliser l'héroïsme de leurs camarades de CAMERONE et ils sauront imiter cet héroïsme quand il s'agira de la France et de l'Empereur. Le passé répond de l'avenir.
J'ai l'honneur d'être, avec un profond respect, de Votre Excellence, Monsieur le Maréchal, le très humble et très obéissant serviteur.
Lettre du colonel Jeanningros, commandant supérieur de la Vera-Cruz et des Terres Chaudes, datée du 01 octobre 1863 à Son Excellence M. le Maréchal de France, Ministre de la Guerre.
Monsieur le Maréchal,
Dans le cas où Votre Excellence n'aurait pas encore reçu l'ordre général n° 195, je prends la liberté de lui en envoyer une copie à l'appui de ma lettre n° 454. J'ai l'honneur d'être, etc…
Ordre général n° 195 du 30 août 1863
Le Général en chef a déjà fait connaître à l'armée du Mexique la belle conduite de la 3e compagnie du Ier bataillon du Régiment Etranger, qui, le 30 avril dernier, attaquée au nombre de soixante-deux hommes par une force ennemie évaluée à mille sept cents hommes, dont huit cents cavaliers, s'est réfugiée dans une maison du village de Camérone, et y a soutenu un combat digne de prendre rang dans nos annales militaires, à côté des plus beaux faits d'armes.
Les trois officiers de la compagnie et vingt-sept sous-officiers et soldats y furent tués ; seize furent blessés ; le reste tomba au pouvoir de l'ennemi après une défense héroïque (La plupart de ces hommes étaient blessés).
Le rapport circonstancié de cet admirable combat n'avait pu encore être transmis au Général en chef, car, excepté un tambour grièvement blessé, personne de cette compagnie de héros n'avait reparu au corps. Et ce n'est qu'aujourd'hui que M. le chef de bataillon Régnault, commandant par intérim le Régiment Etranger, ayant recueilli de l'ennemi et des prisonniers, dont le Général en chef a obtenu l'échange il y a peu de temps, des documents certains propres à faire connaître ce combat exceptionnel dans tous ses détails, en a fait parvenir l'émouvant récit au Général de Maussion, commandant la brigade de réserve, qui l'a transmis au Général en chef. Le Maréchal commandant en chef, voulant que personne dans le corps expéditionnaire n'ignore cette lutte de géants dans ses moindres détails, transcrit littéralement ici le rapport du chef de bataillon Régnault.
Il n'a pas besoin de dire que sa conviction intime est, qu'en pareille circonstance, il n'est pas une seule compagnie dans l'armée qui ne fit comme la 3e compagnie du ler bataillon du Régiment Etranger, qui a montré à un ennemi combattant trente contre un, ce que sont les soldats de la France :
Mon général,
Les débris de la 3e compagnie du ler bataillon du Régiment Etranger, qui avait été détruite au combat de Camérone, le 30 avril dernier, viennent de rentrer ; nous connaissons par eux et par les Mexicains les détails de ce glorieux fait d'armes. Je m'empresse de vous le communiquer : Le 30 avril dernier, le colonel mexicain Milan se trouvait à la Joya, à environ deux lieues de notre ligne de communication. Sa colonne se composait de cinq cents chevaux réguliers, trois cent cinquante guérilleros et trois bataillons d'infanterie : Le bataillon mobile de Vera-Cruz, celui de Jalapa et le bataillon de Cordovo. Chacun de ces bataillons comptait de trois à quatre cents hommes dans le rang.
La mission du colonel Milan était d'enlever le grand convoi d'artillerie de siège qui se concentrait en ce moment à la Soledad, et surtout de mettre la main sur un convoi de trois millions que le Trésor devait diriger sur Puebla. Ou ne se doutait pas, chez nous, de la présence sur ce point, d'une pareille force.
Le même jour, 30 avril, M. le capitaine Danjou partit de Chiquihuite à une heure du matin, avec la mission de se rendre à Palo-Verde, distant d'environ six lieues, et d'explorer les environs à une lieue de ce point. La 3e compagnie, qui marchait sous ses ordres, avait dans le rang soixante-deux hommes de troupe, sous-officiers compris, plus trois officiers : M. Danjou, adjudant-major ; M. le sous- lieutenant Vilain et M. Maudel, porte-drapeau, adjoint à la compagnie pour la reconnaissance.
En sortant de Camérone, le Capitaine Danjou prit à gauche, et marcha dans la direction de la Joya. Arrivé à la hauteur de Palo-Verde, il se rabattit sur ce point pour y faire le café. Il y était rendu à sept heures du matin.
La marche du Capitaine Danjou, de Camerone vers le nord de Palo-Verde, fit supposer au Colonel Milan que sa position de la Joya avait été éventée, et que le Capitaine Danjou était chargé de le reconnaître. Cette marche lui avait été signalée le 30 avril dès le point du jour. On avait compté nos hommes ; on les savait peu nombreux. Milan résolut de les enlever pour ne pas manquer le convoi d'artillerie. Il était environ huit heures du matin, lorsque sa cavalerie parut à Palo-Verde, barrant la route dans la direction de Chiquihuite.
Le café n'était pas achevé. Le Capitaine Danjou fit renverser les marmites, il envoya chercher l'escouade du caporal Magnin qui était de garde à l'eau, fit charger le campement et se mit en retraite en colonne, prêt à former le carré, avec une escouade de tirailleurs. En quittant Palo-Verde, il prit à droite de la route, dans un terrain parsemé de broussailles, afin de mieux se défendre contre les attaques de la cavalerie. L'ennemi supposa que le capitaine Danjou prenait cette direction pour mieux reconnaître de jour le chemin de la Joya qui avait déjà été reconnu la nuit. Il n'attendit pas, il se retira.
En arrivant à Camérone le village parut occupé. Un coup de feu parti de l'une des maisons, vint blesser un homme de la colonne. Dans l'espoir de prendre l'ennemi, on chercha à le cerner. Une section se dirigea à droite, l'autre à gauche des maisons. Les deux sections se donnèrent rendez-vous sur la route, de l'autre côté du village, et elles s'y rejoignirent. On fit une pause d'un quart d'heure qui fut consacrée à fouiller les maisons, il ne s'y trouvait personne.
Au même moment, l'ennemi reparut en grand nombre sur la droite de la route. Le Capitaine Danjou quittant Camérone marcha droit à lui. L'ennemi céda d'abord le terrain mais, arrivé trois cents mètres de Camérone, le Capitaine Danjou était entièrement cerné. Milan, avec la cavalerie régulière, avait même pris position entre les nôtres et les maisons de Camérone.La cavalerie, formant un cercle, chargea vigoureusement jusqu'à soixante mètres. Elle fut repoussée par le feu de deux faces. Profitant d'un moment de répit, le Capitaine Danjou gravit un petit talus qui longeait la route à gauche, et arrivait jusqu'au village de Camérone. Là, il se forma de nouveau en carré il fut de nouveau chargé et cette seconde charge fut repoussée comme la première.
La colonne prit alors sa direction sur la maison de Camérone qui se trouve au sud de la route : elle se fit jour à travers la cavalerie aux cris de « Vive l'Empereur ».
La maison de Camérone se compose d'une cour carrée d'environ cinquante mètres de côté. A la face qui longe la route, est adossé un corps de bâtiment partagé en plusieurs chambres ; ces chambres communiquent par des fenêtres et des portes, d'un côté avec la route, de l'autre côté avec la cour. A l'intérieur et tout autour de la cour, se trouvent des hangars ouverts et ruinés depuis longtemps. L'orientation des quatre faces est à peu près celle des quatre points cardinaux. On entre dans la cour par deux grandes portes percées dans la face qui regarde l'ouest.Le capitaine Danjou occupa aussitôt la cour et la chambre située à l'angle N-O. En même temps, l'ennemi prit possession de la chambre située à l'angle N-E. Cette chambre ne communiquait avec la cour que par une fenêtre ; elle avait sur la rue une grande ouverture sans porte.
Les deux grandes entrées de la cour furent barricadées. Elles furent gardées chacune par une escouade. Deux escouades furent chargées d'occuper la chambre N-O et les ouvertures du bâtiment qui avaient des vues sur la cour.On mit une escouade à la défense d'une brèche ancienne, située à l'angle S.-E., et le reste de la compagnie fut chargé de surveiller les toits.A neuf heures et demie, on avait employé toutes les ressources dont on pouvait disposer pour organiser la défense. L'ennemi, confiant en son nombre, somma d'abord le Capitaine Danjou de se rendre. Il fut remercié en termes qui ne lui laissèrent aucun doute sur la détermination de nos vaillants soldats, et le feu commença partout à la fois. Le Capitaine Danjou fit promettre à ses hommes de se défendre jusqu'à la dernière extrémité.
Tous le promirent. Peu après, il tombait percé d'une balle tirée de la chambre occupée par l’ennenmi, et mourait sans avoir prononcé une parole. M. le sous-lieutenant Vilain prit aussitôt le commandement, et la défense continua. Vers midi on entendit battre et sonner. Il y avait une lueur d'espérance parmi les défenseurs de Caméronte, on crut un instant à l'arrivée du régiment sur le lieu du combat. Cet espoir ne fut pas de longue durée. C’était le bataillon mobile de Vera-Cruz, le bataillon de Jalapa et le bataillon de Cordova qui venaient, forts de trois cents à quatre cents hommes chacun, ajouter le poids de leurs armes dans cette lutte déjà trop inégale. Dans le mur qui fait face à l'entrée, l'ennemi, au moyen de pinces, parvint à ouvrir une brèche large de près de trois mètres. Cette brèche lui permettait de faire feu à revers sur les défenseurs de la porte principale. Une autre brèche, pratiquée dans le mur de la chambre occupée par l'ennemi, lui donnait des vues dans toutes les parties de la cour. Là était le point dangereux ; c'est là que, vers deux heures de l'après-midi, M. le sous-lieutenant Vilain tomba frappé d'une balle au front. Il fut remplacé dans le commandement par M. le sous-lieutenant Maudet, porte-drapeau.
II faisait une chaleur accablante. La troupe n'avait pas mangé depuis la veille, et personne n'avait bu depuis le matin. Ce que souffraient les blessés mourant de soif était affreux. Il était impossible d'apporter le moindre soulagement à leurs souffrances et on eut recours à tous les expédients qu'impose en pareil cas la nécessité pour tromper la soif, quelques-uns buvaient leur sang !L'ennemi, vers deux heures, fit une nouvelle sommation. Elle fut accueillie plus mal que la première. Il prit alors une résolution extrême accumulant de la paille dans l'angle N-E, devant la face N et sous le hangar extérieur qui l'ait face à Vera-Cruz, il y mit le feu. Le vent portait dans la cour, la fumée aveuglait nos hommes et vint ajouter de nouvelles souffrances aux terribles angoisses de la soif. Malgré tout, on se maintint jusqu'au soir en se disputant les créneaux et les brèches.
Vers cinq heures et demie, il y eut un moment de répit. L'ennemi massa son infanterie à l'abri de la seconde maison de Camérone, et son chef adressa un discours qui fut entendu de la cour et traduit par le soldat Bertholotto.Milan disait qu'il fallait en finir avec les Français ; que ceux-ci étaient réduits à quelques hommes épuisés que ce serait une honte ineffaçable pour les Mexicains que de ne pas prendre ce qui en restait, qu'il fallait donner un dernier assaut, enlever la position. Et aussitôt l'attaque fut reprise. L'ennemi se précipita dans la cour par toutes les ouvertures à la fois. A la porte principale se trouvait le caporal Berg, seul survivant, il fut pris. Dans l'angle opposé S-E, se trouvait encore le caporal Pinzinger, le caporal Magnin, les fusiliers Kunasseck et Gorski. Ils avaient jusque-là défendu leur brèche avec succès. Ils durent abandonner sa défense pour faire face à ceux qui avaient envahi la cour et qui les prenaient à revers. Ils se défendirent encore, mais l'ennemi remplissait la cour. Au bout d'un instant ils étaient pris et l'ennemi les entraînait. Restait le Sous-lieutenant Maudet avec le caporal Maine et les soldats Catteau, Wensel, Constantin et Léonard. Il s'était retiré entre les deux portes de la cour, dans les débris d'un hangar ruiné. Il s'y défendit encore un quart d'heure jusqu'à ce qu'il fût réduit, ainsi que ses hommes, à sa dernière cartouche.Voyant que tous ses efforts étaient inutiles, il réunit ses hommes et, les larmes aux yeux, ordonna d'envoyer à l'ennemi la dernière balle, puis de se faire tuer en chargeant à la baïonnette.
Au moment où, à la tête de son monde, il sortait du hangar, tous les fusils étaient abaissés sur lui. Le fusilier Catteau se jette devant son officier, lui fait un rempart de son corps et tombe foudroyé. M. Maudet lui-même, blessé de deux balles à la hanche, tombe. Alors l'ennemi se précipite et prend tout ce qui respire encore. L'heure fatale avait sonné. C'en était fait de la 3e compagnie du 1er bataillon. Il était six heures du soir.
Les blessés furent amenés auprès du barrage de Camérone et pansés par le docteur Talavera, qui commandait le bataillon de Cordova. Parmi les troupes ennemies, le bataillon de Jalapa, officiers et soldats, se fit remarquer par ses attentions et ses soins pour nos prisonniers. Le Colonel mexicain Cambas et le Capitaine Laisné se multiplièrent pour apporter à leur sort tous les adoucissements possibles. Nos prisonniers leur donnent de grands remerciements. Ils n'eurent pas à se louer du traitement des autres troupes.
Nos pertes se sont élevées à : Trois officiers tués, le troisième, M. Mandet est mort de ses blessures à Huatusco, le 8 mai ; Vingt sous-officiers et soldats tués dans l'action ; Sept sous-officiers et soldats morts de leurs blessures ; Seize sous-officiers et soldats blessés.
D'après les renseignements recueillis avec le plus grand soin, les pertes de l'ennemi ont été de trois à quatre cents hommes hors de combat. Chez lui comme chez nous, le nombre des morts a été plus considérable que celui des blessés. Dans ce glorieux combat, tout le monde a fait son devoir. Cependant, il est quelques hommes qui ont été assez heureux pour se faire distinguer de leurs camarades.
Les prisonniers rentrés citent : Parmi les morts M. le Capitaine Danjou, M. le sous- lieutenant Maudet, le sergent-major Tonnelle, le sergent Morzicki, le sergent Germeys, les caporaux Favas et Delcaretto, les fusiliers Catteau, Hipp, Bohr et Langmayer. Et parmi les survivants les sergents Schaffner et Palmaert, les caporaux Pinzinger, Maine, Berg et Magnin, les fusiliers Fritz (7), Wenzel, Brunswick, Kunasseck, Schreiblich, Léonard, Reber, Gorski, Van Opstal, Constantin, Baas et Dangline. Les deux derniers, gravement blessés, n'ont pu être rendus ; ils sont encore à l'hôpital de Jalapa.
Je suis heureux, mon Général, d'avoir à vous rendre un bon compte de la conduite de la 3e compagnie du 1er bataillon.
J'ose espérer que vous apprécierez sa bravoure et son énergie comme elle le mérite. Veuillez, je vous prie, mettre sous les yeux de Son Excellence, le Maréchal Forey, les noms de tous les braves qui se sont distingués dans cette journée, et lui garantir que, quand l'occasion s'en présentera, Son Excellence trouvera dans toutes les compagnies du Régiment Etranger la même solidité que dans la compagnie de Camérone. Une conduite aussi exceptionnelle mérite des récompenses exceptionnelles.
En conséquence, le nommé : Maine, sergent, sera nommé sous-lieutenant à la première vacance dans le corps. Les nommés : Schaffner, sergent, Wensel, grenadier, Fritz, voltigeur, Pinzinger, caporal, Brunswick, voltigeur sont nommés Chevaliers de la Légion d'honneur. Les nommés Palmaert, sergent, Magnin, caporal, Kunasseck, voltigeur, Schreiblich, grenadier, Rebers, voltigeur, Gorsky, grenadier, sont décorés de la Médaille militaire.
Au quartier général à Mexico, le 30 août 1863. Signé Le Maréchal commandant en chef Forey. Pour copie conforme, le Général, chef d'Etat-Major général d'Auvergne. Pour copie conforme, le Colonel Jeanningros.
Lettre du ministre de la guerre du 4 novembre 1863 à M. le Colonel commandant supérieur du Régiment Etranger de Vera-Cruz.
Colonel,
J'ai reçu la lettre du l octobre dernier, par laquelle vous demandez que le nom de Camérone soit ajouté à la légende de la médaille du Mexique et inscrit sur le Drapeau du Régiment Etranger pour perpétuer le souvenir du combat du 30 avril 1863.
La première de ces demandes ne peut être accueillie, attendu que l'institution de la médaille a pour but de conserver, d'une manière générale, le souvenir de l'expédition et non celui de quelques faits d'armes particuliers à un corps seulement. En ce qui concerne ces derniers, l'inscription en est faite sur les parties flottantes des drapeaux.
Je vous autorise, en conséquence, à donner suite à la seconde demande en prescrivant les mesures nécessaires pour que le nom de CAMERONE soit inscrit sur le Drapeau du Régiment Etranger en caractères réglementaires. Le Ministre.
Par une lettre de même date, le Ministre de la Guerre informait la Direction de l'Artillerie à Paris de cette décision. Enfin, le Ministre en avisait également le Général Bazaine, commandant en chef du Corps expéditionnaire du Mexique depuis le 30 septembre, et terminait sa lettre en ces termes : « Cette autorisation est donnée à titre tout à fait exceptionnel, car elle déroge à la règle qui confère au service de l'Artillerie le soin de faire les inscriptions sur les drapeaux. »
A la suite de cette décision, l'étoffe du Drapeau qui, à ce moment-là, devait se trouver à Chiquihuite, avec l'état-major du régiment, reçut, sans doute par les soins d'un légionnaire, artiste désigné à cet effet, cette inscription de Camérone qui devait se perpétuer ensuite sur les Drapeaux successifs de la Légion et sur l'étendard du régiment de Cavalerie. Malgré les recommandations de la Direction de l'Artillerie, il est possible que la forme des lettres ou des chiffres (car on mentionna certainement le millésime 1863), ou encore la teinte de l'or, ne furent pas respectées à la lettre d'autant que le Drapeau ayant, déjà huit ans d'existence et ayant pris part à la Campagne d'Italie, l'étoffe ne devait pas être en bon état. Il est possible aussi que l'inscription ait été apposée sur une bande de soie cousue ensuite au-dessous du mot « SEBASTOPOL ». Quoi qu'il en soit, le Régiment Etranger est le seul qui bénéficia d'une faveur qui ne laissait pas que de faire jeter les hauts cris, par son irrégularité, aux paperassiers du ministère.
L'inscription «CAMÉRONE 1863» ajoutée à la suite de celle de «SEBASTOPOL 1855», il en résulta que celles de «MAGENTA 1859» et de «SOLFERINO 1859», attribuées par décision du 20 janvier 1861, et celle enfin d' «OAJACA 1865», prescrite pour le Régiment Etranger par décision du 31 mars 1869, ne furent pas portées sur l'étoffe.
Le Drapeau atteignit ainsi l’année 1870. Dans le « Livre d'or », j'ai relaté en quelques lignes comment a disparu, par ordre du Gouvernement (Circulaire du 5 juillet 1871 qui prescrivit la destruction de l’Aigle et l’incinération de l’étoffe et de la cravate), l'emblème qui, le premier, a contenu dans ses plis la gloire de Camérone.
Grâce au sous-lieutenant Kelbel (8) et à l'heureuse chance qui le servit, nous avons tout au moins la joie de posséder encore, au Musée du Souvenir de la Légion Etrangère, l'Aigle et la hampe qui arborèrent cette étoffe sacrée.
Je ne puis retracer l'histoire du Drapeau du Régiment Etranger sans m'arrêter un instant devant le magnifique soldat qui en avait la charge, le sous-lieutenant Maudet, tué à Camérone aux côtés du Capitaine Danjou, du sous-lieutenant Vilain et de ses légionnaires. Maudet était porte-drapeau au Régiment Etranger depuis le 21 janvier 1863. C'est lui qui prit le commandement des derniers survivants de l'héroïque phalange ; on sait qu'il tomba l'un des derniers.
Jean Brunon, Légionnaire d'honneur au 1er Etranger.
(1) Sous le prince Louis-Napoléon, président de la République, et jusqu'à 1854 2e Régiment de la Légion Etrangère, 1852-1854 sous l'Empereur Napoléon III 2e Régiment de la Légion Etrangère, 1854-1855 2e Régiment de la 1e Légion Etrangère, 1855-1856 2e Régiment Etranger, 1858-1862 et enfin, Régiment Etranger, jusqu'à la remise de la nouvelle Aigle, en mai 1862.
(2) Les inscriptions du caisson de l'Aigle (Modèle 1854, en galvanoplastie), l'étoffe et la cravate, modèle 1855, furent modifiées.
(3) Seules subsistent de cet emblème l'Aigle, modèle 1860, et la hampe conservées à la salle d'honneur, du 1er Etranger à Sidi-bel-Abbès.
(4) Millésime erroné : on a peint 1839 au lieu de 1833 l'inscription « Mostaganem » devrait par conséquent être placée avant celle de « Constantine ».
(5) Erreur de transcription qui a été répétée par le peintre « Djgelly » au lieu de « Djigelly ».
(6) J'ai indiqué que cette Aigle est conservée, avec la hampe, à Sidi-Bel-Abbès ; sa dorure est encore à peu près intacte l'anneau de la cravate manque. La hampe, peinte en bleu et vernie, mesure deux mètres seize. Elle est terminée par un talon en cuivre doré, de cinq centimètres.
(7) On remarquera qu'entre temps, des nominations avaient été faites au régiment après le combat de Camérone. C'est ainsi que le caporal Haine avait été nommé sergent, les fusiliers Wensel, Schreiblich et Gorsky, grenadiers et les fusiliers Fritz, Brunswick, Kunasseck et Rebers, voltigeurs.
(8) Kelbel (Jules-Charles) sous-lieutenant au régiment étranger du 4 décembre 1870.
Avec son son frère, puis ensuite avec son fils, Jean Brunon a constitué une bibliothèque qui représente le deuxième fond d'archives militaires de France après celui du service historique de la défense, et qui se trouve au musée de l'Empéri.
Une association des Amis du musée a été créée en 1968.
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