Le GILE
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Le GILE
Le GILE (Groupement d'Instruction Légion Étrangère)était stationné à Bonifacio
(Corse) pour l'instruction et à Corté (Minoterie) pour l'instruction
des cadres et spécialistes (CICS) ensuite à la citadelle de Corté au
début des années 1960 après le départ d'Algérie.
La Légion étrangère est intallée en Corse par le gouvernement en
1962, le Groupement d'instruction de la Légion étrangère rejoint
Bonifacio et Corté, et dépend du 1er régiment étranger, lui-même à
Aubagne. Le 1er septembre 1972 est recréé le 2ème régiment étranger
comprenant le GILE à Corte et le GOLE à Bonifacio :
Le 25 septembre 1976, des déserteurs allemands des 1ère et 2ème
compagnies assassinent deux bergers corses à Bustanico (les frères
Xavier et Pasquin Ruggieri) dans un contexte de violences réciproques
entre déserteurs et population (voir Alexandre Sanguinetti "mémoires
d'actions et de réactions", page 295)... la découverte de ces meurtres
le 28 septembre est exploitée médiatiquement dans un contexte politique
très tendu depuis deux ans pour imposer au gouvernement le départ des
deux compagnies d'instruction vers le continent, ce qui est réalisé le
11 octobre :
Les deux compagnies rejoignent la caserne Lapasset de Castelnaudary
le 23 novembre 1976, ainsi que le commandement du GILE (chef de
bataillon Estay). Le Régiment d'instruction de la Légion étrangère
(RILE) est créé le 1er septembre 1977, une 3ème compagnie d'instruction
est créée, la CIC rejoint Castelnaudary, puis la CIS. Le RILE prendra le
nom de 4ème régiment étranger le 1er juin 1980.
--------------------------------------------------------------------------------------
Lieutenant-colonel (er) Jean-Pierre RENAUD
président du CHMEDN
A
cette époque, l'instruction des légionnaires se faisait au Groupement
d'Instruction de la Légion étrangère (GILE 1) dans deux garnisons
corses, Bonifacio et Corte. Le GILE faisait partie du 1er Régiment
étranger dont la base était à Aubagne. Ma première affectation Légion
fut donc Bonifacio où je rejoignis la citadelle de Montlaur perchée sur
la partie rocheuse du bout de l'île face à la Sardaigne. La citadelle
avait la particularité d'inclure au bout de son domaine militaire
surplombant la mer le cimetière du village de Bonifacio, si bien que les
villageois pouvaient accéder librement aux tombes de leurs familles en
traversant la citadelle. La garnison regroupait une compagnie d'engagés
volontaires du GILE (la 1re) et deux
compagnies du Groupement
opérationnel de la Légion étrangère (le GOLE). L'autre partie du GILE, à
Corte, comprenait une deuxième compagnie d'instruction d'engagés
volontaires (EV), la compagnie d'instruction des cadres (CIC) et la
compagnie d'instruction spécialisée (CIS). Le nombre de sections à
l'instruction au sein des compagnies d'EV variait en fonction du nombre
d'engagés. Les effectifs en hiver étaient toujours plus importants que
ceux de l'été. Le froid arrivant, on se pressait plus aux postes
d'engagement. Aussi les effectifs de la première section que
(1) Le GILE avait quitté sa garnison de Sidi-bel-Abbès en 1962 pour s'installer en Corse .
La citadelle de Bonifacio
l'on
me confia compta un effectif de 85 dont 1 officier, 1 sous-officier
adjoint, 3 sous-officiers chefs de groupe, 3 caporaux-chefs ou caporaux,
3 fonctionnaires-caporaux et 74 engagés volontaires (EV). Je n'avais
jamais connu avant mon arrivée à la Légion la fonction de
fonctionnaire-caporal que nous appelions les « fout-fout» ; ils avaient
été sélectionnés dans la section d'EV précédente ou même deux sections
plus tôt. Il fallait qu'ils fassent un temps de « fout-fout» avant de
rejoindre un peloton d'élève caporal à Corte. Un temps précieux, qui
nous permettait de confirmer la valeur de l'individu. Que l'on veuille
bien s'imaginer la chambrée de section avec les 74 EV, les 3
caporaux-chef ou caporaux et les 3 fout-fout, 80 personnes! Certains
lits métalliques étaient étagés sur 3, un bel exercice physique pour
monter et descendre du lit ! Cet imposant effectif avait naturellement
des répercussions sur toutes les activités : les temps de distribution
et de réintégration de l'armement, le nombre de séries de tir, etc. Il
fallait donc se lever plus tôt, revenir plus tard, etc. Chaque EV
disposait d'une armoire individuelle métallique dans laquelle son
paquetage était rangé façon Légion avec un pliage millimétré, en
particulier, sur la seule étagère de l'armoire où figurait la
«télévision» : le linge de corps enveloppé d'une serviette blanche avec,
au dessus, à chaque angle, une épaulette tradition (corps vert,
tournante rouge, franges rouge). Un morceau de carton derrière la
serviette aidait à maintenir verticalement «1'écran» de la «télévision».
L'habillement
La
tenue était le treillis mIe 47. Il me semble aussi que même la deuxième
tenue en dotation pour chaque EV était une tenue mIe 47 et non le
treillis satin 300. Je me souviens d'une anecdote à propos des rangers
pour l'un de nos EV. Un géant d'origine allemande, de plus de deux
mètres de haut nous arriva et, chaussant du 52, il lui fallut attendre
un bon mois pour disposer de ses rangers. En attendant, il faisait tout
en
espadrille, l'ancien modèle des chaussures de sport que
j'avais découvert dix ans auparavant au 9e RCP. Pour revenir à ce type
de treillis, ce fut un des meilleurs en qualité de résistance aux ronces
et autres obstacles du terrain. Les sections d'EV faisant leur
instruction pendant la saison chaude voyaient le pantalon de treillis
remplacé par un short taillé dans des pantalons couleur beige (celui de
l'ancienne tenue de sortie en toile au repassage pénible). Si bien qu'en
tenue de sport, EV et cadres avaient un bronzage bien caractéristique !
Sur la splendide plage de Palombaggia, on repérait tout de suite un
cadre de l'instruction pour son bronzage démarrant à mi-mollet et
terminant dix centimètres au-dessus du genou. Pour l'hiver, les cadres
pouvaient se faire retailler une capote kaki en trois-quarts par notre
«tailleur» compagnie, un vieux légionnaire d'origine polonaise capable,
lors d'un égarement haut en couleur, de surpiquer un paquet de
cigarettes dans une couture.
L'instruction, les parcours de tir réels, la visite du Père Légion.
Une
bonne moitié des EV était d'origine non francophone. Il fallait donc
leur enseigner le français dès le premier jour d'instruction pour qu'ils
puissent comprendre l'instruction. Une
En remontant vers la citadelle
des
méthodes consistait à faire répéter comme un perroquet tout ordre reçu
par l'EV ; je dois avouer que je fus surpris par ce procédé
particulièrement efficace. Par ailleurs, chaque cadre officier et même
sous-officier proposait à un EV de devenir son ordonnance 2 libre à elle
d'accepter ou non. Celle-ci devait toujours être d'origine étrangère et
non francophone. L'intérêt pour cet EV était d'avoir des cours
supplémentaires de français, de recevoir une petite rétribution
financière et, pour l'ordonnance du chef de section, d'être exempté de
toute garde au quartier comme sur le terrain. J'eus ainsi au cours de
ces deux ans des ordonnances d'origine américaine, yougoslave et
polonaise. Toute l'instruction se faisait aux abords du champ de tir de
Bonifacio et dans la presqu'île de Santa Manza : départ à pied, retour à
pied, soit un déplacement journalier de presque 10 km non inclus
l'instruction elle-même. Les mollets enflaient au fil des jours! Après
la phase de formation élémentaire toutes armes (FETTA), rigoureusement
identique à celle des appelés du contingent dans la Régulière, nous
abordions le combat de l'équipe choc et de l'équipe feu sous la forme de
drill. Dans l'instruction figuraient des parcours de tir réels que nous
répétions une première fois avec arme sans cartouches à blanc, une
deuxième fois avec cartouches à blanc avant de passer au parcours avec
les cartouches réelles. C'est lors d'une répétition d'un parcours de tir
réel que je vis un hélicoptère se poser en retrait du parcours. Surpris
de voir un hélicoptère aux abords d'un champ de tir, je vis descendre
le Père Légion, le colonel Le Testu 3 ... Panique à bord! M'ayant reçu à
mon arrivée à la Légion et, tenu pendant une bonne heure au garde à
vous dans son bureau d'Aubagne, il m'avait fort impressionné. Que
venait-il faire ce jour là ? Arrivé dans mon dispositif, se mettant
derrière un tireur FM en position, il m'interpelle:
-«Renaud, vous vous êtes mis à la place du tireur FM ?»
-«Heu ... non mon colonel.»
Le
Père Légion demande au légionnaire de laisser son FM sur place et de se
lever. Il prend sa place ... je commence à trop bien comprendre ...
-«Renaud, prenez la place du tireur»
J'exécute et m'aperçois immédiatement que le tireur n'avait pas choisi un emplacement lui permettant d'avoir un tir efficace.
-«Alors ?»
-«Mon colonel, à l'avenir, je vérifierai chaque fois les emplacements de tir. .. »
-«Prenez toujours à votre compte les FM et les fusils de précision.»
L'entraînement commando
Dans la formation de base des EV figurait l'entraînement à la marche commando, une des épreuves du stage commando des unités de
la
Régulière auquel ils n'accédaient pas. Nous entraînions néanmoins nos
jeunes EV à cette marche sur un circuit en boucle de 8 kilomètres proche
du champ de tir de Bonifacio. La ligne de départ était séparée d'une
cinquantaine de mètres de la ligne d'arrivée. Le contrat pour les EV
était de boucler les 8 km en moins d'une heure avec le sac à dos lesté à
8 kg. Quelques uns n'y parvenaient pas du premier coup. Mais, à leur
arrivée, ils savaient que si le temps avait été dépassé, ils
parcourraient les 50 m les séparant du départ pour recommencer dans la
foulée une deuxième fois leur marche commando. Et là, comme par
enchantement, ils faisaient beaucoup moins d'une heure.
Le séjour à l'Ospédale
La
Légion disposait dans l'arrière pays de quelques chalets bien agréables
où nous séjournions pendant une bonne douzaine de jours mis à profit
pour faire du combat en zone boisée et initier nos jeunes EV à la
varappe. L'ordinaire était agrémenté d'un sanglier dépecé et découpé en
un rien de temps ; un sanglier égaré qui, confiant, avait trouvé comme
seule issue le camp Légion! Le séjour était d'autant plus agréable pour
les EV que le pouf 4 de la citadelle Montlaur nous rejoignait en GMC
pour une soirée ou deux.
Remise des képis blancs et rythme du pas
Légion.
A
l'issue de la Marche des Képis blancs, les EV recevaient leurs képis
blancs au cours d'une cérémonie nocturne dans la cour de la citadelle;
une cérémonie attendue par les EV, marquante dans leur engagement,
inoubliable pour beaucoup, qui avait été répétée pour sa gestuelle et
son chant jusqu'à la perfection.
(4) A cette époque chaque garnison
Légion disposait d'un pouf; pour la Corse, il y avait donc un pouf à
Bonifacio, Corte et Calvi.
(5) «Dans le chant «Les Képis blancs» : le
«La rue appartient» est orgueilleux, dense, écrasant. Le «Combien sont
tombés» est grave, plus sourd, presque cassé» (Extrait de la Note n°
l712/RE/GILE/DLEB/SEC, Bonifacio, le 08.09.1970, capitaine Jean-Marie
Sélosse, commandant le Détachement de Légion étrangère).
Le
chant des « Képis Blancs 5» (puisqu'il nous faut vivre et lutter dans la
souffrance .. .) commençait d'être appris dès la première semaine
d'instruction en même temps que les cours de français; il était répété
autant de fois que nécessaire pour être parfait lors de la cérémonie.
Presque simultanément, les EV apprenaient le chant de leur section puis
celui de la compagnie. Cela peut paraître beaucoup mais le temps ne
comptant pas, les paroles étaient sues très rapidement.
A l'issue
de la cérémonie, entonnant la marche des Képis blancs, en tenue de
lumière, la section rejoignait le pouf de la citadelle avec ses cadres:
découverte du site, de l'ambiance, bières et chants, la grande récrée
pour les jeunes EV et les cadres qui devaient obligatoirement
accompagner leurs légionnaires. Un lieutenant, très ancien, n'ayant pas
voulu suivre cette tradition dut rejoindre la Régulière dans les plus
brefs délais. Très vite, tout déplacement à l'intérieur de la citadelle
se faisait en chantant. La cadence du pas était théoriquement de 88 pas
par minute contre 120 pour les autres unités. Mais 88 pas par minute
apparaissait beaucoup trop rapide pour l'encadrement si bien que le
franchissement de l'entrée de la citadelle démarrait à une cadence
descendant parfois à 65 pas par minute ce qui faisait hurler le
commandement. Nous jurions, bien sûr, de ne plus recommencer ...
La marche de fin de formation Sartène-Corte
La
fin de formation des EV se concrétisait par une longue marche de 142
km. La colonne était suivie d'un GMC assurant la voiture balai,
l'intendance, et la penderie où étaient soigneusement accrochés treillis
de défilé et képis blancs pour l'arrivée à Corte. Selon la saison
l'itinéraire variait car les trois cols à franchir étaient souvent
enneigés l'hiver ; il fallait donc redescendre dans la plaine. A
l'approche du camp Légion de Corte, nous nous arrêtions près d'un
torrent (Le Tavignano) pour le décrassage et revêtir treillis immaculé
et képi blanc. Puis les EV franchissaient le seuil du quartier de Corte,
sac à dos, fusil sur l'épaule, baïonnette au canon, en chantant et sans
boiter ! Les derniers vingt à vingt cinq kilomètres de cette marche
Sartène-Corte avaient été effectués en ambiance combat en appliquant le
mécanisme «fixer-déborder» au niveau du groupe de combat. Nous restions
une semaine à Corte pour l'affectation des légionnaires dans les corps.
En attendant de passer individuellement devant un officier
orienteur,
les EV participaient aux travaux d'amélioration du camp Légion. Chaque
section d'EV avait à coeur de personnaliser son passage.
Conclusion
Ce
séjour de deux ans à l'instruction constituait une mise dans l'ambiance
exceptionnelle pour un officier affecté pour la première fois à la
Légion étrangère. En formant de jeunes engagés, nous nous formions
nous-mêmes, l'esprit Légion nous pénétrait de part en part sans nous en
rendre compte. Certains jeunes officiers sortant d'Application ou
arrivant d'autres corps métropolitains n'avaient pas cette chance et
rejoignaient directement un régiment opérationnel, ce qui pouvait poser
problème. Les affectations suivantes au sein de la Légion permettaient
de retrouver quelques uns des EV formés, un grand moment d'émotion.
(Corse) pour l'instruction et à Corté (Minoterie) pour l'instruction
des cadres et spécialistes (CICS) ensuite à la citadelle de Corté au
début des années 1960 après le départ d'Algérie.
La Légion étrangère est intallée en Corse par le gouvernement en
1962, le Groupement d'instruction de la Légion étrangère rejoint
Bonifacio et Corté, et dépend du 1er régiment étranger, lui-même à
Aubagne. Le 1er septembre 1972 est recréé le 2ème régiment étranger
comprenant le GILE à Corte et le GOLE à Bonifacio :
- le GILE comptait alors quatre compagnies, les 1ère et 2ème
compagnies d'instruction des engagés volontaires, la compagnie
d'instruction des cadres (CIC) et la compagnie d'instruction des
spécialistes (CIS). La 2ème compagnie était stationnée à la citadelle de
Corté, les trois autres au camp de La Minoterie, dans la plaine. - le groupement opérationnel de la Légion étrangère (GOLE) composé des 5ème, 6ème et 7ème compagnies.
Le 25 septembre 1976, des déserteurs allemands des 1ère et 2ème
compagnies assassinent deux bergers corses à Bustanico (les frères
Xavier et Pasquin Ruggieri) dans un contexte de violences réciproques
entre déserteurs et population (voir Alexandre Sanguinetti "mémoires
d'actions et de réactions", page 295)... la découverte de ces meurtres
le 28 septembre est exploitée médiatiquement dans un contexte politique
très tendu depuis deux ans pour imposer au gouvernement le départ des
deux compagnies d'instruction vers le continent, ce qui est réalisé le
11 octobre :
- la 1ère compagnie (capitaine Leguen) est hébergée à Puyloubier par
l'Institution des invalides de la Légion étrangère (IILE), en camp de
toile. - la 2ème compagnie (capitaine Bernier) est hébergée à Orange par le
1er régiment étranger de cavalerie, dans les locaux du 4ème escadron
envoyé temporairement à Corté.
Les deux compagnies rejoignent la caserne Lapasset de Castelnaudary
le 23 novembre 1976, ainsi que le commandement du GILE (chef de
bataillon Estay). Le Régiment d'instruction de la Légion étrangère
(RILE) est créé le 1er septembre 1977, une 3ème compagnie d'instruction
est créée, la CIC rejoint Castelnaudary, puis la CIS. Le RILE prendra le
nom de 4ème régiment étranger le 1er juin 1980.
--------------------------------------------------------------------------------------
Lieutenant-colonel (er) Jean-Pierre RENAUD
président du CHMEDN
A
cette époque, l'instruction des légionnaires se faisait au Groupement
d'Instruction de la Légion étrangère (GILE 1) dans deux garnisons
corses, Bonifacio et Corte. Le GILE faisait partie du 1er Régiment
étranger dont la base était à Aubagne. Ma première affectation Légion
fut donc Bonifacio où je rejoignis la citadelle de Montlaur perchée sur
la partie rocheuse du bout de l'île face à la Sardaigne. La citadelle
avait la particularité d'inclure au bout de son domaine militaire
surplombant la mer le cimetière du village de Bonifacio, si bien que les
villageois pouvaient accéder librement aux tombes de leurs familles en
traversant la citadelle. La garnison regroupait une compagnie d'engagés
volontaires du GILE (la 1re) et deux
compagnies du Groupement
opérationnel de la Légion étrangère (le GOLE). L'autre partie du GILE, à
Corte, comprenait une deuxième compagnie d'instruction d'engagés
volontaires (EV), la compagnie d'instruction des cadres (CIC) et la
compagnie d'instruction spécialisée (CIS). Le nombre de sections à
l'instruction au sein des compagnies d'EV variait en fonction du nombre
d'engagés. Les effectifs en hiver étaient toujours plus importants que
ceux de l'été. Le froid arrivant, on se pressait plus aux postes
d'engagement. Aussi les effectifs de la première section que
(1) Le GILE avait quitté sa garnison de Sidi-bel-Abbès en 1962 pour s'installer en Corse .
La citadelle de Bonifacio
l'on
me confia compta un effectif de 85 dont 1 officier, 1 sous-officier
adjoint, 3 sous-officiers chefs de groupe, 3 caporaux-chefs ou caporaux,
3 fonctionnaires-caporaux et 74 engagés volontaires (EV). Je n'avais
jamais connu avant mon arrivée à la Légion la fonction de
fonctionnaire-caporal que nous appelions les « fout-fout» ; ils avaient
été sélectionnés dans la section d'EV précédente ou même deux sections
plus tôt. Il fallait qu'ils fassent un temps de « fout-fout» avant de
rejoindre un peloton d'élève caporal à Corte. Un temps précieux, qui
nous permettait de confirmer la valeur de l'individu. Que l'on veuille
bien s'imaginer la chambrée de section avec les 74 EV, les 3
caporaux-chef ou caporaux et les 3 fout-fout, 80 personnes! Certains
lits métalliques étaient étagés sur 3, un bel exercice physique pour
monter et descendre du lit ! Cet imposant effectif avait naturellement
des répercussions sur toutes les activités : les temps de distribution
et de réintégration de l'armement, le nombre de séries de tir, etc. Il
fallait donc se lever plus tôt, revenir plus tard, etc. Chaque EV
disposait d'une armoire individuelle métallique dans laquelle son
paquetage était rangé façon Légion avec un pliage millimétré, en
particulier, sur la seule étagère de l'armoire où figurait la
«télévision» : le linge de corps enveloppé d'une serviette blanche avec,
au dessus, à chaque angle, une épaulette tradition (corps vert,
tournante rouge, franges rouge). Un morceau de carton derrière la
serviette aidait à maintenir verticalement «1'écran» de la «télévision».
L'habillement
La
tenue était le treillis mIe 47. Il me semble aussi que même la deuxième
tenue en dotation pour chaque EV était une tenue mIe 47 et non le
treillis satin 300. Je me souviens d'une anecdote à propos des rangers
pour l'un de nos EV. Un géant d'origine allemande, de plus de deux
mètres de haut nous arriva et, chaussant du 52, il lui fallut attendre
un bon mois pour disposer de ses rangers. En attendant, il faisait tout
en
espadrille, l'ancien modèle des chaussures de sport que
j'avais découvert dix ans auparavant au 9e RCP. Pour revenir à ce type
de treillis, ce fut un des meilleurs en qualité de résistance aux ronces
et autres obstacles du terrain. Les sections d'EV faisant leur
instruction pendant la saison chaude voyaient le pantalon de treillis
remplacé par un short taillé dans des pantalons couleur beige (celui de
l'ancienne tenue de sortie en toile au repassage pénible). Si bien qu'en
tenue de sport, EV et cadres avaient un bronzage bien caractéristique !
Sur la splendide plage de Palombaggia, on repérait tout de suite un
cadre de l'instruction pour son bronzage démarrant à mi-mollet et
terminant dix centimètres au-dessus du genou. Pour l'hiver, les cadres
pouvaient se faire retailler une capote kaki en trois-quarts par notre
«tailleur» compagnie, un vieux légionnaire d'origine polonaise capable,
lors d'un égarement haut en couleur, de surpiquer un paquet de
cigarettes dans une couture.
L'instruction, les parcours de tir réels, la visite du Père Légion.
Une
bonne moitié des EV était d'origine non francophone. Il fallait donc
leur enseigner le français dès le premier jour d'instruction pour qu'ils
puissent comprendre l'instruction. Une
En remontant vers la citadelle
des
méthodes consistait à faire répéter comme un perroquet tout ordre reçu
par l'EV ; je dois avouer que je fus surpris par ce procédé
particulièrement efficace. Par ailleurs, chaque cadre officier et même
sous-officier proposait à un EV de devenir son ordonnance 2 libre à elle
d'accepter ou non. Celle-ci devait toujours être d'origine étrangère et
non francophone. L'intérêt pour cet EV était d'avoir des cours
supplémentaires de français, de recevoir une petite rétribution
financière et, pour l'ordonnance du chef de section, d'être exempté de
toute garde au quartier comme sur le terrain. J'eus ainsi au cours de
ces deux ans des ordonnances d'origine américaine, yougoslave et
polonaise. Toute l'instruction se faisait aux abords du champ de tir de
Bonifacio et dans la presqu'île de Santa Manza : départ à pied, retour à
pied, soit un déplacement journalier de presque 10 km non inclus
l'instruction elle-même. Les mollets enflaient au fil des jours! Après
la phase de formation élémentaire toutes armes (FETTA), rigoureusement
identique à celle des appelés du contingent dans la Régulière, nous
abordions le combat de l'équipe choc et de l'équipe feu sous la forme de
drill. Dans l'instruction figuraient des parcours de tir réels que nous
répétions une première fois avec arme sans cartouches à blanc, une
deuxième fois avec cartouches à blanc avant de passer au parcours avec
les cartouches réelles. C'est lors d'une répétition d'un parcours de tir
réel que je vis un hélicoptère se poser en retrait du parcours. Surpris
de voir un hélicoptère aux abords d'un champ de tir, je vis descendre
le Père Légion, le colonel Le Testu 3 ... Panique à bord! M'ayant reçu à
mon arrivée à la Légion et, tenu pendant une bonne heure au garde à
vous dans son bureau d'Aubagne, il m'avait fort impressionné. Que
venait-il faire ce jour là ? Arrivé dans mon dispositif, se mettant
derrière un tireur FM en position, il m'interpelle:
-«Renaud, vous vous êtes mis à la place du tireur FM ?»
-«Heu ... non mon colonel.»
Le
Père Légion demande au légionnaire de laisser son FM sur place et de se
lever. Il prend sa place ... je commence à trop bien comprendre ...
-«Renaud, prenez la place du tireur»
J'exécute et m'aperçois immédiatement que le tireur n'avait pas choisi un emplacement lui permettant d'avoir un tir efficace.
-«Alors ?»
-«Mon colonel, à l'avenir, je vérifierai chaque fois les emplacements de tir. .. »
-«Prenez toujours à votre compte les FM et les fusils de précision.»
L'entraînement commando
Dans la formation de base des EV figurait l'entraînement à la marche commando, une des épreuves du stage commando des unités de
la
Régulière auquel ils n'accédaient pas. Nous entraînions néanmoins nos
jeunes EV à cette marche sur un circuit en boucle de 8 kilomètres proche
du champ de tir de Bonifacio. La ligne de départ était séparée d'une
cinquantaine de mètres de la ligne d'arrivée. Le contrat pour les EV
était de boucler les 8 km en moins d'une heure avec le sac à dos lesté à
8 kg. Quelques uns n'y parvenaient pas du premier coup. Mais, à leur
arrivée, ils savaient que si le temps avait été dépassé, ils
parcourraient les 50 m les séparant du départ pour recommencer dans la
foulée une deuxième fois leur marche commando. Et là, comme par
enchantement, ils faisaient beaucoup moins d'une heure.
Le séjour à l'Ospédale
La
Légion disposait dans l'arrière pays de quelques chalets bien agréables
où nous séjournions pendant une bonne douzaine de jours mis à profit
pour faire du combat en zone boisée et initier nos jeunes EV à la
varappe. L'ordinaire était agrémenté d'un sanglier dépecé et découpé en
un rien de temps ; un sanglier égaré qui, confiant, avait trouvé comme
seule issue le camp Légion! Le séjour était d'autant plus agréable pour
les EV que le pouf 4 de la citadelle Montlaur nous rejoignait en GMC
pour une soirée ou deux.
Remise des képis blancs et rythme du pas
Légion.
A
l'issue de la Marche des Képis blancs, les EV recevaient leurs képis
blancs au cours d'une cérémonie nocturne dans la cour de la citadelle;
une cérémonie attendue par les EV, marquante dans leur engagement,
inoubliable pour beaucoup, qui avait été répétée pour sa gestuelle et
son chant jusqu'à la perfection.
(4) A cette époque chaque garnison
Légion disposait d'un pouf; pour la Corse, il y avait donc un pouf à
Bonifacio, Corte et Calvi.
(5) «Dans le chant «Les Képis blancs» : le
«La rue appartient» est orgueilleux, dense, écrasant. Le «Combien sont
tombés» est grave, plus sourd, presque cassé» (Extrait de la Note n°
l712/RE/GILE/DLEB/SEC, Bonifacio, le 08.09.1970, capitaine Jean-Marie
Sélosse, commandant le Détachement de Légion étrangère).
Le
chant des « Képis Blancs 5» (puisqu'il nous faut vivre et lutter dans la
souffrance .. .) commençait d'être appris dès la première semaine
d'instruction en même temps que les cours de français; il était répété
autant de fois que nécessaire pour être parfait lors de la cérémonie.
Presque simultanément, les EV apprenaient le chant de leur section puis
celui de la compagnie. Cela peut paraître beaucoup mais le temps ne
comptant pas, les paroles étaient sues très rapidement.
A l'issue
de la cérémonie, entonnant la marche des Képis blancs, en tenue de
lumière, la section rejoignait le pouf de la citadelle avec ses cadres:
découverte du site, de l'ambiance, bières et chants, la grande récrée
pour les jeunes EV et les cadres qui devaient obligatoirement
accompagner leurs légionnaires. Un lieutenant, très ancien, n'ayant pas
voulu suivre cette tradition dut rejoindre la Régulière dans les plus
brefs délais. Très vite, tout déplacement à l'intérieur de la citadelle
se faisait en chantant. La cadence du pas était théoriquement de 88 pas
par minute contre 120 pour les autres unités. Mais 88 pas par minute
apparaissait beaucoup trop rapide pour l'encadrement si bien que le
franchissement de l'entrée de la citadelle démarrait à une cadence
descendant parfois à 65 pas par minute ce qui faisait hurler le
commandement. Nous jurions, bien sûr, de ne plus recommencer ...
La marche de fin de formation Sartène-Corte
La
fin de formation des EV se concrétisait par une longue marche de 142
km. La colonne était suivie d'un GMC assurant la voiture balai,
l'intendance, et la penderie où étaient soigneusement accrochés treillis
de défilé et képis blancs pour l'arrivée à Corte. Selon la saison
l'itinéraire variait car les trois cols à franchir étaient souvent
enneigés l'hiver ; il fallait donc redescendre dans la plaine. A
l'approche du camp Légion de Corte, nous nous arrêtions près d'un
torrent (Le Tavignano) pour le décrassage et revêtir treillis immaculé
et képi blanc. Puis les EV franchissaient le seuil du quartier de Corte,
sac à dos, fusil sur l'épaule, baïonnette au canon, en chantant et sans
boiter ! Les derniers vingt à vingt cinq kilomètres de cette marche
Sartène-Corte avaient été effectués en ambiance combat en appliquant le
mécanisme «fixer-déborder» au niveau du groupe de combat. Nous restions
une semaine à Corte pour l'affectation des légionnaires dans les corps.
En attendant de passer individuellement devant un officier
orienteur,
les EV participaient aux travaux d'amélioration du camp Légion. Chaque
section d'EV avait à coeur de personnaliser son passage.
Conclusion
Ce
séjour de deux ans à l'instruction constituait une mise dans l'ambiance
exceptionnelle pour un officier affecté pour la première fois à la
Légion étrangère. En formant de jeunes engagés, nous nous formions
nous-mêmes, l'esprit Légion nous pénétrait de part en part sans nous en
rendre compte. Certains jeunes officiers sortant d'Application ou
arrivant d'autres corps métropolitains n'avaient pas cette chance et
rejoignaient directement un régiment opérationnel, ce qui pouvait poser
problème. Les affectations suivantes au sein de la Légion permettaient
de retrouver quelques uns des EV formés, un grand moment d'émotion.
Invité- Invité
Re: Le GILE
Re-
J'ai beaucoup aimé ce récit,merci Christian.
Le pére Légion,l'oeil du maitre,
J'ai beaucoup aimé ce récit,merci Christian.
Le pére Légion,l'oeil du maitre,
Gibert j- Localisation : Ilede France (92)
Messages : 1291
Date d'inscription : 24/07/2011
Age : 82
Re: Le GILE
Merci Christian ,
Une belle histoire pour la fin de l'année .
Une belle histoire pour la fin de l'année .
commandoair40- Admin
- Localisation : Marais Poitevin .
Messages : 1542
Date d'inscription : 08/06/2012
Age : 78
Re: Le GILE
La
fin de formation des EV se concrétisait par une longue marche de 142
km. La colonne était suivie d'un GMC assurant la voiture balai,
l'intendance, et la penderie où étaient soigneusement accrochés treillis
de défilé et képis blancs pour l'arrivée à Corte. Selon la saison
l'itinéraire variait car les trois cols à franchir étaient souvent
enneigés l'hiver ; il fallait donc redescendre dans la plaine. A
l'approche du camp Légion de Corte, nous nous arrêtions près d'un
torrent (Le Tavignano) pour le décrassage et revêtir treillis immaculé
et képi blanc. Puis les EV franchissaient le seuil du quartier de Corte,
sac à dos, fusil sur l'épaule, baïonnette au canon, en chantant et sans
boiter ! Les derniers vingt à vingt cinq kilomètres de cette marche
Sartène-Corte avaient été effectués en ambiance combat en appliquant le
mécanisme «fixer-déborder» au niveau du groupe de combat. Nous restions
une semaine à Corte pour l'affectation des légionnaires dans les corps.
Et enfin, notre 1° quartier Libre depuis plus de 4 mois
fin de formation des EV se concrétisait par une longue marche de 142
km. La colonne était suivie d'un GMC assurant la voiture balai,
l'intendance, et la penderie où étaient soigneusement accrochés treillis
de défilé et képis blancs pour l'arrivée à Corte. Selon la saison
l'itinéraire variait car les trois cols à franchir étaient souvent
enneigés l'hiver ; il fallait donc redescendre dans la plaine. A
l'approche du camp Légion de Corte, nous nous arrêtions près d'un
torrent (Le Tavignano) pour le décrassage et revêtir treillis immaculé
et képi blanc. Puis les EV franchissaient le seuil du quartier de Corte,
sac à dos, fusil sur l'épaule, baïonnette au canon, en chantant et sans
boiter ! Les derniers vingt à vingt cinq kilomètres de cette marche
Sartène-Corte avaient été effectués en ambiance combat en appliquant le
mécanisme «fixer-déborder» au niveau du groupe de combat. Nous restions
une semaine à Corte pour l'affectation des légionnaires dans les corps.
Et enfin, notre 1° quartier Libre depuis plus de 4 mois
Invité- Invité
Re: Le GILE
Quartier libre,les biéres n'avaient plus qu'a bien se tenir,quartier-libre jusqu'a minuit?
Avec la P.M qui rode,attention au retour,
Gibert j- Localisation : Ilede France (92)
Messages : 1291
Date d'inscription : 24/07/2011
Age : 82
Re: Le GILE
Beau final ;
Merci .
Merci .
commandoair40- Admin
- Localisation : Marais Poitevin .
Messages : 1542
Date d'inscription : 08/06/2012
Age : 78
Re: Le GILE
Aprés un régime sans; il ne nous en a pas fallut beaucoup pour etre en formeGibert j a écrit:
Quartier libre,les biéres n'avaient plus qu'a bien se tenir,quartier-libre jusqu'a minuit?
Avec la P.M qui rode,attention au retour,
Invité- Invité
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