Tenne Claude (Alias Marc Tenard)
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Tenne Claude (Alias Marc Tenard)
Claude Tenne (Marc Tenard dans la Légion), l'un des plus purs soldats perdus de l'Algérie française. Légionnaire du 1er REP, ...
Claude est né le 15 décembre 1936 à Paris (14e).
Son père René, originaire de Brageyrac dans la Haute Garonne, entame une carrière dans l'administration des douanes.
L'enfant voue une admiration inconditionnelle à ce père socialiste et nationaliste. Pour l'amour du pays, Claude sait que son père n'aurait pas hésité à tirer sur son propre fils si les paras (O.A.S) avaient sauté sur Paris.
Son père avait déjà les armes à la main, et savoir cela, en accentuait sa fierté.
Claude, enfant, n'est pas prédestiné aux études.
Cela exaspère son père, qui décide un placement chez les Frères à Issy-les-Moulineaux.
Claude est plus doué pour le travail manuel, il décroche un C.E.P puis un C.A.P de forgeron serrurier.
En 1954, Claude entre chez Citroën, il sera bientôt soudeur.
Dans les bars de Clichy, il fréquente l'univers des voyous, puis rencontre "ses premiers paras" en goguette.
Dans l'univers de son travail, un vieil ouvrier de Citroën, ancien légionnaire, lui contera ses récits de baroudeur, cela va pousser Claude à connaître mieux ce corps d'armée.
Avant toute précipitation, il tient à informer son père de son désir de s'engager.
Le dialogue sera bref, le père ne lui fera aucun reproche, mais son attitude à l'égard de son fils et les quelques mots prononcés, suffiront à marquer sa réprobation.
1954, le fort de Vincennes accueille le jeune homme.
très vite un nouvel état-civil lui est donné, il s'appellera désormais Marc Tenard né en Suisse, nationalité d'emprunt savamment choisie, parce qu'il ne sait parler que le Français et que les légionnaires doivent être tous de nationalité étrangère.
Envoyé sur Marseille au Fort St Nicolas, il embarquera pour Oran, puis rejoindra la Maison mère de Sidi Bel Abbes. Au Quartier Vienot, les pionniers du 1er Régiment Etranger penseront garder avec eux ce jeune ferronnier.
Mais ce serait mal connaître le nouveau légionnaire Marc Tenard, de lui, ils ne garderont que d'admirables travaux effectués sur des lampadaires qui illumineront les salles du Quartier Vienot. Marc Tenard est affecté au centre d'instruction "le Kreider", situé aux abords de la frontière marocaine(Chott-Ech-Chergui), puis sur Zeralda, où le 1er R.E.P tant espéré l'attend. C'est à la B.E.T.A.P de Blida, qu'il décochera son brevet de parachutiste.
Premier combat pour le légionnaire Marc Tenard, pourvoyeur comme tous les premiers combattants, puis voltigeur, c'est à ce poste que les spécialités divergent, et Marc sera toujours volontaire pour nettoyer les grottes.
Première citation,pour avoir leurré les locataires d'une grotte, en presentant sa veste de treillis, qui instantanément fut lacérée par les mitraillettes en action.
Ce jeune légionnaire Ô combien courageux, est de ce fait reconnu, si bien que l'on fait appel à sa technique, dans les autres compagnies, quand il faut un nettoyeur de grottes. Sa technique, ne pas s'embarrasser d'un F.M, juste descendre, armé d'un poignard et d'un pistolet. Il affectionne particulièrement cette chasse à l'homme. le suspens, dans l'obscurité, lui donne des poussées d'adrénaline, il aime ça. qu'importe si les fells sont en nombre.
Il a 21 ans, lorqu'il participe à la bataille d'Alger, près de la Casbah, cet épisode de ses débuts de légionnaires, n'est pas celui qu'il préfère. Il prend également part à la bataille des frontières près de la Tunisie, où le REP déplore 150 tués,et 400 blessés. Marc Tenard fera payer la note à l'ennemi, une addition fortement salée.
Dans les rangs de la 2e Cie commandée par le Capitaine Ysquierdo. Il assiste, hébêté, glacé, à la chute dramatique de l'alouette du Colonel Jeanpierre aimé de tous les parachutistes. Marc Tenard, remettra au service de la nouvelle Chapelle, ses dons d'ouvrier et de forgeron,participant ainsi en souvenir de son Colonel. A Zeralda, s'élèvera une Chapelle dédiée aux saint Jean et Pierre, dont les deux prénoms réunis rappelleront le nom d'un fameux Colonel mort à Guelma, le Lieutenant-Colonel "JeanPierre".
Entre-temps, il est passé radio, a reçu quelques décorations et sauvé son chef, le Lieutenant Lobel.Il ne garde pas un souvenir important du 13 mai 1958, si ce n'est qu'à l'époque il fait la connaissance d'une famille de "Pieds-Noirs", dont le père a fait la campagne d'Italie. Il commence, grâce à eux, à aimer l'Algérie. Pour le 14 juillet 58 (il a 21 ans), il défile à Paris. Les Paras sont alors acclamés et Marc est d'autant plus fier (il se dit enivré) qu'il est un enfant de la capitale. Mais il ne va pas voir ses amis : "Dès le lendemain, nous repartons chez nous, en Algérie". Du 24 janvier 61, il garde le souvenir des barricades, d'une population tantôt nerveuse, tantôt suppliante, mais toujours sympathique. Et l'image des jolies filles d'Alger.
Avec sa compagnie, il présente les armes lors de la rédition, avec les honneurs, de Lagaillarde et de ses hommes qui iront quelque temps former la commando Alcazar au sein du 1er REP. Hommes qu'il retrouvera, pour la plupart, quelques mois plus tard, dans l'OAS.
TENNE Claude Récit du Capitaine Sergent Marc sera toujours volontaire pour nettoyer les grottes.
A ce propos, je céde ma place aux écrits du Capitaine Pierre Sergent, aujourd'hui disparu...
J'y vais.
Les voltigeurs de la section regardaient sans mot dire le légionnaire Tenard enlever ses équipements de toile, les poser sur le sol dans un coin de la cour, échanger son fusil contre un P.M. dont il enleva la crosse métallique et approcher de l'angle de l'étable.
Une dalle parfaitement ajustée avait été découverte sous la paille. Le prisonnier, en montrant du doigt l'entrée de la cache, avait simplement dit." C'est là" .
Le problème consistait maintenant a en faire sortir les fells. A les faire sortir ou à les détruire. Problème souvent posé et toujours angoissant.
Ténard s'avança vers le prisonnier. II lui demanda de soulever la dalle. Elle pouvait être piégée. Devant le peu d'empressement du prisonnier, Tenard lui planta le canon de son arme dans les reins :
"Ouvre ça et dépêche-toi."
L'homme obéit. Un trou noir apparut. Tenard se pencha : "Ça sent le fell là-dedans", dit-il.
Grenade, ordonna le caporal.- Non. caporal, répliqua Tenard , l'odeur de la grenade pique les yeux : ça gène pour le travail et puis, ça risquerait de s 'écrouler.
Tenard - de son vrai nom Claude Tenne - s'était spécialisé dans la fouille des caches et des grottes. Dangereuse spécialité qu'exerçaient dans chaque compagnie quelques voltigeurs d'élite,Tenard en était arrivé là par défi . Il voulait montrer à ses camarades et à ses chefs de quoi il était capable, lui qu'on avait relégué pendant des semaines au rôle de pourvoyeur. Cette équipée solitaire dans une cache habitée émit son premier titre de gloire :
deux fells envoyés à tout jamais au royaume des ombres.
Des Ténard, il y en avait quelques-uns au 1 er REP,
qui allaient faire merveille au cours de cette guerre des grottes qui venait de commencer et que Challe baptisa l'opération Jumelles...
... Il ne fallut pas longtemps aux hommes du 1 er REP pour découvrir la tactique des rebelles. Quelques interrogatoires menés rondement par les commandants de compagnie suffirent à leur prouver que la Kabylie n'avait pas été miraculeusement évacuée de tous ses hommes valides, ils étaient bien là! sous la terre.
Les fourmis avaient disparu sous l'averse, mais elles étaient dans la fourmilière. Restait à les en faire sortir. Chaque unité avait pour cela une technique particulière. Chacune avait ses spécialistes, mais tous avaient un point commun : l'appréhension qui les prenait au ventre chaque fois qu'ils enlevaient leurs équipement et s'apprêtaient à descendre ! Pourtant, ils aimaient cette chiasse, avec ses risques. Ils retrouvaient dans les boyaux des montagnes kabyles l'exaltation et la noblesse des tournois du Moyen Age. Ils livraient sous terre ded joutes cruelles et des duels a mort. Armés du pistolet et du poignard, ils avançaient en aveugles à la rencontre de l'adversaire, les nerfs à vifs, l'angoisse au cœur. Qui tirerait le premier ? Ils retrouvaient les ruses des combats singuliers : le caillou adroitement lancé pour simuler l'attaque et faire ouvrir le feu par l'autre : le cri d'effroi poussé dans un angle que l'on quitte.
Un jour, ce fut sa veste de combat que Ténard jeta dans un boyau et qu'il rapporta criblée de balles. Les chances étaient égales de part et d'autre. Sport terrible. qui plaisait aux légionnaires-parachutistes.
Je ne regrette rien, aux éditions Fayard
Le REP se politise. Les officiers et sous-officiers sont écoeurés de voir tomber leurs hommes pour rien
puisqu'au plus haut de l'Etat les discours témoignent de l'abandon en préparation de l'Algérie. Le Lieutenant Degueldre déserte.
Le 21 avril, c'est le Putsch. Marc, participe à l'investissement de la caserne Pelissier, puis de la caserne d'Orléans, de l'Amirauté et garde l'aérodrome militaire de Maison Carrée.
Nous ne raconterons pas le Putsch, les trahisons des officiers "fidèles" qui avaient pourtant promis, ni les cafouillages. Quand le REP quitte Zeralda en chantant le fameux "Non, je ne regrette rien", pour ne plus y revenir et pour être dissous, Marc déserte. En civil, avec son P.M. Grâce à un "Pieds-Noirs" inconnu, il rejoint Alger en voiture.
Il retrouve le "Sergent" Bobby Dovecar, l'un des "Maréchaux de la Légion" qui a fui la Yougoslavie communiste, "français par le sang versé". Il rejoint aussi le Lieutenant Degueldre qui fonde alors les Delta.
Nous ne raconterons pas non plus l'OAS. Marc continue de faire son travail. Il est soldat. L'ennemi est toujours le même : le FLN. Malheureusement, il est aussi parfois français, puisque la guerre est devenue civile et que certains ont décidé d'abandonner une partie de la terre française que Marc, ancien ouvrier, fils de socialiste et lui-même ancien cégétiste, s'est mis à aimer. Il dira plus tard
-"J'ai pris conscience d'être un "PiedsNoirs" par le sang versé. L'Algérie perdue, il m'a semblé que je perdais mon pays. Nous voulions sauver cette Algérie qui devenait notre patrie. Là-bas, nous nous sentions chez nous".
Marc fait son travail en soldat. Sans état d'âme. Il obéit au lieutenant, au Sergent. Il prend en charge de jeunes déserteurs et de jeunes Pieds-Noirs à qui il applique une formation de légionnaire. "Vous allez en baver avec moi" racontera son ami " Le Fennec".
C'est l'époque des caches, des problèmes d'intendance :
s'habiller en civil, se nourrir, trouver de l'argent, etc... Il fait des ponctuelles : exécutions, le plus souvent dans la rue. Sans état d'âme, mais sans haine. C'est ainsi qu'il participe au commando qui a pour mission d'exécuter le commissaire Gavoury, chargé de la lutte anti O.A.S. à Alger. Il lui est demandé d'agir au poignard pour frapper l'imagination : le "coup de la sentinelle". Il l'a appris à la Légion. Quelques jours plus tard, alors qu'il est avec Degueldre et son grand ami Karl, légionnaire d'origine allemande, fiancé à une "Pieds-Noirs", leur cache à la Bouzaréah est encerclée par les gendarmes mobiles. Marc fait "Camerone" pour permettre au Lieutenant de s'enfuir. Et puis, n'ayant plus de cartouches, il fonce vers le ravin. Il reçoit une balle dans le rein, une autre dans le ventre. Ayant perdu connaissance, il est ramassé comme mort et jeté dans un camion. Pourtant, il survit. Deux mois de coma à l'hôpital Maillot. Trois opérations. Une tentative d'enlèvement par les barbouzes. Marc arrache ses drains et ses tubes. Il veut mourir par crainte de parler lors d'une séance de torture. Le 3 août 61, il s'envole par avion vers le Val-de-Grâce à Paris.
En octobre, il rejoint la Santé. II retrouve son ami Karl, qu'il croyait mort à la Bouzaréah, et le Sergent Dovecar dont il partage pendant un mois la cellule. La plupart du temps Marc Tenard, qui a refusé de révéler son identité (Claude Tenne), est allongé car ses blessures ne sont pas guéries.
Le procès débute le 28 mars, deux jours après le massacre de la rue d'Isly. Dovecar, Karl et Marc sont en uniforme, décorations pendantes. Piegst, le "Pieds-Noirs", est en civil. Juges militaires et civils réprobateurs, journalistes indifférents, mais public ami. Dovecar et Piegst sont condamnés à mort, Karl et Marc sauvent leur tête. Marc qui s'était depuis longtemps préparé à mourir met un certain temps à comprendre qu'il est "simplement" condamné à perpétuité. Finalement, son rôle de soldat, donc d'exécutant, et peut-être le fait que ses blessures non guéries semblent lui laisser peu de chance de survivre, l'ont sauvé. Il arrache ses décorations, imité dans ce geste par Karl et Dovecar, et les lance à la tête des juges militaires qui s'enfuient.
Retour à la Santé. Marc est enchaîné au Sergent Dovecar. Salut militaire. Embrassade pour le civil Claude Piegst. Marc aura la chance de rencontrer pendant plusieurs jours le Sergent qui a rejoint avec Piegst le quartier des condamnés. Ils échangent leurs bérets de parachutistes. Le Sergent est prêt à mourir . Il s'est tourné vers la foi. Ils se rencontrent pour la dernière fois le 5 mai.
Marc fait partie du premier convoi pour Ré. Ils sont douze.
Ils remplacent, dans les geôles puantes, les anciens prisonniers du FLN libérés. Marc aura le matricule 1559. Il est très fatigué. Ses blessures ne guérissent pas. Celle au ventre suppure. Salan, Jouhaud, Degueldre sont arrêtés.
Pourtant, malgré sa lassidude, retrouvant peut-être son passé à la CGT, il déclenche une grève de la faim pour faire obtenir aux prisonniers OAS un statut politique. Il devient leur délégué. Il dérobe un poste radio et organise à l'attention de ses compagnons une revue de presse. En Algérie, c'est la fin.
Salan est grâcié à la grande fureur de De Gaulle. Curieusement, parmi les témoins en sa faveur : Mitterrand.
6 juin 1962 : Dovecar et Piegst sont exécutés. De Gaulle leur fait payer la grâce de Salan. Minute de silence, à Ré. Chant des Africains. La Marseillaise. Le dimanche suivant messe et catafalque : pour la garde, un Métro, un "Pieds-Noirs", deux Légionnaires.Marc est pour beaucoup dans l'organisation de ces manifestations. Les matons n'osent rien faire.
6 juillet : c'est au tour de Degueldre. Une boucherie. Plusieurs coups de grâce. Le Lieutenant n'arrive pas à mourir. Mêmes cérémonies à l'île de Ré. Marc voit disparaître ses meilleurs compagnons et ses chefs. Il n'oubliera jamais.
Septembre 62 : la blessure suppure. Marc décline. Il ne peut presque plus marcher. En fait, il subit deux éventrations. L'administration ne bouge pas. Il faudra plusieurs manifestations de détenus en sa faveur pour que son tranfert à Fresnes, en brancard, soit obtenu. Marc subit sa quatrième opération. Il lui est posé une plaque en matière plastique sur le ventre.
6 mois après, il quitte Fresnes pour Ré. Pour la première fois depuis deux ans, il peut marcher sans béquilles ou sans canne. Mais il n'a plus de ceinture abdominale, il est faible. Son corps n'est plus celui que lui avait fait la Légion. Alors il se remet au judo et devient l'un des deux responsables du Dojo de Saint-Martin-de-Ré. Retrouvant la rigueur asiatique, les prisonniers de Ré n'auront droit qu'à deux ceintures : la Blanche ou la Noire. Marc s'entraîne jusqu'à 18 heures par semaine. Il se met aussi au Karaté et devient avant-centre de l'équipe de football. Enfin, il devient un bon joueur de tennis. Marc refait son corps.
Il devient l'ami du lieutenant Godot, arrêté en métropole (OAS métro) avec lequel, il développe son amour pour l'Histoire qu'il retrouve aussi dans la lecture. Jusqu'au bout Claude m'étonnera par sa connaissance de l'Histoire depuis l'époque romaine qu'il raconte avec des mots simples. Un autre prisonnier "Petit Paul" lui fait découvrir la musique. Le concerto d'Aranjuez restera son morceau fétiche. Là aussi, Marc me surprendra par son goût de la musique classique. Il devient aussi un bon cuisinier et entretient une popote digne des meilleurs chefs. Il a deux enfants, conçus lors de parloirs "privés" auxquels les détenus politiques ont droit une fois par mois. Marc a épousé en prison l'infirmière qui le soignait au Val-de-Grâce.
Mais Marc est un soldat et il aime la liberté. Il participe au creusement d'un tunnel avec d'autres détenus dont certains deviendront ses amis : Jean-François "Pieds-Noirs", Jean-Loup Perret, fils de l'écrivain. Mais la tentative n'aboutira pas. II en est de même d'un autre essai en 1965 mené par trois prisonniers par-dessus le mur d'enceinte.
C'est à Pâques 1967 que Marc a l'idée pour la première fois, de s'évader dans une malle.
En effet, il a remarqué que les autres détenus, qui commencent à bénéficier de grâces, sortent de la prison accompagnés de malles et de cantines, emplies de livres de distraction et d'études (certains passent des diplômes) accumulés en six ans. Or, ces bagages ne semblent pas fouillés. Marc se le fait discrètement confirmer par ceux déjà sortis. Il peut tenir dans une malle (1,76 - 72 kg). Mais il lui faut s'entraîner à y rester trois heures. Il parviendra à quatre. Il pratique maintenant le yoga pour apprendre à retenir sa respiration : deux inspirations, une expiration par minute. Sa grâce, il veut l'obtenir de lui-même.
Le 3 novembre, n'y tenant plus, il profite de la sortie de son ami Varga (il dira, pour le protéger, que ce dernier ignorait tout "Tu prends une cantine de plus, je serai dedans". Il vide les livres d'une cantine et la rajoute aux bagages du nouveau libéré et prend leur place. Il s'enferme dans la malle. Porté, il parcourt en sens inverse la prison, est chargé avec les bagages dans une camionnette. II fait froid. Il passe les port de la citadelle. Dernier arrêt, le presbytère. Il est resté dans sa position inconfortable, engourdi par le froid, pendant plus deux heures. II a paniqué par moments et souffert de crampes. Marc sort de la cantine dans le noir. Respirer un grand coup. Le bac.
Le récit de la suite de l'évasion, que vous lirez peut-être dans son livre ou dans les journaux de l'époque, n'est pas le vrai. Sachez qu'un réseau Algérie Française va prendre en charge. Mais Marc ne se sent pas en sûreté. Trop de gens parlent. La guerre finie, la discipline s'est relâchée. Marc se cache près de Paris. Il trouve un peu d'argent.
C'est une jeune femme, résistante de l'Algérie Française, ancienne prisonnière politique, qui seule organisera sa fuite de France, non pas vers la Belgique, comme il est dit dans ses propres récits, (il faut dérouter les R.G.) mais vers la Suisse. Marc gardera à cette femme, j'en suis témoin, la plus grande amitié et la plus grande tendresse jusqu'à son dernier jour.
Son évasion de Ré a rendu fous De Gaulle et Fouchet. Le plan Rex a mobilisé 150.000 hommes : policiers, gendarmes, militaires, barbouzes. Les Parisiens ont vécu leur pire rentrée de week-end et l'acteur bien connu, Pierre Tornade se retrouva en prison pour avoir revêtu, en partant de chez lui, sa tenue de scène ... de légionnaire. Comme si un évadé... ! La presse française, Paris Match en tête, mais aussi la presse étrangère (journaux anglais, espagnols, etc ...) parlent de l'évasion du "Sing Sing" français. Jamais personne ne s'était évadé de l'Ile de Ré. Robin, prisonnier lui aussi de l'Ile de Ré, s'est évadé, mais d'une infirmerie lors de soins à La Rochelle.
Quelques mois après, un réseau propose à Marc un reportage pour Paris Match. Celui-ci a besoin d'argent. Il accepte, bien qu'il ait peur de se voir enlever par des barbouzes comme un certain colonel Argoud ! Le rendez-vous est pris à Rome. Il fait croire aux journalistes qu'il est protégé par de nombreux commandos de l'OAS. En fait, seule la jeune femme dont nous avons parlé surveille, sans armes. Marc a lui un pistolet caché dans le journal italien qu'il tient à la main (photo dans Paris Match). Il mime, dans une chambre d'hôtel, son entrée et sa position dans la malle. Les photos feront à nouveau le tour du monde. Alain Delon (Marc, à l'époque, a un air de famille avec lui) paiera un acompte pour se réserver le droit de tourner un film. Mais l'argent ne parviendra jamais à Claude.
Marc se réfugie à Palma, dans une villa prêtée par une vieille dame. Puis il essaie de monter une société en Espagne où se sont réfugiés de nombreux clandestins. Il écrit son livre : "Mais le Diable marche avec nous" qui rappelle le chant célèbre du ler REP. Livre qui paraît à " La Table Ronde" en 1968.
En mai 1968, il est grâcié comme tout l'OAS. Promesse faite par un De Gaulle, affolé, à Massu, à Baden Baden. Peur aussi de voir la révolution gagnée par les communistes et le pouvoir balayé. Qui mieux que les anciens de l'OAS auraient pu servir de rempart aux communistes ? C'est Michel Barouin, l'ancien patron de la GMF, ancien Grand Maître du Grand Orient, disparu mystérieusement il y a quelques années en Afrique, qui organisera les accords conduisant à l'amnistie.
Marc revient en France. Il a une famille avec laquelle il n'a jamais vécu. Bientôt cinq enfants. Il redémarre à la base. Son objectif : ouvrier puis contremaître. Il fait des chantiers en France, en Belgique, puis au Moyen-Orient. Il achète une maison à Maurous (Gers).Un aspect rude du bâtiment et ses propres rêves le feront l'appeler " La Commanderie". Enfin, le petit ouvrier, le légionnaire, le combattant de l'ombre, le détenu, le réprouvé a sa maison.
Il participe à des actions de certains groupes d'anciens d'Algérie et de mouvements Pieds-Noirs, attachés à défendre les rapatriés endettés. Ils sont aussi demandés pour des actions politiques, des meetings un peu chauds où l'on vient armé d'un fusil de chasse. Ils seront ainsi pour quelque chose (faut-il le regretter ?) dans l'élection de Frèche à Montpellier ou Léotard à Fréjus.
A Mauroux, Marc se fait des amis. D'anciens OAS, des "Pieds-Noirs" et des locaux. Tous un peu braconniers. Mais les gendarmes sont maintenant amis. Le Maire aussi. Marc renouera encore une fois avec l'action syndicale et mènera, avec une passionaria cégétiste, une des grèves les plus dures dans le Sud-Ouest de la France.
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1983, il sera condamné à douze ans de réclusion.
Il semble cependant que cet épisode de sa vie soit lié à des questions et problèmes d'ordre privé dans le cadre de sa famille et sans rapport avec son passé glorieux.
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Il en fera huit, ne bénéficiant que des grâces automatiques, obligatoires. Aucune grâce à titre personnel, pas de permission.
Mais les matons et les voyous respecteront ce détenu pas comme les autres, ce politique. Il faut dire que Marc, qu'ils appellent "Le vieux", saura se faire respecter, quitte à donner la plus grande "correction" au parrain corse ou au voyou maghrébin,petite frappe de banlieue. Renouant avec son habitude de popote, Marc s'attachera la sympathie de deux ou trois truands, casseurs de banques, les seuls qu'il respecte. Il leur parlera, sans être sûr qu'ils le comprennent, des événements qu'il a vécus ou de ses rêves de Révolution et leur donnera des cours de politique et d'Histoire.
Cela faisait cinq ans maintenant que Claude était sorti de prison. Il rêvait d'ouvrir un atelier de ferronnerie d'art. Il avait passé d'autres diplômes en prison, dont le CAP de métallier. Et ses oeuvres peuvent figurer dans les plus beaux salons. A Paris, puis à Toulouse, il a essayé tous les métiers. Il parcourait tous les chantiers pour trouver un emploi. C'est difficile quand on a 56 ou 58 ans, surtout quand la sincérité vous fait dire les nombreuses années passées derrière les barreaux. Je l'ai vu bosser comme le gosse de vingt ans qu'il avait été. Sa forme physique, entretenue pendant ces sombres années, était extraordinaire. Marc fut pendant quelque temps chef monteur de poutrelles dans les immeubles parisiens en construction. Il aimait bien se comparer à cette tribu indienne qui monte les buildings américains. Il se sentait bien à vingt ou trente mètres du sol. Nous refaisions parfois le monde, l'Algérie, l'OAS, en buvant l'anisette. Marc ne se reconnaissait plus dans cette armée, cette Légion qui ne peut plus s'enorgueillir que du rôle de constructeur de routes ou de cible comme "soldats de la paix". La dérive de la France l'écoeurait. Il avait souvent appris la haine en prison, lui le soldat sans haine. Pourtant, grâce à une amie d'origine "Pieds-Noirs", vivant à Toulouse, il avait trouvé la paix. Je lui en sais gré.
Marc-Claude a choisi de partir, le 7 janvier à minuit, à Toulouse, sur une petite place qu'il appelait "mon village". Debout. Une balle dans le coeur, pour faire propre, pour ne pas déranger. Il avait des tas de bonnes raisons pour cela. Mais, moi je crois qu'entré dans sa soixantième année, il a choisi de partir, pendant qu'il en était encore temps, rejoindre le Lieutenant Degueldre et le Sergent Dovecar. En les assassinant, De Gaulle leur avait offert de conserver l'âge auquel ils furent fusillés. Marc a voulu les rejoindre pendant que sa forme lui permettait encore de courir derrière eux les Djebels, au Paradis des héros de l'Algérie Française.
Claude est né le 15 décembre 1936 à Paris (14e).
Son père René, originaire de Brageyrac dans la Haute Garonne, entame une carrière dans l'administration des douanes.
L'enfant voue une admiration inconditionnelle à ce père socialiste et nationaliste. Pour l'amour du pays, Claude sait que son père n'aurait pas hésité à tirer sur son propre fils si les paras (O.A.S) avaient sauté sur Paris.
Son père avait déjà les armes à la main, et savoir cela, en accentuait sa fierté.
Claude, enfant, n'est pas prédestiné aux études.
Cela exaspère son père, qui décide un placement chez les Frères à Issy-les-Moulineaux.
Claude est plus doué pour le travail manuel, il décroche un C.E.P puis un C.A.P de forgeron serrurier.
En 1954, Claude entre chez Citroën, il sera bientôt soudeur.
Dans les bars de Clichy, il fréquente l'univers des voyous, puis rencontre "ses premiers paras" en goguette.
Dans l'univers de son travail, un vieil ouvrier de Citroën, ancien légionnaire, lui contera ses récits de baroudeur, cela va pousser Claude à connaître mieux ce corps d'armée.
Avant toute précipitation, il tient à informer son père de son désir de s'engager.
Le dialogue sera bref, le père ne lui fera aucun reproche, mais son attitude à l'égard de son fils et les quelques mots prononcés, suffiront à marquer sa réprobation.
1954, le fort de Vincennes accueille le jeune homme.
très vite un nouvel état-civil lui est donné, il s'appellera désormais Marc Tenard né en Suisse, nationalité d'emprunt savamment choisie, parce qu'il ne sait parler que le Français et que les légionnaires doivent être tous de nationalité étrangère.
Envoyé sur Marseille au Fort St Nicolas, il embarquera pour Oran, puis rejoindra la Maison mère de Sidi Bel Abbes. Au Quartier Vienot, les pionniers du 1er Régiment Etranger penseront garder avec eux ce jeune ferronnier.
Mais ce serait mal connaître le nouveau légionnaire Marc Tenard, de lui, ils ne garderont que d'admirables travaux effectués sur des lampadaires qui illumineront les salles du Quartier Vienot. Marc Tenard est affecté au centre d'instruction "le Kreider", situé aux abords de la frontière marocaine(Chott-Ech-Chergui), puis sur Zeralda, où le 1er R.E.P tant espéré l'attend. C'est à la B.E.T.A.P de Blida, qu'il décochera son brevet de parachutiste.
Premier combat pour le légionnaire Marc Tenard, pourvoyeur comme tous les premiers combattants, puis voltigeur, c'est à ce poste que les spécialités divergent, et Marc sera toujours volontaire pour nettoyer les grottes.
Première citation,pour avoir leurré les locataires d'une grotte, en presentant sa veste de treillis, qui instantanément fut lacérée par les mitraillettes en action.
Ce jeune légionnaire Ô combien courageux, est de ce fait reconnu, si bien que l'on fait appel à sa technique, dans les autres compagnies, quand il faut un nettoyeur de grottes. Sa technique, ne pas s'embarrasser d'un F.M, juste descendre, armé d'un poignard et d'un pistolet. Il affectionne particulièrement cette chasse à l'homme. le suspens, dans l'obscurité, lui donne des poussées d'adrénaline, il aime ça. qu'importe si les fells sont en nombre.
Il a 21 ans, lorqu'il participe à la bataille d'Alger, près de la Casbah, cet épisode de ses débuts de légionnaires, n'est pas celui qu'il préfère. Il prend également part à la bataille des frontières près de la Tunisie, où le REP déplore 150 tués,et 400 blessés. Marc Tenard fera payer la note à l'ennemi, une addition fortement salée.
Dans les rangs de la 2e Cie commandée par le Capitaine Ysquierdo. Il assiste, hébêté, glacé, à la chute dramatique de l'alouette du Colonel Jeanpierre aimé de tous les parachutistes. Marc Tenard, remettra au service de la nouvelle Chapelle, ses dons d'ouvrier et de forgeron,participant ainsi en souvenir de son Colonel. A Zeralda, s'élèvera une Chapelle dédiée aux saint Jean et Pierre, dont les deux prénoms réunis rappelleront le nom d'un fameux Colonel mort à Guelma, le Lieutenant-Colonel "JeanPierre".
Entre-temps, il est passé radio, a reçu quelques décorations et sauvé son chef, le Lieutenant Lobel.Il ne garde pas un souvenir important du 13 mai 1958, si ce n'est qu'à l'époque il fait la connaissance d'une famille de "Pieds-Noirs", dont le père a fait la campagne d'Italie. Il commence, grâce à eux, à aimer l'Algérie. Pour le 14 juillet 58 (il a 21 ans), il défile à Paris. Les Paras sont alors acclamés et Marc est d'autant plus fier (il se dit enivré) qu'il est un enfant de la capitale. Mais il ne va pas voir ses amis : "Dès le lendemain, nous repartons chez nous, en Algérie". Du 24 janvier 61, il garde le souvenir des barricades, d'une population tantôt nerveuse, tantôt suppliante, mais toujours sympathique. Et l'image des jolies filles d'Alger.
Avec sa compagnie, il présente les armes lors de la rédition, avec les honneurs, de Lagaillarde et de ses hommes qui iront quelque temps former la commando Alcazar au sein du 1er REP. Hommes qu'il retrouvera, pour la plupart, quelques mois plus tard, dans l'OAS.
TENNE Claude Récit du Capitaine Sergent Marc sera toujours volontaire pour nettoyer les grottes.
A ce propos, je céde ma place aux écrits du Capitaine Pierre Sergent, aujourd'hui disparu...
J'y vais.
Les voltigeurs de la section regardaient sans mot dire le légionnaire Tenard enlever ses équipements de toile, les poser sur le sol dans un coin de la cour, échanger son fusil contre un P.M. dont il enleva la crosse métallique et approcher de l'angle de l'étable.
Une dalle parfaitement ajustée avait été découverte sous la paille. Le prisonnier, en montrant du doigt l'entrée de la cache, avait simplement dit." C'est là" .
Le problème consistait maintenant a en faire sortir les fells. A les faire sortir ou à les détruire. Problème souvent posé et toujours angoissant.
Ténard s'avança vers le prisonnier. II lui demanda de soulever la dalle. Elle pouvait être piégée. Devant le peu d'empressement du prisonnier, Tenard lui planta le canon de son arme dans les reins :
"Ouvre ça et dépêche-toi."
L'homme obéit. Un trou noir apparut. Tenard se pencha : "Ça sent le fell là-dedans", dit-il.
Grenade, ordonna le caporal.- Non. caporal, répliqua Tenard , l'odeur de la grenade pique les yeux : ça gène pour le travail et puis, ça risquerait de s 'écrouler.
Tenard - de son vrai nom Claude Tenne - s'était spécialisé dans la fouille des caches et des grottes. Dangereuse spécialité qu'exerçaient dans chaque compagnie quelques voltigeurs d'élite,Tenard en était arrivé là par défi . Il voulait montrer à ses camarades et à ses chefs de quoi il était capable, lui qu'on avait relégué pendant des semaines au rôle de pourvoyeur. Cette équipée solitaire dans une cache habitée émit son premier titre de gloire :
deux fells envoyés à tout jamais au royaume des ombres.
Des Ténard, il y en avait quelques-uns au 1 er REP,
qui allaient faire merveille au cours de cette guerre des grottes qui venait de commencer et que Challe baptisa l'opération Jumelles...
... Il ne fallut pas longtemps aux hommes du 1 er REP pour découvrir la tactique des rebelles. Quelques interrogatoires menés rondement par les commandants de compagnie suffirent à leur prouver que la Kabylie n'avait pas été miraculeusement évacuée de tous ses hommes valides, ils étaient bien là! sous la terre.
Les fourmis avaient disparu sous l'averse, mais elles étaient dans la fourmilière. Restait à les en faire sortir. Chaque unité avait pour cela une technique particulière. Chacune avait ses spécialistes, mais tous avaient un point commun : l'appréhension qui les prenait au ventre chaque fois qu'ils enlevaient leurs équipement et s'apprêtaient à descendre ! Pourtant, ils aimaient cette chiasse, avec ses risques. Ils retrouvaient dans les boyaux des montagnes kabyles l'exaltation et la noblesse des tournois du Moyen Age. Ils livraient sous terre ded joutes cruelles et des duels a mort. Armés du pistolet et du poignard, ils avançaient en aveugles à la rencontre de l'adversaire, les nerfs à vifs, l'angoisse au cœur. Qui tirerait le premier ? Ils retrouvaient les ruses des combats singuliers : le caillou adroitement lancé pour simuler l'attaque et faire ouvrir le feu par l'autre : le cri d'effroi poussé dans un angle que l'on quitte.
Un jour, ce fut sa veste de combat que Ténard jeta dans un boyau et qu'il rapporta criblée de balles. Les chances étaient égales de part et d'autre. Sport terrible. qui plaisait aux légionnaires-parachutistes.
Je ne regrette rien, aux éditions Fayard
Le REP se politise. Les officiers et sous-officiers sont écoeurés de voir tomber leurs hommes pour rien
puisqu'au plus haut de l'Etat les discours témoignent de l'abandon en préparation de l'Algérie. Le Lieutenant Degueldre déserte.
Le 21 avril, c'est le Putsch. Marc, participe à l'investissement de la caserne Pelissier, puis de la caserne d'Orléans, de l'Amirauté et garde l'aérodrome militaire de Maison Carrée.
Nous ne raconterons pas le Putsch, les trahisons des officiers "fidèles" qui avaient pourtant promis, ni les cafouillages. Quand le REP quitte Zeralda en chantant le fameux "Non, je ne regrette rien", pour ne plus y revenir et pour être dissous, Marc déserte. En civil, avec son P.M. Grâce à un "Pieds-Noirs" inconnu, il rejoint Alger en voiture.
Il retrouve le "Sergent" Bobby Dovecar, l'un des "Maréchaux de la Légion" qui a fui la Yougoslavie communiste, "français par le sang versé". Il rejoint aussi le Lieutenant Degueldre qui fonde alors les Delta.
Nous ne raconterons pas non plus l'OAS. Marc continue de faire son travail. Il est soldat. L'ennemi est toujours le même : le FLN. Malheureusement, il est aussi parfois français, puisque la guerre est devenue civile et que certains ont décidé d'abandonner une partie de la terre française que Marc, ancien ouvrier, fils de socialiste et lui-même ancien cégétiste, s'est mis à aimer. Il dira plus tard
-"J'ai pris conscience d'être un "PiedsNoirs" par le sang versé. L'Algérie perdue, il m'a semblé que je perdais mon pays. Nous voulions sauver cette Algérie qui devenait notre patrie. Là-bas, nous nous sentions chez nous".
Marc fait son travail en soldat. Sans état d'âme. Il obéit au lieutenant, au Sergent. Il prend en charge de jeunes déserteurs et de jeunes Pieds-Noirs à qui il applique une formation de légionnaire. "Vous allez en baver avec moi" racontera son ami " Le Fennec".
C'est l'époque des caches, des problèmes d'intendance :
s'habiller en civil, se nourrir, trouver de l'argent, etc... Il fait des ponctuelles : exécutions, le plus souvent dans la rue. Sans état d'âme, mais sans haine. C'est ainsi qu'il participe au commando qui a pour mission d'exécuter le commissaire Gavoury, chargé de la lutte anti O.A.S. à Alger. Il lui est demandé d'agir au poignard pour frapper l'imagination : le "coup de la sentinelle". Il l'a appris à la Légion. Quelques jours plus tard, alors qu'il est avec Degueldre et son grand ami Karl, légionnaire d'origine allemande, fiancé à une "Pieds-Noirs", leur cache à la Bouzaréah est encerclée par les gendarmes mobiles. Marc fait "Camerone" pour permettre au Lieutenant de s'enfuir. Et puis, n'ayant plus de cartouches, il fonce vers le ravin. Il reçoit une balle dans le rein, une autre dans le ventre. Ayant perdu connaissance, il est ramassé comme mort et jeté dans un camion. Pourtant, il survit. Deux mois de coma à l'hôpital Maillot. Trois opérations. Une tentative d'enlèvement par les barbouzes. Marc arrache ses drains et ses tubes. Il veut mourir par crainte de parler lors d'une séance de torture. Le 3 août 61, il s'envole par avion vers le Val-de-Grâce à Paris.
En octobre, il rejoint la Santé. II retrouve son ami Karl, qu'il croyait mort à la Bouzaréah, et le Sergent Dovecar dont il partage pendant un mois la cellule. La plupart du temps Marc Tenard, qui a refusé de révéler son identité (Claude Tenne), est allongé car ses blessures ne sont pas guéries.
Le procès débute le 28 mars, deux jours après le massacre de la rue d'Isly. Dovecar, Karl et Marc sont en uniforme, décorations pendantes. Piegst, le "Pieds-Noirs", est en civil. Juges militaires et civils réprobateurs, journalistes indifférents, mais public ami. Dovecar et Piegst sont condamnés à mort, Karl et Marc sauvent leur tête. Marc qui s'était depuis longtemps préparé à mourir met un certain temps à comprendre qu'il est "simplement" condamné à perpétuité. Finalement, son rôle de soldat, donc d'exécutant, et peut-être le fait que ses blessures non guéries semblent lui laisser peu de chance de survivre, l'ont sauvé. Il arrache ses décorations, imité dans ce geste par Karl et Dovecar, et les lance à la tête des juges militaires qui s'enfuient.
Retour à la Santé. Marc est enchaîné au Sergent Dovecar. Salut militaire. Embrassade pour le civil Claude Piegst. Marc aura la chance de rencontrer pendant plusieurs jours le Sergent qui a rejoint avec Piegst le quartier des condamnés. Ils échangent leurs bérets de parachutistes. Le Sergent est prêt à mourir . Il s'est tourné vers la foi. Ils se rencontrent pour la dernière fois le 5 mai.
Marc fait partie du premier convoi pour Ré. Ils sont douze.
Ils remplacent, dans les geôles puantes, les anciens prisonniers du FLN libérés. Marc aura le matricule 1559. Il est très fatigué. Ses blessures ne guérissent pas. Celle au ventre suppure. Salan, Jouhaud, Degueldre sont arrêtés.
Pourtant, malgré sa lassidude, retrouvant peut-être son passé à la CGT, il déclenche une grève de la faim pour faire obtenir aux prisonniers OAS un statut politique. Il devient leur délégué. Il dérobe un poste radio et organise à l'attention de ses compagnons une revue de presse. En Algérie, c'est la fin.
Salan est grâcié à la grande fureur de De Gaulle. Curieusement, parmi les témoins en sa faveur : Mitterrand.
6 juin 1962 : Dovecar et Piegst sont exécutés. De Gaulle leur fait payer la grâce de Salan. Minute de silence, à Ré. Chant des Africains. La Marseillaise. Le dimanche suivant messe et catafalque : pour la garde, un Métro, un "Pieds-Noirs", deux Légionnaires.Marc est pour beaucoup dans l'organisation de ces manifestations. Les matons n'osent rien faire.
6 juillet : c'est au tour de Degueldre. Une boucherie. Plusieurs coups de grâce. Le Lieutenant n'arrive pas à mourir. Mêmes cérémonies à l'île de Ré. Marc voit disparaître ses meilleurs compagnons et ses chefs. Il n'oubliera jamais.
Septembre 62 : la blessure suppure. Marc décline. Il ne peut presque plus marcher. En fait, il subit deux éventrations. L'administration ne bouge pas. Il faudra plusieurs manifestations de détenus en sa faveur pour que son tranfert à Fresnes, en brancard, soit obtenu. Marc subit sa quatrième opération. Il lui est posé une plaque en matière plastique sur le ventre.
6 mois après, il quitte Fresnes pour Ré. Pour la première fois depuis deux ans, il peut marcher sans béquilles ou sans canne. Mais il n'a plus de ceinture abdominale, il est faible. Son corps n'est plus celui que lui avait fait la Légion. Alors il se remet au judo et devient l'un des deux responsables du Dojo de Saint-Martin-de-Ré. Retrouvant la rigueur asiatique, les prisonniers de Ré n'auront droit qu'à deux ceintures : la Blanche ou la Noire. Marc s'entraîne jusqu'à 18 heures par semaine. Il se met aussi au Karaté et devient avant-centre de l'équipe de football. Enfin, il devient un bon joueur de tennis. Marc refait son corps.
Il devient l'ami du lieutenant Godot, arrêté en métropole (OAS métro) avec lequel, il développe son amour pour l'Histoire qu'il retrouve aussi dans la lecture. Jusqu'au bout Claude m'étonnera par sa connaissance de l'Histoire depuis l'époque romaine qu'il raconte avec des mots simples. Un autre prisonnier "Petit Paul" lui fait découvrir la musique. Le concerto d'Aranjuez restera son morceau fétiche. Là aussi, Marc me surprendra par son goût de la musique classique. Il devient aussi un bon cuisinier et entretient une popote digne des meilleurs chefs. Il a deux enfants, conçus lors de parloirs "privés" auxquels les détenus politiques ont droit une fois par mois. Marc a épousé en prison l'infirmière qui le soignait au Val-de-Grâce.
Mais Marc est un soldat et il aime la liberté. Il participe au creusement d'un tunnel avec d'autres détenus dont certains deviendront ses amis : Jean-François "Pieds-Noirs", Jean-Loup Perret, fils de l'écrivain. Mais la tentative n'aboutira pas. II en est de même d'un autre essai en 1965 mené par trois prisonniers par-dessus le mur d'enceinte.
C'est à Pâques 1967 que Marc a l'idée pour la première fois, de s'évader dans une malle.
En effet, il a remarqué que les autres détenus, qui commencent à bénéficier de grâces, sortent de la prison accompagnés de malles et de cantines, emplies de livres de distraction et d'études (certains passent des diplômes) accumulés en six ans. Or, ces bagages ne semblent pas fouillés. Marc se le fait discrètement confirmer par ceux déjà sortis. Il peut tenir dans une malle (1,76 - 72 kg). Mais il lui faut s'entraîner à y rester trois heures. Il parviendra à quatre. Il pratique maintenant le yoga pour apprendre à retenir sa respiration : deux inspirations, une expiration par minute. Sa grâce, il veut l'obtenir de lui-même.
Le 3 novembre, n'y tenant plus, il profite de la sortie de son ami Varga (il dira, pour le protéger, que ce dernier ignorait tout "Tu prends une cantine de plus, je serai dedans". Il vide les livres d'une cantine et la rajoute aux bagages du nouveau libéré et prend leur place. Il s'enferme dans la malle. Porté, il parcourt en sens inverse la prison, est chargé avec les bagages dans une camionnette. II fait froid. Il passe les port de la citadelle. Dernier arrêt, le presbytère. Il est resté dans sa position inconfortable, engourdi par le froid, pendant plus deux heures. II a paniqué par moments et souffert de crampes. Marc sort de la cantine dans le noir. Respirer un grand coup. Le bac.
Le récit de la suite de l'évasion, que vous lirez peut-être dans son livre ou dans les journaux de l'époque, n'est pas le vrai. Sachez qu'un réseau Algérie Française va prendre en charge. Mais Marc ne se sent pas en sûreté. Trop de gens parlent. La guerre finie, la discipline s'est relâchée. Marc se cache près de Paris. Il trouve un peu d'argent.
C'est une jeune femme, résistante de l'Algérie Française, ancienne prisonnière politique, qui seule organisera sa fuite de France, non pas vers la Belgique, comme il est dit dans ses propres récits, (il faut dérouter les R.G.) mais vers la Suisse. Marc gardera à cette femme, j'en suis témoin, la plus grande amitié et la plus grande tendresse jusqu'à son dernier jour.
Son évasion de Ré a rendu fous De Gaulle et Fouchet. Le plan Rex a mobilisé 150.000 hommes : policiers, gendarmes, militaires, barbouzes. Les Parisiens ont vécu leur pire rentrée de week-end et l'acteur bien connu, Pierre Tornade se retrouva en prison pour avoir revêtu, en partant de chez lui, sa tenue de scène ... de légionnaire. Comme si un évadé... ! La presse française, Paris Match en tête, mais aussi la presse étrangère (journaux anglais, espagnols, etc ...) parlent de l'évasion du "Sing Sing" français. Jamais personne ne s'était évadé de l'Ile de Ré. Robin, prisonnier lui aussi de l'Ile de Ré, s'est évadé, mais d'une infirmerie lors de soins à La Rochelle.
Quelques mois après, un réseau propose à Marc un reportage pour Paris Match. Celui-ci a besoin d'argent. Il accepte, bien qu'il ait peur de se voir enlever par des barbouzes comme un certain colonel Argoud ! Le rendez-vous est pris à Rome. Il fait croire aux journalistes qu'il est protégé par de nombreux commandos de l'OAS. En fait, seule la jeune femme dont nous avons parlé surveille, sans armes. Marc a lui un pistolet caché dans le journal italien qu'il tient à la main (photo dans Paris Match). Il mime, dans une chambre d'hôtel, son entrée et sa position dans la malle. Les photos feront à nouveau le tour du monde. Alain Delon (Marc, à l'époque, a un air de famille avec lui) paiera un acompte pour se réserver le droit de tourner un film. Mais l'argent ne parviendra jamais à Claude.
Marc se réfugie à Palma, dans une villa prêtée par une vieille dame. Puis il essaie de monter une société en Espagne où se sont réfugiés de nombreux clandestins. Il écrit son livre : "Mais le Diable marche avec nous" qui rappelle le chant célèbre du ler REP. Livre qui paraît à " La Table Ronde" en 1968.
En mai 1968, il est grâcié comme tout l'OAS. Promesse faite par un De Gaulle, affolé, à Massu, à Baden Baden. Peur aussi de voir la révolution gagnée par les communistes et le pouvoir balayé. Qui mieux que les anciens de l'OAS auraient pu servir de rempart aux communistes ? C'est Michel Barouin, l'ancien patron de la GMF, ancien Grand Maître du Grand Orient, disparu mystérieusement il y a quelques années en Afrique, qui organisera les accords conduisant à l'amnistie.
Marc revient en France. Il a une famille avec laquelle il n'a jamais vécu. Bientôt cinq enfants. Il redémarre à la base. Son objectif : ouvrier puis contremaître. Il fait des chantiers en France, en Belgique, puis au Moyen-Orient. Il achète une maison à Maurous (Gers).Un aspect rude du bâtiment et ses propres rêves le feront l'appeler " La Commanderie". Enfin, le petit ouvrier, le légionnaire, le combattant de l'ombre, le détenu, le réprouvé a sa maison.
Il participe à des actions de certains groupes d'anciens d'Algérie et de mouvements Pieds-Noirs, attachés à défendre les rapatriés endettés. Ils sont aussi demandés pour des actions politiques, des meetings un peu chauds où l'on vient armé d'un fusil de chasse. Ils seront ainsi pour quelque chose (faut-il le regretter ?) dans l'élection de Frèche à Montpellier ou Léotard à Fréjus.
A Mauroux, Marc se fait des amis. D'anciens OAS, des "Pieds-Noirs" et des locaux. Tous un peu braconniers. Mais les gendarmes sont maintenant amis. Le Maire aussi. Marc renouera encore une fois avec l'action syndicale et mènera, avec une passionaria cégétiste, une des grèves les plus dures dans le Sud-Ouest de la France.
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1983, il sera condamné à douze ans de réclusion.
Il semble cependant que cet épisode de sa vie soit lié à des questions et problèmes d'ordre privé dans le cadre de sa famille et sans rapport avec son passé glorieux.
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Il en fera huit, ne bénéficiant que des grâces automatiques, obligatoires. Aucune grâce à titre personnel, pas de permission.
Mais les matons et les voyous respecteront ce détenu pas comme les autres, ce politique. Il faut dire que Marc, qu'ils appellent "Le vieux", saura se faire respecter, quitte à donner la plus grande "correction" au parrain corse ou au voyou maghrébin,petite frappe de banlieue. Renouant avec son habitude de popote, Marc s'attachera la sympathie de deux ou trois truands, casseurs de banques, les seuls qu'il respecte. Il leur parlera, sans être sûr qu'ils le comprennent, des événements qu'il a vécus ou de ses rêves de Révolution et leur donnera des cours de politique et d'Histoire.
Cela faisait cinq ans maintenant que Claude était sorti de prison. Il rêvait d'ouvrir un atelier de ferronnerie d'art. Il avait passé d'autres diplômes en prison, dont le CAP de métallier. Et ses oeuvres peuvent figurer dans les plus beaux salons. A Paris, puis à Toulouse, il a essayé tous les métiers. Il parcourait tous les chantiers pour trouver un emploi. C'est difficile quand on a 56 ou 58 ans, surtout quand la sincérité vous fait dire les nombreuses années passées derrière les barreaux. Je l'ai vu bosser comme le gosse de vingt ans qu'il avait été. Sa forme physique, entretenue pendant ces sombres années, était extraordinaire. Marc fut pendant quelque temps chef monteur de poutrelles dans les immeubles parisiens en construction. Il aimait bien se comparer à cette tribu indienne qui monte les buildings américains. Il se sentait bien à vingt ou trente mètres du sol. Nous refaisions parfois le monde, l'Algérie, l'OAS, en buvant l'anisette. Marc ne se reconnaissait plus dans cette armée, cette Légion qui ne peut plus s'enorgueillir que du rôle de constructeur de routes ou de cible comme "soldats de la paix". La dérive de la France l'écoeurait. Il avait souvent appris la haine en prison, lui le soldat sans haine. Pourtant, grâce à une amie d'origine "Pieds-Noirs", vivant à Toulouse, il avait trouvé la paix. Je lui en sais gré.
Marc-Claude a choisi de partir, le 7 janvier à minuit, à Toulouse, sur une petite place qu'il appelait "mon village". Debout. Une balle dans le coeur, pour faire propre, pour ne pas déranger. Il avait des tas de bonnes raisons pour cela. Mais, moi je crois qu'entré dans sa soixantième année, il a choisi de partir, pendant qu'il en était encore temps, rejoindre le Lieutenant Degueldre et le Sergent Dovecar. En les assassinant, De Gaulle leur avait offert de conserver l'âge auquel ils furent fusillés. Marc a voulu les rejoindre pendant que sa forme lui permettait encore de courir derrière eux les Djebels, au Paradis des héros de l'Algérie Française.
Re: Tenne Claude (Alias Marc Tenard)
Merci daniel, Tres emouvant a lire
Un seigneur
Un seigneur
Bushman- Messages : 755
Date d'inscription : 11/11/2009
Re: Tenne Claude (Alias Marc Tenard)
MERCI Daniel
comme le dit BUSHMAN émouvant
quel gachis!!!!!!!!!!!
comme le dit BUSHMAN émouvant
quel gachis!!!!!!!!!!!
olivier- Admin
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