05 Juillet 1956 la 13eme DBLE .
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05 Juillet 1956 la 13eme DBLE .
La 13ème DBLE, depuis de très longs mois dans les Aurès Mémencha méritait bien, après de durs combats meurtriers, après tant d'accrochages, de moments difficiles … oui, méritait bien après une activité maintenue au plus haut niveau, un séjour de remise en forme sur la côte méditerranéenne, réputée, aux dire de nos chefs, calme et reposante !
Nous voici donc au repos entre Bougie, Ziama Mansouriah, Cavallo, Djidjelli, tout au bord de cette mer attirante, prêts bien sûr pour le séjour réparateur, en vue de repartir peut-être dans les Aurès où le calme lui ne reviendra jamais.
La 7ème Compagnie que je commande est en partie "cantonnée" à Cavallo, petit village bien sympathique où au premier abord, il fait bon vivre.
Le premier jour, le gardien du phare de Djidjelli est assassiné, sa tête détachée du tronc bloque le mouvement du système d'éclairage prévu pour les bateaux. Le lendemain une personnalité de la ville de Cavallo est proprement égorgée sur son lieu de travail, il est 7 heures … A 12 heures une deuxième personne est découverte également égorgée sur la route, à la sortie de la ville.
Dans la même semaine, 4 postes sont harcelés, plusieurs assassinats de notables sont signalés dans la campagne où sont installés des postes de sécurité de harki en pleine zone de forêts de chêne-liège, où il est facile de vite disparaître après avoir frappé ! …
Ça brûle dans le coin ! Très vite, adieu la mer et les bains réparateurs … Vite, très vite, la 7ème Compagnie est propulsée en pleine campagne pour tenir le Col de Selma, situé en moyenne montagne, mais passage obligé pour les bandes de rebelles.
Comme à l'habitude, pour les légionnaires, il faut s'adapter … aux installations précaires en rase campagne, avec les moyens du bord … Le soucis primordial est la sécurité, nous ferons en sorte d'utiliser au mieux quelques abris de bergers et aussi quelques ruines d'anciennes mechta abandonnées.
Le Col de Selma est situé à une quinzaine de kilomètres d'un barrage en construction à Djegene, où la sécurité est assurée par la 5ème Compagnie, commandée par le Lieutenant Pierre Huguenin, malheureusement décédé aujourd'hui, frère d'arme, camarade dont l'amitié forgée au combat restera entre nous toute ma vie.
Sur ordre, chaque jour, à tour de rôle, nos unités assurent une liaison entre nos positions. Sur l'itinéraire deux petits douars où vivent quelques vieillards, des femmes et des enfants. La route traverse une région pelée, caillouteuse, aux quelques parties boisées prospères aux embuscades.
Ce jour là, le 5 juillet 1956, la 7ème Compagnie assure son ravitaillement sur Cavallo Djidjelli avec deux sections et la totalité des véhicules. L'écoute radio assurée avec la 5ème Compagnie prévient du départ de la Section du Sous-lieutenant Hervieux (1) qui serait en contact au Col de Selma dans 1 heure environ.
Vers 9 heures, la 5ème Compagnie signale avoir perdu le contact radio avec la Section Hervieux. Dans le même temps, du Col de Selma, des coups sourds, des crépitements d'armes automatiques se font entendre, d'abord faiblement, puis s'amplifiant, répercutés dans la montagne par des échos sonores et très porteurs; ils troublent le silence naturel des lieux. Pas de doute, il y a accrochage … il se situe à environ 3 kilomètres du Col. Il faut faire vite …
N'ayant aucun contact radio, sans attendre, rassemblant une des deux sections disponibles, au pas de course, "ventre à terre, au bruit du canon", avec les précautions de sécurité d'usage, nous nous dirigeons vers le lieu où s'est produit l'accrochage. Tout en courant sur 3 kilomètres, notre souci est d'aller vite pour porter secours à nos amis, de les aider, de renforcer leurs moyens, de les dégager du piège dans lequel ils sont tombés. Sera-t-il trop tard ? De son côté, l'action du Lieutenant Huguenin en route, venant du barrage de Dgegene, sera-t-elle bénéfique ?
Le silence est revenu et seules quelques rares détonations claquent, marquant, nous le comprenons, qu'un drame vient de se jouer, qu'il sera trop tard pour en limiter l'atroce réalité.
Pris à partie aux abords du douar, lieu de l'embuscade, nous disputons le terrain avec des éléments retardateurs Fells, qui y laisseront quelques uns des leurs afin de permettre au gros de leur troupe de s'enfuir dans la profonde montagne du Djebel Babar qui culmine à 2004 mètres et du Djebel Tamentoube, où sillonne l'Oued Kébia aux crevasses profondes et sinistres.
Et nous arrivons sur les lieux … enfin nous réalisons la liaison avec, ce qui fut la Section Hervieux.
Quelle tristesse, quelle désolation … Toute la Section est là, décimée, égorgée, émasculée, une grande partie des légionnaires sont nus … c'est une vision dantesque ! Deux survivants miraculés, hagards, bouleversés, dont l'un décèdera subitement le lendemain et l'autre, "c'est le destin" sera tué dans un accident d'hélicoptère un mois après !
Toute une section est là, touchée à mort. Quel carnage, Quelle rage destructive, quel déchainement bestial de ne pas se suffire de la mort d'un homme mais en plus d'y ajouter la marque de l'"infamie" de la barbarie ! … Gradés et légionnaires sont là, figés à jamais. C'est un désastre. Certes ces soldats se sont battus avec courage, il suffit de constater les tas de douilles partout disséminées et plusieurs corps de Fells et du matériel abandonné.
Le Lieutenant Huguenin est arrivé comme nous, trop tard … Comme nous il ne pu que constater les terribles dégâts …
Dans la dignité, ensemble nous avons récupérés les corps de ces vaillants soldats qui reçurent tous, quelques jours après, les honneurs militaires de l'ensemble du 2ème Bataillon de la 13ème D.B.L.E.
Je n'oublierai jamais cette journée du 5 juillet 1956.
Lieutenant-colonel (h) Robert TAURAND
_________________________________________________________________________
(1) Le S/Lt Hervieux âgé de 26 ans, volontaire pour servir (en tant qu'appelé sous les drapeaux) était avocat. Fils unique d'un couple pas très jeune au moment de sa naissance.
Ses parents que j'ai visités à Paris fin 1956, m'ont dit leur peine immense, mais aussi leur fierté pour le courage de ce fils aimé, qui a préféré la Légion Étrangère, plutôt que l'affectation qu'il avait reçue dans un État Major à Paris.
Sources : AALEP .
Nous voici donc au repos entre Bougie, Ziama Mansouriah, Cavallo, Djidjelli, tout au bord de cette mer attirante, prêts bien sûr pour le séjour réparateur, en vue de repartir peut-être dans les Aurès où le calme lui ne reviendra jamais.
La 7ème Compagnie que je commande est en partie "cantonnée" à Cavallo, petit village bien sympathique où au premier abord, il fait bon vivre.
Le premier jour, le gardien du phare de Djidjelli est assassiné, sa tête détachée du tronc bloque le mouvement du système d'éclairage prévu pour les bateaux. Le lendemain une personnalité de la ville de Cavallo est proprement égorgée sur son lieu de travail, il est 7 heures … A 12 heures une deuxième personne est découverte également égorgée sur la route, à la sortie de la ville.
Dans la même semaine, 4 postes sont harcelés, plusieurs assassinats de notables sont signalés dans la campagne où sont installés des postes de sécurité de harki en pleine zone de forêts de chêne-liège, où il est facile de vite disparaître après avoir frappé ! …
Ça brûle dans le coin ! Très vite, adieu la mer et les bains réparateurs … Vite, très vite, la 7ème Compagnie est propulsée en pleine campagne pour tenir le Col de Selma, situé en moyenne montagne, mais passage obligé pour les bandes de rebelles.
Comme à l'habitude, pour les légionnaires, il faut s'adapter … aux installations précaires en rase campagne, avec les moyens du bord … Le soucis primordial est la sécurité, nous ferons en sorte d'utiliser au mieux quelques abris de bergers et aussi quelques ruines d'anciennes mechta abandonnées.
Le Col de Selma est situé à une quinzaine de kilomètres d'un barrage en construction à Djegene, où la sécurité est assurée par la 5ème Compagnie, commandée par le Lieutenant Pierre Huguenin, malheureusement décédé aujourd'hui, frère d'arme, camarade dont l'amitié forgée au combat restera entre nous toute ma vie.
Sur ordre, chaque jour, à tour de rôle, nos unités assurent une liaison entre nos positions. Sur l'itinéraire deux petits douars où vivent quelques vieillards, des femmes et des enfants. La route traverse une région pelée, caillouteuse, aux quelques parties boisées prospères aux embuscades.
Ce jour là, le 5 juillet 1956, la 7ème Compagnie assure son ravitaillement sur Cavallo Djidjelli avec deux sections et la totalité des véhicules. L'écoute radio assurée avec la 5ème Compagnie prévient du départ de la Section du Sous-lieutenant Hervieux (1) qui serait en contact au Col de Selma dans 1 heure environ.
Vers 9 heures, la 5ème Compagnie signale avoir perdu le contact radio avec la Section Hervieux. Dans le même temps, du Col de Selma, des coups sourds, des crépitements d'armes automatiques se font entendre, d'abord faiblement, puis s'amplifiant, répercutés dans la montagne par des échos sonores et très porteurs; ils troublent le silence naturel des lieux. Pas de doute, il y a accrochage … il se situe à environ 3 kilomètres du Col. Il faut faire vite …
N'ayant aucun contact radio, sans attendre, rassemblant une des deux sections disponibles, au pas de course, "ventre à terre, au bruit du canon", avec les précautions de sécurité d'usage, nous nous dirigeons vers le lieu où s'est produit l'accrochage. Tout en courant sur 3 kilomètres, notre souci est d'aller vite pour porter secours à nos amis, de les aider, de renforcer leurs moyens, de les dégager du piège dans lequel ils sont tombés. Sera-t-il trop tard ? De son côté, l'action du Lieutenant Huguenin en route, venant du barrage de Dgegene, sera-t-elle bénéfique ?
Le silence est revenu et seules quelques rares détonations claquent, marquant, nous le comprenons, qu'un drame vient de se jouer, qu'il sera trop tard pour en limiter l'atroce réalité.
Pris à partie aux abords du douar, lieu de l'embuscade, nous disputons le terrain avec des éléments retardateurs Fells, qui y laisseront quelques uns des leurs afin de permettre au gros de leur troupe de s'enfuir dans la profonde montagne du Djebel Babar qui culmine à 2004 mètres et du Djebel Tamentoube, où sillonne l'Oued Kébia aux crevasses profondes et sinistres.
Et nous arrivons sur les lieux … enfin nous réalisons la liaison avec, ce qui fut la Section Hervieux.
Quelle tristesse, quelle désolation … Toute la Section est là, décimée, égorgée, émasculée, une grande partie des légionnaires sont nus … c'est une vision dantesque ! Deux survivants miraculés, hagards, bouleversés, dont l'un décèdera subitement le lendemain et l'autre, "c'est le destin" sera tué dans un accident d'hélicoptère un mois après !
Toute une section est là, touchée à mort. Quel carnage, Quelle rage destructive, quel déchainement bestial de ne pas se suffire de la mort d'un homme mais en plus d'y ajouter la marque de l'"infamie" de la barbarie ! … Gradés et légionnaires sont là, figés à jamais. C'est un désastre. Certes ces soldats se sont battus avec courage, il suffit de constater les tas de douilles partout disséminées et plusieurs corps de Fells et du matériel abandonné.
Le Lieutenant Huguenin est arrivé comme nous, trop tard … Comme nous il ne pu que constater les terribles dégâts …
Dans la dignité, ensemble nous avons récupérés les corps de ces vaillants soldats qui reçurent tous, quelques jours après, les honneurs militaires de l'ensemble du 2ème Bataillon de la 13ème D.B.L.E.
Je n'oublierai jamais cette journée du 5 juillet 1956.
Lieutenant-colonel (h) Robert TAURAND
_________________________________________________________________________
(1) Le S/Lt Hervieux âgé de 26 ans, volontaire pour servir (en tant qu'appelé sous les drapeaux) était avocat. Fils unique d'un couple pas très jeune au moment de sa naissance.
Ses parents que j'ai visités à Paris fin 1956, m'ont dit leur peine immense, mais aussi leur fierté pour le courage de ce fils aimé, qui a préféré la Légion Étrangère, plutôt que l'affectation qu'il avait reçue dans un État Major à Paris.
Sources : AALEP .
commandoair40- Admin
- Localisation : Marais Poitevin .
Messages : 1542
Date d'inscription : 08/06/2012
Age : 78
Re: 05 Juillet 1956 la 13eme DBLE .
J-P
émouvant,ce tragique drame.
Merci a toi de rappeler ce fait d'arme.
Les fels,comme les viets,étaient barbares,alors,aprés cela,les notres ne faisaient plus de cadeau(l'escalade de la guerre)
alors,qu'on ne nous gonflent plus,si on a torturé,c'est facile de critiquer 50 ans plus tard,ces gens la,n'ont pas vu ces horreurs.
Penseés et respects a ces valeureux légionnaires.
émouvant,ce tragique drame.
Merci a toi de rappeler ce fait d'arme.
Les fels,comme les viets,étaient barbares,alors,aprés cela,les notres ne faisaient plus de cadeau(l'escalade de la guerre)
alors,qu'on ne nous gonflent plus,si on a torturé,c'est facile de critiquer 50 ans plus tard,ces gens la,n'ont pas vu ces horreurs.
Penseés et respects a ces valeureux légionnaires.
Gibert j- Localisation : Ilede France (92)
Messages : 1291
Date d'inscription : 24/07/2011
Age : 82
Re: 05 Juillet 1956 la 13eme DBLE .
bonjour au tchad on l'a pratiqué au moyen de l'eau trés éfficasse des rebelles ils en dénoncés beaucoup lol
Invité- Invité
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