La Légion de 1913 à 1918
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La Légion de 1913 à 1918
La légion en 1913.
En 1913, la Légion étrangère comptait 10 521 hommes, formant 13 bataillons organisés au sein de deux régiments : le 1er et le 2ème Régiment étranger, dont les dépôts se trouvaient respectivement à Bel Abbès et à Saïola. La répartition par nationalité présentée dans le mémorial de la Légion étrangère
Français
45,2%
Allemands
17,6%
Belges
7,4%
Alsaciens – Lorrains
6,7%
Suisses
5,9%
Italiens
4,5%
Espagnols
2,5%
Russes
1,1%
Luxembourgeois
0,7%
Tunisiens, Marocains, Autrichiens, Hollandais, Américains, Hongrois et Turcs
1,7%
Divers
6,7%
La prédominance du recrutement français expliquait par le fait que les français engagés à la Légion étrangère provenaient surtout des catégories suivantes :
pour le plus grand nombre, des militaires de toutes armes sans certificat de bonne conduite et qui, de ce fait, étaient vus refuser l'accès des régiments où étaient reçus les rengagements comportant des avantages pécuniaires ;
des hommes présentant des antécédents judiciaires et n'ayant pas été admis à s'engager ou à se rengager dans le même régiment ;
des hommes âgés de plus de 32 ans, détenteurs d'un certificat, et qui, désirant continuer leur service, n'avaient pas contracter un rengagement dans les troupes coloniales où l'âge limite pour la troupe avait été fixé à 32 ans par la loi du 30 juillet 1893 ;
des jeunes Alsaciens Lorrains, réfractaires à leur incorporation dans l'armée allemande et qui souhaitaient obtenir la nationalité française par voie de naturalisation à l'issue de leur service.
Le RMLE.
En août 1914 et dans les semaines suivantes, des milliers d'étrangers résidant en France, parmi lesquels d'anciens légionnaires, assaillirent les bureaux de recrutement. On constitua plusieurs bataillons qui furent complétés par des légionnaires venus d'Afrique. Les unités ainsi constituées formèrent les 2ème, 3ème et 4ème régiment de marche ( « la
légion garibaldienne ») du 1er étranger et le 2ème régiment de marche du 2ème étranger. Tandis que demeuraient en Afrique du Nord, pour assumer notre maintien au Maroc, des légionnaires en majorité allemands, autrichiens, turcs et bulgares qu'on pouvait difficilement engager en Europe contre leurs compatriotes, les régiments de marche étaient durement eprouvés en France. Les pertes er les départs des ltaliens, des Belges et des Russes, autorisés à rejoindre leurs armées nationales provoquèrent en mars 1915, la dissolution des 3ème et 4ème régiments de marche. Leurs restes vinrent grossir les rangs du 2ème R.M. du 1er étranger et du 2ème étranger. Ces deux unités engagées à partir de mai 1915 en Artois, puis en Champagne, obtinrent vite trois citations à l'ordre de l'armée au prix de pertes très élevées. .A partirde novembre 1915, ce qui en subsistait fut fondu en un seul régiment, le « Régiment de marche de la Légion étrangère ». Sous le commandement des colonels Cot, Duriez et Rollet, cette glorieuse unité, dont nous évoquons ici quelques faits d'armes, s'illustra tant jusqu'à la fin de la guerre qu'il fut nécessaire de créer pour elle des récompenses nouvelles.
JUILLET 1916.
Bloqués devant Verdun, les troupes allemandes ont entrepris une bataille d'usure qui pèse lourdement sur les Alliés. Il importe au Haut Commandement de soulager la pression ennemie et surtout de redresser la ligne de front qui forme un saillant, dangereusement pointé sur Paris.
La bataille de la Somme est décidée. Il s'agit, pour les 26 divisions du général anglais French, pour les 14 divisions françaises de Foch, d'attaquer sur soixante-deux kilomètres de front. Axe général de l'attaque : le nord-est. C'est-à-dire la direction de Péronne.
La date prévue pour l'assaut est fixé au 1er juillet. Cinq jours avant le jour " J ", l'artillerie entame un tir de préparation destiné à écraser sous le fer et le feu les premières lignes allemandes, pour détruire les obstacles mis à
l'élan des alliés.
Le régiment de marche de la Légion étrangère n'a, pour cette attaque, qu'une mission d'attente. La division dont elle dépend, la D.M. (division
marocaine aux ordres du général Godet -un zouave) est en réserve à quelques kilomètres de la ligne d'attaque.
L'lllustration- numéro d'août 1916- donne une idée assez juste du terrain : une immense plaine ravagée, parsemée de débris et d'obus, coupée de boyaux encombrés de morts, de déchets, de détritus. On imagine un extraordinaire cloaque de soixante-dix kilomètres de long, sous un soleil de juillet.
Ce que ne restituent pas les photos, c'est l'odeur. Elle s'imagine aisément, celle d'une décharge publique en putréfaction. Pendant cinq jours, l'artillerie va s'acharner sur les lignes allemandes, bouleversant les tranchées, effaçant les collines, comblant les trous d'obus pour en creuser d'autres.
Le 1er juillet au matin, les quarante divisions montent à l'assaut. Pour des raisons d'efficacité, le front d'attaque a été limité à trente-neuf kilomètres seulement.
On peut difficilement se représenter trente-neuf kilomètres d'uniformes se précipitant en avant, baïonnette au canon, dans le fracas des
mitrailleuses, les explosions des obus, les éclatements des grenades. Les cris aussi, ponctués des sonneries de clairon. Car on attaque au clairon...
Trente-neuf kilomètres de soldats qui s'élancent.
Devant la Légion, l'infanterie coloniale fonce sur son objectif, un petit village, ou ce qui en reste, quelques pans de murs, un cloaque de rue, des squelettes d'arbres, qui s'appelle Assevillers.
A neuf heures et demie, les coloniaux annoncent :
-Objectif atteint...
C'est un exploit, En effet, malgré l'artillerie, les Allemands ont résisté farouchement, alertés par l'intensité même de la préparation de cinq jours,
ils avaient évacué leurs premières lignes pour les réoccuper dès que les tirs avaient été levés. Et alors que les quarante divisions alliées espéraient percer sans coup férir, elles ont eu la désagréable surprise d'être stoppées à peu près partout.
La Légion, enfin, a reçu l'ordre attendu, elle relèvera les Marsouins et les réservistes bretons du 39ème
Belloy, mission suicide
Le 4 juillet, le R.M.L.E. attaque à partir d'Assevillers. Objectif : un autre village, effacé du terrain par la bataille, et qui, sur la carte, s'appelle Belloy-en-Santerre.
Il se trouve que depuis des mois, les Allemands ont choisi la position exceptionnelle de ce village pour y articuler leur défense. Dominant un
glacis d'environ un kilomètre de large, Belloy-en-Santerre est fortifié, creusé de casemates enterrées et flanqué de mitrailleuses.
Attaquer à découvert Belloy-en-Santerre équivaut à se jeter délibérément sous les tirs rasants des armes ennemies.
-C'est pour ça qu'on nous a choisis, disent les gradés.
Ils ne précisent pas s'ils en sont fiers. Ou s'ils en veulent au général Berdoulat qui les a désignés pour cette mission suicide.
Ils ne sont pourtant pas désespérés, les légionnaires du R.M.L.E. Silencieusement, dans la nuit, ils se rassemblent sur les bases de départ, prêts.
A droite du Régiment, deux compagnies : la 9ème et la 11ème.
-En avant ! Le clairon sonne " le Boudin ", puis les notes plus rapides de la charge. Ensemble, les compagnies s'élancent. Le terrain, bosselé, envahi de ronces à demi calcinées supporte mal le pas de charge. Aussi, en ordre dispersé, les légionnaires, avancent sur Belloy. Les mitrailleuses ennemies n'ont pas tiré. Pas encore, Mais il y a huit cents mètres à couvrir.
Et puis, alors que les compagnies sont à trois cents mètres du but, les Allemands ouvrent le feu. Prise en enfilade par un tir meurtrier, la 11ème
compagnie a tout de suite de nombreux blessés. Elle perd tous ses officiers, fauchés sur quelques mètres, puis ses sous-officiers, venus en tête. Cloués au sol au milieu des herbes folles d'un champ inculte, les hommes rampent, s'appellent, se regroupent. Des blessés se plaignent,
les infirmiers, débordés, essaient de faire au mieux. Tout à coup, du village. leur parvient le son fameux du clairon jouant" le Boudin" .
-Aussitôt, raconte le capitaine de Tschamer, un baron suisse qui se couvrira de gloire au Maroc, les légionnaires se lèvent et, en criant " Vive la France" reprennent l'assaut interrompu.
En quelques minutes, la corne sud du village est enlevée.
Durant cette attaque a été tué. sous le numéro matricule 19522, le poète américain Alan Seegers qui, la veille de l'attaque, avait écrit :
" J'ai un rendez-vous avec la mort. Près de quelque redoute disputée âprement. Quand reviendra le printemps aux ombres mouvantes Et que les fleurs des pommiers imprégneront l'air J'ai un rendez-vous avec la Mort... "
A Belloy-en-Santerre, la Légion perdit, en quelques heures, 25 officiers, 844 hommes. Le tiers de son effectif.
Pourtant, malgré les quarante divisions. l'offensive piétine. Elle se poursuivra encore pendant quatre mois. au prix de combien de morts ?
Le 5 novembre. quand enfin les Alliés décideront la fin de l'offensive. le front de la Somme aura été enfoncé, au mieux. de dix kilomètres à peine.
Avril 1917.
Arrêtée dans la Somme, l'offensive alliée doit se produire en Champagne. C'est ce que le général Nivelle, qui a succédé au généralissime Joffre, sacrifié à la bataille manquée, a décidé.
Tactique adoptée: un coup de boutoir énorme mais bref. Une action de rupture entre l'Oise et l' Aisne.
En 1913, la Légion étrangère comptait 10 521 hommes, formant 13 bataillons organisés au sein de deux régiments : le 1er et le 2ème Régiment étranger, dont les dépôts se trouvaient respectivement à Bel Abbès et à Saïola. La répartition par nationalité présentée dans le mémorial de la Légion étrangère
Français
45,2%
Allemands
17,6%
Belges
7,4%
Alsaciens – Lorrains
6,7%
Suisses
5,9%
Italiens
4,5%
Espagnols
2,5%
Russes
1,1%
Luxembourgeois
0,7%
Tunisiens, Marocains, Autrichiens, Hollandais, Américains, Hongrois et Turcs
1,7%
Divers
6,7%
La prédominance du recrutement français expliquait par le fait que les français engagés à la Légion étrangère provenaient surtout des catégories suivantes :
pour le plus grand nombre, des militaires de toutes armes sans certificat de bonne conduite et qui, de ce fait, étaient vus refuser l'accès des régiments où étaient reçus les rengagements comportant des avantages pécuniaires ;
des hommes présentant des antécédents judiciaires et n'ayant pas été admis à s'engager ou à se rengager dans le même régiment ;
des hommes âgés de plus de 32 ans, détenteurs d'un certificat, et qui, désirant continuer leur service, n'avaient pas contracter un rengagement dans les troupes coloniales où l'âge limite pour la troupe avait été fixé à 32 ans par la loi du 30 juillet 1893 ;
des jeunes Alsaciens Lorrains, réfractaires à leur incorporation dans l'armée allemande et qui souhaitaient obtenir la nationalité française par voie de naturalisation à l'issue de leur service.
Le RMLE.
En août 1914 et dans les semaines suivantes, des milliers d'étrangers résidant en France, parmi lesquels d'anciens légionnaires, assaillirent les bureaux de recrutement. On constitua plusieurs bataillons qui furent complétés par des légionnaires venus d'Afrique. Les unités ainsi constituées formèrent les 2ème, 3ème et 4ème régiment de marche ( « la
légion garibaldienne ») du 1er étranger et le 2ème régiment de marche du 2ème étranger. Tandis que demeuraient en Afrique du Nord, pour assumer notre maintien au Maroc, des légionnaires en majorité allemands, autrichiens, turcs et bulgares qu'on pouvait difficilement engager en Europe contre leurs compatriotes, les régiments de marche étaient durement eprouvés en France. Les pertes er les départs des ltaliens, des Belges et des Russes, autorisés à rejoindre leurs armées nationales provoquèrent en mars 1915, la dissolution des 3ème et 4ème régiments de marche. Leurs restes vinrent grossir les rangs du 2ème R.M. du 1er étranger et du 2ème étranger. Ces deux unités engagées à partir de mai 1915 en Artois, puis en Champagne, obtinrent vite trois citations à l'ordre de l'armée au prix de pertes très élevées. .A partirde novembre 1915, ce qui en subsistait fut fondu en un seul régiment, le « Régiment de marche de la Légion étrangère ». Sous le commandement des colonels Cot, Duriez et Rollet, cette glorieuse unité, dont nous évoquons ici quelques faits d'armes, s'illustra tant jusqu'à la fin de la guerre qu'il fut nécessaire de créer pour elle des récompenses nouvelles.
JUILLET 1916.
Bloqués devant Verdun, les troupes allemandes ont entrepris une bataille d'usure qui pèse lourdement sur les Alliés. Il importe au Haut Commandement de soulager la pression ennemie et surtout de redresser la ligne de front qui forme un saillant, dangereusement pointé sur Paris.
La bataille de la Somme est décidée. Il s'agit, pour les 26 divisions du général anglais French, pour les 14 divisions françaises de Foch, d'attaquer sur soixante-deux kilomètres de front. Axe général de l'attaque : le nord-est. C'est-à-dire la direction de Péronne.
La date prévue pour l'assaut est fixé au 1er juillet. Cinq jours avant le jour " J ", l'artillerie entame un tir de préparation destiné à écraser sous le fer et le feu les premières lignes allemandes, pour détruire les obstacles mis à
l'élan des alliés.
Le régiment de marche de la Légion étrangère n'a, pour cette attaque, qu'une mission d'attente. La division dont elle dépend, la D.M. (division
marocaine aux ordres du général Godet -un zouave) est en réserve à quelques kilomètres de la ligne d'attaque.
L'lllustration- numéro d'août 1916- donne une idée assez juste du terrain : une immense plaine ravagée, parsemée de débris et d'obus, coupée de boyaux encombrés de morts, de déchets, de détritus. On imagine un extraordinaire cloaque de soixante-dix kilomètres de long, sous un soleil de juillet.
Ce que ne restituent pas les photos, c'est l'odeur. Elle s'imagine aisément, celle d'une décharge publique en putréfaction. Pendant cinq jours, l'artillerie va s'acharner sur les lignes allemandes, bouleversant les tranchées, effaçant les collines, comblant les trous d'obus pour en creuser d'autres.
Le 1er juillet au matin, les quarante divisions montent à l'assaut. Pour des raisons d'efficacité, le front d'attaque a été limité à trente-neuf kilomètres seulement.
On peut difficilement se représenter trente-neuf kilomètres d'uniformes se précipitant en avant, baïonnette au canon, dans le fracas des
mitrailleuses, les explosions des obus, les éclatements des grenades. Les cris aussi, ponctués des sonneries de clairon. Car on attaque au clairon...
Trente-neuf kilomètres de soldats qui s'élancent.
Devant la Légion, l'infanterie coloniale fonce sur son objectif, un petit village, ou ce qui en reste, quelques pans de murs, un cloaque de rue, des squelettes d'arbres, qui s'appelle Assevillers.
A neuf heures et demie, les coloniaux annoncent :
-Objectif atteint...
C'est un exploit, En effet, malgré l'artillerie, les Allemands ont résisté farouchement, alertés par l'intensité même de la préparation de cinq jours,
ils avaient évacué leurs premières lignes pour les réoccuper dès que les tirs avaient été levés. Et alors que les quarante divisions alliées espéraient percer sans coup férir, elles ont eu la désagréable surprise d'être stoppées à peu près partout.
La Légion, enfin, a reçu l'ordre attendu, elle relèvera les Marsouins et les réservistes bretons du 39ème
Belloy, mission suicide
Le 4 juillet, le R.M.L.E. attaque à partir d'Assevillers. Objectif : un autre village, effacé du terrain par la bataille, et qui, sur la carte, s'appelle Belloy-en-Santerre.
Il se trouve que depuis des mois, les Allemands ont choisi la position exceptionnelle de ce village pour y articuler leur défense. Dominant un
glacis d'environ un kilomètre de large, Belloy-en-Santerre est fortifié, creusé de casemates enterrées et flanqué de mitrailleuses.
Attaquer à découvert Belloy-en-Santerre équivaut à se jeter délibérément sous les tirs rasants des armes ennemies.
-C'est pour ça qu'on nous a choisis, disent les gradés.
Ils ne précisent pas s'ils en sont fiers. Ou s'ils en veulent au général Berdoulat qui les a désignés pour cette mission suicide.
Ils ne sont pourtant pas désespérés, les légionnaires du R.M.L.E. Silencieusement, dans la nuit, ils se rassemblent sur les bases de départ, prêts.
A droite du Régiment, deux compagnies : la 9ème et la 11ème.
-En avant ! Le clairon sonne " le Boudin ", puis les notes plus rapides de la charge. Ensemble, les compagnies s'élancent. Le terrain, bosselé, envahi de ronces à demi calcinées supporte mal le pas de charge. Aussi, en ordre dispersé, les légionnaires, avancent sur Belloy. Les mitrailleuses ennemies n'ont pas tiré. Pas encore, Mais il y a huit cents mètres à couvrir.
Et puis, alors que les compagnies sont à trois cents mètres du but, les Allemands ouvrent le feu. Prise en enfilade par un tir meurtrier, la 11ème
compagnie a tout de suite de nombreux blessés. Elle perd tous ses officiers, fauchés sur quelques mètres, puis ses sous-officiers, venus en tête. Cloués au sol au milieu des herbes folles d'un champ inculte, les hommes rampent, s'appellent, se regroupent. Des blessés se plaignent,
les infirmiers, débordés, essaient de faire au mieux. Tout à coup, du village. leur parvient le son fameux du clairon jouant" le Boudin" .
-Aussitôt, raconte le capitaine de Tschamer, un baron suisse qui se couvrira de gloire au Maroc, les légionnaires se lèvent et, en criant " Vive la France" reprennent l'assaut interrompu.
En quelques minutes, la corne sud du village est enlevée.
Durant cette attaque a été tué. sous le numéro matricule 19522, le poète américain Alan Seegers qui, la veille de l'attaque, avait écrit :
" J'ai un rendez-vous avec la mort. Près de quelque redoute disputée âprement. Quand reviendra le printemps aux ombres mouvantes Et que les fleurs des pommiers imprégneront l'air J'ai un rendez-vous avec la Mort... "
A Belloy-en-Santerre, la Légion perdit, en quelques heures, 25 officiers, 844 hommes. Le tiers de son effectif.
Pourtant, malgré les quarante divisions. l'offensive piétine. Elle se poursuivra encore pendant quatre mois. au prix de combien de morts ?
Le 5 novembre. quand enfin les Alliés décideront la fin de l'offensive. le front de la Somme aura été enfoncé, au mieux. de dix kilomètres à peine.
Avril 1917.
Arrêtée dans la Somme, l'offensive alliée doit se produire en Champagne. C'est ce que le général Nivelle, qui a succédé au généralissime Joffre, sacrifié à la bataille manquée, a décidé.
Tactique adoptée: un coup de boutoir énorme mais bref. Une action de rupture entre l'Oise et l' Aisne.
Re: La Légion de 1913 à 1918
SUITE :
L'attaque d'Auberive
Nivelle prévoit le début de son offensive dès les premiers jours d'avril. Pour donner plus de punch à son attaque, il achemine 850 000 hommes dans la région, fait procéder à de gigantesques travaux : il ne laisse rien au
hasard. Il sera surpris cependant, car les Allemands se replient profondément, d'une quinzaine de kilomètres. Nivelle a raté son effet.
-Cela ne fait rien, assure-t-il, nous attaquons tout de même.
Le 6 avril, ayant à trancher entre l'Etat-Major et le commandant en chef, Poincaré décide : -D'accord. Attaquez.
Malgré une préparation d'artillerie plus étoffée que celle de l'année précédente, les Alliés n'arrivent à aucun résultat.
Le régiment de marche a reçu la mission de s'emparer du village d'Auberive sitot que l'artillerie aura levé le tir. Auberive est situé en bsage d'un bois de bouleaux -ravagé mais dont les Archives Musée de la légion Etrangèretroncs subsistent encore. Il commande un saillant appelé " le Golfe ", sorte de billard battu par les mitrailleuses allemandes.
Pendant sept jours, du 10 au 17 avril, l'artillerie pilonne le secteur mais, les légionnaires vont s'en apercevoir.
Le 17, à 4 h 50, l'ordre d'attaque est lancé. Il pleut. Une de ces pluies de printemps mêlées de vent qui englue tout, alourdit les vêtements, transforme le sol en un magma spongieux qui aspire les godillots.
Aussitôt, épargnées par le tir de barrage, les mitrailleuses balaient la première vague d'assaut. Le lieutenant-colonel Duriez, chef de corps,
tombe l'un des premiers, aussitôt remplacé par le commandant Deville.
L'attaque est brisée, bien que le R.M.L.E. ait réussi à prendre pied dans la partie sud du Golfe et à la corne du bois des bouleaux. On s'y fusille à bout pourtant, sans espoir. Les positions n'ont pas pour autant changé de main.
Le lendemain, la pluie a cessé. La neige la remplace. Il faut repartir.
Le capitaine Maire a pour mission de réduire le saillant du Golfe. Avec une flegme de vieux légionnaire, il a, durant la nuit, prévu avec l'artillerie un appui sérieux, mais :
-Vous ne le déclencherez qu'à mon commandement.
Il s'est aperçu que pour les Allemands, les tirs de préparation étaient un "signal" .
A l'heure dite, sa compagnie s'élance.
" Comme un ressort " écrit-il, mes trois premières sections se ruent à l'assaut. Selon mes ordres, elles se déploient en éventail, atteignent
sans encombre la première ligne allemande où veillent les guetteurs ennemis.
" Combien étaient-ils. ces guetteurs ? Tout ce que je sais c'est que, sans perdre une minute, on les " embrocha ".
" Soudain, des crachements. Le tir de barrage : trop tard, nous étions passés... "
Grâce à son manque de confiance dans les vertus de la préparation d'artillerie, Maire réussit l'exploit peu commun de crever, à la tête de
compagnie, le front allemand. A 5 h 10, il est hors de portée des contre-attaques ennemies.
Malheureusement, il est le seul. Et la Légion, ce jour-là encore, paie un lourd tribut. Les chefs de bataillons sont tués les uns après les autres,
successivement, le capitaine de Lannurien, puis le capitaine Germann.
L'effectif du 3ème est réduit à 275 hommes le 19 au soir...
Mais le R.M.L.E. a un pied chez l'ennemi. A la grenade, il remonte le " grand boyau ", au coeur de la ligne ennemie. Il en " nettoie " sept kilomètres dans la journée.
Au soir, enfin, il entre dans Auberive.
-Mission accomplie.
L'exploit
de l'adjudant-chef Mader
C'est le lendemain que se situe l'exploit peu commun d'un des rares Allemands venus combattre en France. -Legio patria nostra, disait Mader. Et ce qui est bon pour les autres est assez bon pour moi.
Depuis deux ans donc, Mader -l'adjudant-chef Mader, Max-Emmanuel, de la 6ème compagnie du R.M.L.E. -fait la guerre. L'aube du 21 avril se lève. Une aube grise et froide sur un terrain qui, durant trois jours a vu de durs combats.
La tranchée 67, par laquelle, la veille a attaqué le 2ème bataillon, est encore jonchée de cadavres ennemis et amis mêlés dans la mort. Partout de la boue, des caisses, des armes, des vêtements déchirés, sans formes ni couleurs. Tout est gris, souillé, horrible.
Dans une sape, écrasés de fatigue, les rescapés des 6ème et 7ème compagnies dorment. Ils dorment malgré la fumée des incendies qui
couvent sous les débris; la boue, l'humidité, le froid. Ils dorment sans savoir si l'homme sur lequel ils s'appuient est mort ou vivant, ami ou
prisonnier.
Pourtant, à l'extérieur, au milieu de la tranchée 67, l'adjudant-chef Mader continue à veiller.
Il a remarqué que la 67 était orientée vers le Nord et qu'elle commande un petit vallon, au fond duquel, Mader en est persuadé, se cache quelque objectif intéressant. Son instinct de baroudeur le trompe rarement.
-A 150 mètres en avant, dit-il au capitaine, je suis sûr qu'il y a du canon...
-Peut-être, mais pour y arriver, il y a aussi une bonne compagnie armée de mitrailleuses : si l'on s'avise de passer par ce vallon, on n'a aucune chance d'en réchapper.
Plus bas, un légionnaire veille. -Mon adjudant chef, appelle-t-il à mi-voix.
-Qu'est-ce que tu veux, Bangerter ?
-Il y a des types de chez nous qui avancent dans le vallon, dit-il : ils n'ont pas vu la mitrailleuse et, si on les prévient pas, ils vont se
faire massacrer.
Bangerter est 1'. classe depuis un mois. Tout jeune -il a dix-huit ans à peine -les horreurs de la guerre n'ont pas encore desséché son coeur.
Mader sourit :
-Toi, ta bonté te perdra...
Il jette un oeil dans la direction indiquée et, comme pour lui :
-Des" poilus" du 168ème, grogne-t-il. Peuvent pas faire attention...
-Qu'est-ce qu'on fait ? demande Bangerter : on allume les B... pardon, l'ennemi.
A temps, le 1ère classe s'est rappelé la nationalité de son adjudant.
Mais Mader, froidemént :
-Si t'allumes les Boches, espèce de cloche, tu va allumer aussi les autres et ils te tireront sur la gueule...
Les Français sont, de fait, exactement dans l'axe des Allemands.
Mais Mader a du métier. En quelques secondes, il rameute dix légionnaires et fonce. Sa décision a été vite prise : pas question de tirer
sur la compagnie ennemie, en revanche, on peut l'attaquer à la grenade.
Il sort avec ses dix volontaires, et bondit dans le vallon. Avec une telle fougue qu'ils ont atteint un angle mort avant que les mitrailleurs n'aient
eu le temps de les ajuster.
Les hommes de la compagnie du 168 ne soupçonnent toujours rien. Ils arrivent au pied du fortin allemand qu'ils croient inoccupé. Au-dessus d'eux, l'ennemi les attend.
C'est alors que Mader intervient: à la grenade, il nettoie la position, surgissant comme un diable dans le dos des Allemands médusés.
Ceux qui ne sont pas déchiquetés par les explosions s'enfuient vers la batterie de 150 que maintenant Mader voit bien mieux.
Il saute dans le boyau, serre en vitesse la main du capitaine du 168ème auquel il a sauvé la vie et, très vite :
-Pas une minute à perdre: faut pas que ces cons-là aillent me foutre la pagaille. Faut les rattraper avant qu'il n'arrivent aux canons.
Il court dans le boyau, arrache, au passage, une musette de grenade que portait l'un des biffins. Il galope, prend aux fuyards quelques mètres, les remonte. Derrière lui, les dix légionnaires suivent, en désordre.
Mader est à la hauteur des derniers fugitifs. Ceux-ci ont la mauvaise idée de sauter dans un abri. Mader y balance des grenades. Il débouche ainsi, seul, au milieu des canons à peine gardés par quelques Saxons, mal réveillés et qui attendent l'heure de la relève. A la grenade encore, Mader fait le vide.
Les autres finissent par se manifester, mais l'arrivée opportune des dix légionnaires règle définitivement le sort des Saxons. ..et de leurs canons.
Bilan : une compagnie française sauvée, une compagnie ennemie mise en fuite, une batterie lourde capturée... et, pour Mader, la Légion d'honneur.
Août 1917
Le régiment de marche est à Verdun. Le 20 août il attaque au tristement
célèbre bois de Cumières. Par une sorte de coquetterie, les légionnaires ont abandonné leurs chants, graves ou mélancoliques pour sacrifier à la mode du jour. Ils entonnent... " la Madelon ".
A la tête du Régiment, vient d'arriver le " père" Rollet " toujours vêtu de sa veste de toile kaki, et, prétendent les " anciens" -ceux qui, entre eux persistent à l'appeler " capitaine espadrilles" -toujours sans chemise...
Il est revenu à la Légion et, pour une fois, le R.M.L.E. aura de la chance.
En deux heures de temps, le bois de Cumières, le boyau des Forges, positions réputées inexpugnables -les Français s'y usent les dents depuis presque un an -sont occupés.
Mais Rollet ne s'arrête pas : -Puisque nous sommes dans un bon jour,
dit-il, continuons.
Aussitôt sans prendre le temps de souffler, il établit le plan d'une seconde opération. Rien moins que l'occupation d'un ouvrage extrêmement défendu : l'ouvrage 265, sur la" côte de l'Oie".
De fait, à partir du bois de Cumières, l'ouvrage paraît moins redoutable.
Ayant appris le succès initial, les généraux Pétain et Pershing sont arrivés. Sous leurs yeux, s'élance le 1er bataillon, En une heure, l'ouvrage est conquis.
Pendant ce temps, le 2ème bataillon -commandant Waddel -s'empare de la côté de l'Oie.
Dans la journée, la Légion a conquis un front. La citation de l'adjudant-chef Mader fut signée de la main même du maréchal Pétain :
" Sous-officier d'une bravoure et d'une énergie remarquables. Chef de section hors ligne, véritable entraîneur d'hommes, Toujours en tête de sa troupe, s'est admirablement conduit au cours des combats du 17 au
21 avril 1917 : par d'heureuses dispositions et par le tir précis de ses fusils mitrailleurs, a assuré avec sa section la capture d'une batterie ennemie, mettant en fuite une compagnie d"infanterie qui la soutenait, " de plus de deux kilomètres, dans un secteur où s'épuisaient des unités d'élite. Elle à fait 680 prisonniers, dont 20 officiers.
Le 1er bataillon sera cité à l'ordre de l'armée pour son exploit.
Le lendemain, c'est le 3ème bataillon -commandant Giudicelli, l'homme qui " gueulait " -qui assure les positions.
Le 4 septembre, la Légion est relevée : à son bilan, outre les prisonniers, elle inscrit : 4 canons de 105, 1 canon de 38, 10 canons de 77 et 13
mitrailleuses.
A interroger les prisonniers, on apprendra qu'elle a eu affaire à 4 régiments d'élite allemands : les 20ème, 24ème, 221ème et 223ème.
Elle peut aller au repos.
Repos relatif d'ailleurs, puisque consacré à la préparation de la prise d'armes qui marquera la remise de la Légion d'honneur à son drapeau
avec cette flatteuse citation : " Merveilleux régiment qu'animent la haine de l'ennemi et l'esprit de sacrifice le plus élevé.
" En Artois, le 9 mai 1915, sous les ordres du lieutenant-colonel Cot, s'est élancé à l'assaut des Ouvrages Blancs, enfonçant d'un seul coup toutes les organisations ennemies, enlevant la côte 140 poussant jusqu'à Carency-en-Souchez.
" En Champagne, le 25 septembre 1915, sous les ordres du colonel Lecomte-Denis, puis du commandant Rozet, a conquis l'ouvrage de
Wagram au nord de Souain.
" Le 28 septembre, sous les ordres du lieutenant-colonel Cot a triomphé d'une organisation puissante et, poussant jusqu'aux tranchées et aux bois de la ferme de Navarin, les a enlevés.
" Dans la Somme, le 4 juillet 1916, sous les ordres du colonel Cot, après avoir franchi un glacis de 800 mètres, fauché par les mitrailleuses a conquis à la baïonnette Belloy-en-Santerre et l'a gardé malgré un bombardement intense et contre les effor1s violents et répétés de l'ennemi.
" En Champagne, devant les monts de Moronvilliers, le 17 avril 1917, sous les ordres du lieutenant-colonel Duriez, puis du commandant Deville, s'est élancé à l'attaque contre un ennemi résolu, trois fois supérieur en nombre. Par un combat corps à corps, ininterrompu pendant cinq jours et cinq nuits, s'est emparé des tranchées du Golfe et a contribué à faire évacuer le village d'Auberive par l'ennemi en le prenant à revers.
" A Verdun, le 20 août 1917, sous les ordres du lieutenant-colonel Rollet, a enlevé le village de Cumières et son bois, avec une telle fougue
qu'il a dépassé l'objectif final qui lui était assigné.
S'est ensuite rendu maître de la côte de l'Oie et de Régnéville. "
Cette citation fut décernée le 27 septembre 1917.
Amitiés Légio More Majorum
Daniel
L'attaque d'Auberive
Nivelle prévoit le début de son offensive dès les premiers jours d'avril. Pour donner plus de punch à son attaque, il achemine 850 000 hommes dans la région, fait procéder à de gigantesques travaux : il ne laisse rien au
hasard. Il sera surpris cependant, car les Allemands se replient profondément, d'une quinzaine de kilomètres. Nivelle a raté son effet.
-Cela ne fait rien, assure-t-il, nous attaquons tout de même.
Le 6 avril, ayant à trancher entre l'Etat-Major et le commandant en chef, Poincaré décide : -D'accord. Attaquez.
Malgré une préparation d'artillerie plus étoffée que celle de l'année précédente, les Alliés n'arrivent à aucun résultat.
Le régiment de marche a reçu la mission de s'emparer du village d'Auberive sitot que l'artillerie aura levé le tir. Auberive est situé en bsage d'un bois de bouleaux -ravagé mais dont les Archives Musée de la légion Etrangèretroncs subsistent encore. Il commande un saillant appelé " le Golfe ", sorte de billard battu par les mitrailleuses allemandes.
Pendant sept jours, du 10 au 17 avril, l'artillerie pilonne le secteur mais, les légionnaires vont s'en apercevoir.
Le 17, à 4 h 50, l'ordre d'attaque est lancé. Il pleut. Une de ces pluies de printemps mêlées de vent qui englue tout, alourdit les vêtements, transforme le sol en un magma spongieux qui aspire les godillots.
Aussitôt, épargnées par le tir de barrage, les mitrailleuses balaient la première vague d'assaut. Le lieutenant-colonel Duriez, chef de corps,
tombe l'un des premiers, aussitôt remplacé par le commandant Deville.
L'attaque est brisée, bien que le R.M.L.E. ait réussi à prendre pied dans la partie sud du Golfe et à la corne du bois des bouleaux. On s'y fusille à bout pourtant, sans espoir. Les positions n'ont pas pour autant changé de main.
Le lendemain, la pluie a cessé. La neige la remplace. Il faut repartir.
Le capitaine Maire a pour mission de réduire le saillant du Golfe. Avec une flegme de vieux légionnaire, il a, durant la nuit, prévu avec l'artillerie un appui sérieux, mais :
-Vous ne le déclencherez qu'à mon commandement.
Il s'est aperçu que pour les Allemands, les tirs de préparation étaient un "signal" .
A l'heure dite, sa compagnie s'élance.
" Comme un ressort " écrit-il, mes trois premières sections se ruent à l'assaut. Selon mes ordres, elles se déploient en éventail, atteignent
sans encombre la première ligne allemande où veillent les guetteurs ennemis.
" Combien étaient-ils. ces guetteurs ? Tout ce que je sais c'est que, sans perdre une minute, on les " embrocha ".
" Soudain, des crachements. Le tir de barrage : trop tard, nous étions passés... "
Grâce à son manque de confiance dans les vertus de la préparation d'artillerie, Maire réussit l'exploit peu commun de crever, à la tête de
compagnie, le front allemand. A 5 h 10, il est hors de portée des contre-attaques ennemies.
Malheureusement, il est le seul. Et la Légion, ce jour-là encore, paie un lourd tribut. Les chefs de bataillons sont tués les uns après les autres,
successivement, le capitaine de Lannurien, puis le capitaine Germann.
L'effectif du 3ème est réduit à 275 hommes le 19 au soir...
Mais le R.M.L.E. a un pied chez l'ennemi. A la grenade, il remonte le " grand boyau ", au coeur de la ligne ennemie. Il en " nettoie " sept kilomètres dans la journée.
Au soir, enfin, il entre dans Auberive.
-Mission accomplie.
L'exploit
de l'adjudant-chef Mader
C'est le lendemain que se situe l'exploit peu commun d'un des rares Allemands venus combattre en France. -Legio patria nostra, disait Mader. Et ce qui est bon pour les autres est assez bon pour moi.
Depuis deux ans donc, Mader -l'adjudant-chef Mader, Max-Emmanuel, de la 6ème compagnie du R.M.L.E. -fait la guerre. L'aube du 21 avril se lève. Une aube grise et froide sur un terrain qui, durant trois jours a vu de durs combats.
La tranchée 67, par laquelle, la veille a attaqué le 2ème bataillon, est encore jonchée de cadavres ennemis et amis mêlés dans la mort. Partout de la boue, des caisses, des armes, des vêtements déchirés, sans formes ni couleurs. Tout est gris, souillé, horrible.
Dans une sape, écrasés de fatigue, les rescapés des 6ème et 7ème compagnies dorment. Ils dorment malgré la fumée des incendies qui
couvent sous les débris; la boue, l'humidité, le froid. Ils dorment sans savoir si l'homme sur lequel ils s'appuient est mort ou vivant, ami ou
prisonnier.
Pourtant, à l'extérieur, au milieu de la tranchée 67, l'adjudant-chef Mader continue à veiller.
Il a remarqué que la 67 était orientée vers le Nord et qu'elle commande un petit vallon, au fond duquel, Mader en est persuadé, se cache quelque objectif intéressant. Son instinct de baroudeur le trompe rarement.
-A 150 mètres en avant, dit-il au capitaine, je suis sûr qu'il y a du canon...
-Peut-être, mais pour y arriver, il y a aussi une bonne compagnie armée de mitrailleuses : si l'on s'avise de passer par ce vallon, on n'a aucune chance d'en réchapper.
Plus bas, un légionnaire veille. -Mon adjudant chef, appelle-t-il à mi-voix.
-Qu'est-ce que tu veux, Bangerter ?
-Il y a des types de chez nous qui avancent dans le vallon, dit-il : ils n'ont pas vu la mitrailleuse et, si on les prévient pas, ils vont se
faire massacrer.
Bangerter est 1'. classe depuis un mois. Tout jeune -il a dix-huit ans à peine -les horreurs de la guerre n'ont pas encore desséché son coeur.
Mader sourit :
-Toi, ta bonté te perdra...
Il jette un oeil dans la direction indiquée et, comme pour lui :
-Des" poilus" du 168ème, grogne-t-il. Peuvent pas faire attention...
-Qu'est-ce qu'on fait ? demande Bangerter : on allume les B... pardon, l'ennemi.
A temps, le 1ère classe s'est rappelé la nationalité de son adjudant.
Mais Mader, froidemént :
-Si t'allumes les Boches, espèce de cloche, tu va allumer aussi les autres et ils te tireront sur la gueule...
Les Français sont, de fait, exactement dans l'axe des Allemands.
Mais Mader a du métier. En quelques secondes, il rameute dix légionnaires et fonce. Sa décision a été vite prise : pas question de tirer
sur la compagnie ennemie, en revanche, on peut l'attaquer à la grenade.
Il sort avec ses dix volontaires, et bondit dans le vallon. Avec une telle fougue qu'ils ont atteint un angle mort avant que les mitrailleurs n'aient
eu le temps de les ajuster.
Les hommes de la compagnie du 168 ne soupçonnent toujours rien. Ils arrivent au pied du fortin allemand qu'ils croient inoccupé. Au-dessus d'eux, l'ennemi les attend.
C'est alors que Mader intervient: à la grenade, il nettoie la position, surgissant comme un diable dans le dos des Allemands médusés.
Ceux qui ne sont pas déchiquetés par les explosions s'enfuient vers la batterie de 150 que maintenant Mader voit bien mieux.
Il saute dans le boyau, serre en vitesse la main du capitaine du 168ème auquel il a sauvé la vie et, très vite :
-Pas une minute à perdre: faut pas que ces cons-là aillent me foutre la pagaille. Faut les rattraper avant qu'il n'arrivent aux canons.
Il court dans le boyau, arrache, au passage, une musette de grenade que portait l'un des biffins. Il galope, prend aux fuyards quelques mètres, les remonte. Derrière lui, les dix légionnaires suivent, en désordre.
Mader est à la hauteur des derniers fugitifs. Ceux-ci ont la mauvaise idée de sauter dans un abri. Mader y balance des grenades. Il débouche ainsi, seul, au milieu des canons à peine gardés par quelques Saxons, mal réveillés et qui attendent l'heure de la relève. A la grenade encore, Mader fait le vide.
Les autres finissent par se manifester, mais l'arrivée opportune des dix légionnaires règle définitivement le sort des Saxons. ..et de leurs canons.
Bilan : une compagnie française sauvée, une compagnie ennemie mise en fuite, une batterie lourde capturée... et, pour Mader, la Légion d'honneur.
Août 1917
Le régiment de marche est à Verdun. Le 20 août il attaque au tristement
célèbre bois de Cumières. Par une sorte de coquetterie, les légionnaires ont abandonné leurs chants, graves ou mélancoliques pour sacrifier à la mode du jour. Ils entonnent... " la Madelon ".
A la tête du Régiment, vient d'arriver le " père" Rollet " toujours vêtu de sa veste de toile kaki, et, prétendent les " anciens" -ceux qui, entre eux persistent à l'appeler " capitaine espadrilles" -toujours sans chemise...
Il est revenu à la Légion et, pour une fois, le R.M.L.E. aura de la chance.
En deux heures de temps, le bois de Cumières, le boyau des Forges, positions réputées inexpugnables -les Français s'y usent les dents depuis presque un an -sont occupés.
Mais Rollet ne s'arrête pas : -Puisque nous sommes dans un bon jour,
dit-il, continuons.
Aussitôt sans prendre le temps de souffler, il établit le plan d'une seconde opération. Rien moins que l'occupation d'un ouvrage extrêmement défendu : l'ouvrage 265, sur la" côte de l'Oie".
De fait, à partir du bois de Cumières, l'ouvrage paraît moins redoutable.
Ayant appris le succès initial, les généraux Pétain et Pershing sont arrivés. Sous leurs yeux, s'élance le 1er bataillon, En une heure, l'ouvrage est conquis.
Pendant ce temps, le 2ème bataillon -commandant Waddel -s'empare de la côté de l'Oie.
Dans la journée, la Légion a conquis un front. La citation de l'adjudant-chef Mader fut signée de la main même du maréchal Pétain :
" Sous-officier d'une bravoure et d'une énergie remarquables. Chef de section hors ligne, véritable entraîneur d'hommes, Toujours en tête de sa troupe, s'est admirablement conduit au cours des combats du 17 au
21 avril 1917 : par d'heureuses dispositions et par le tir précis de ses fusils mitrailleurs, a assuré avec sa section la capture d'une batterie ennemie, mettant en fuite une compagnie d"infanterie qui la soutenait, " de plus de deux kilomètres, dans un secteur où s'épuisaient des unités d'élite. Elle à fait 680 prisonniers, dont 20 officiers.
Le 1er bataillon sera cité à l'ordre de l'armée pour son exploit.
Le lendemain, c'est le 3ème bataillon -commandant Giudicelli, l'homme qui " gueulait " -qui assure les positions.
Le 4 septembre, la Légion est relevée : à son bilan, outre les prisonniers, elle inscrit : 4 canons de 105, 1 canon de 38, 10 canons de 77 et 13
mitrailleuses.
A interroger les prisonniers, on apprendra qu'elle a eu affaire à 4 régiments d'élite allemands : les 20ème, 24ème, 221ème et 223ème.
Elle peut aller au repos.
Repos relatif d'ailleurs, puisque consacré à la préparation de la prise d'armes qui marquera la remise de la Légion d'honneur à son drapeau
avec cette flatteuse citation : " Merveilleux régiment qu'animent la haine de l'ennemi et l'esprit de sacrifice le plus élevé.
" En Artois, le 9 mai 1915, sous les ordres du lieutenant-colonel Cot, s'est élancé à l'assaut des Ouvrages Blancs, enfonçant d'un seul coup toutes les organisations ennemies, enlevant la côte 140 poussant jusqu'à Carency-en-Souchez.
" En Champagne, le 25 septembre 1915, sous les ordres du colonel Lecomte-Denis, puis du commandant Rozet, a conquis l'ouvrage de
Wagram au nord de Souain.
" Le 28 septembre, sous les ordres du lieutenant-colonel Cot a triomphé d'une organisation puissante et, poussant jusqu'aux tranchées et aux bois de la ferme de Navarin, les a enlevés.
" Dans la Somme, le 4 juillet 1916, sous les ordres du colonel Cot, après avoir franchi un glacis de 800 mètres, fauché par les mitrailleuses a conquis à la baïonnette Belloy-en-Santerre et l'a gardé malgré un bombardement intense et contre les effor1s violents et répétés de l'ennemi.
" En Champagne, devant les monts de Moronvilliers, le 17 avril 1917, sous les ordres du lieutenant-colonel Duriez, puis du commandant Deville, s'est élancé à l'attaque contre un ennemi résolu, trois fois supérieur en nombre. Par un combat corps à corps, ininterrompu pendant cinq jours et cinq nuits, s'est emparé des tranchées du Golfe et a contribué à faire évacuer le village d'Auberive par l'ennemi en le prenant à revers.
" A Verdun, le 20 août 1917, sous les ordres du lieutenant-colonel Rollet, a enlevé le village de Cumières et son bois, avec une telle fougue
qu'il a dépassé l'objectif final qui lui était assigné.
S'est ensuite rendu maître de la côte de l'Oie et de Régnéville. "
Cette citation fut décernée le 27 septembre 1917.
Amitiés Légio More Majorum
Daniel
Re: La Légion de 1913 à 1918
Superbe Recit
Petit complement
Le RMLE est l’héritier des quatre régiments de marche constitués au début de la guerre
2e régiment de marche du 1er étranger
3e régiment de marche du 1er étranger
4e régiment de marche du 1er étranger
2e régiment de marche du 2e étranger
Ces quatre régiments sont présents sur le front de fin 1914 à fin 1915 et s'illustrent notamment en Argonne (déc 1914), dans la Somme et à Craonne (hiver 1914-1915), en Artois (mai 1915) et enfin en Champagne (septembre 1915).
Le 11 novembre 1915, les deux régiments rescapés, le 2e de marche du 1er étranger et le 2e de marche du 2e étranger fusionnent et deviennent le RMLE( régiment de marche de la légion étrangère).
Juillet 1916 - Somme
Chef de corps Lt. Colonel Cot
Le RMLE, constitué alors de 3 bataillons à 4 compagnies, participe à la bataille de la Somme
Le 4 juillet lors de la prise de Belloy-en-Santerre, le 3e bataillon est anéanti
Du 4 au 9 juillet il a perdu 1 368 hommes sur 3 000 (Officiers : 14 tués et 22 blessés - Légionnaires - 431 tués ou disparus et 901 blessés).
dont 2 chef de bataillon ; 1er bataillon : Commandant Ruelland (tué le 9 juillet) et 3e bataillon : Commandant Mouchet (tué le 6 juillet)
Avril 1917 - Aubérive
Chef de corps Lt. Colonel Duriez
La bataille qui se déroule du 17 au 21 avril se traduit par la mise hors de combat de la moitié des 1500 légionnaires du RMLE et par la perte du chef de corps Lt. Colonel Duriez (tué le 17 avril) qui sera remplacé par le Commandant Deville.
Août 1917 - Verdun
Chef de corps Lt. Colonel Rollet
Le 20 août le régiment est chargé de contre attaquer afin de soulager la ville. En face de lui 4 régiments ennemis sont retranchés.
Le 21 tous les objectifs sont atteints, le RMLE a perforé le front sur 3,5 kilomètre de profondeur. C'est lors de ce fait d'arme qu'il gagne sa 6e citation à l'ordre de l'armée et obtient peu après la Légion d'honneur pour son drapeau.
Avril 1918 - Hangard
Chef de corps Lt. Colonel Rollet
les pertes du régiment sont de 822 hommes dont 13 officiers. dont le chef du 3e bataillon : Commandant Colin (tué le 26 avril)
Septembre 1918 - Ligne Hindenburg
Chef de corps Lt. Colonel Rollet
En deux semaines de combat le RMLE perd la moitié de ses effectifs ( 275 tués dont 10 officiers et 1 118 blessés dont 15 officiers).
dont le chef du 2e Bataillon le chef de bataillon, le capitaine Lannurien.
sur les 13.000 hommes de la Legion engages sur le sol francais pendant la grande guerre
les pertes en tues sont de : 3628 Légionnaires - 349 sous officiers et 139 officiers
Petit complement
Le RMLE est l’héritier des quatre régiments de marche constitués au début de la guerre
2e régiment de marche du 1er étranger
3e régiment de marche du 1er étranger
4e régiment de marche du 1er étranger
2e régiment de marche du 2e étranger
Ces quatre régiments sont présents sur le front de fin 1914 à fin 1915 et s'illustrent notamment en Argonne (déc 1914), dans la Somme et à Craonne (hiver 1914-1915), en Artois (mai 1915) et enfin en Champagne (septembre 1915).
Le 11 novembre 1915, les deux régiments rescapés, le 2e de marche du 1er étranger et le 2e de marche du 2e étranger fusionnent et deviennent le RMLE( régiment de marche de la légion étrangère).
Juillet 1916 - Somme
Chef de corps Lt. Colonel Cot
Le RMLE, constitué alors de 3 bataillons à 4 compagnies, participe à la bataille de la Somme
Le 4 juillet lors de la prise de Belloy-en-Santerre, le 3e bataillon est anéanti
Du 4 au 9 juillet il a perdu 1 368 hommes sur 3 000 (Officiers : 14 tués et 22 blessés - Légionnaires - 431 tués ou disparus et 901 blessés).
dont 2 chef de bataillon ; 1er bataillon : Commandant Ruelland (tué le 9 juillet) et 3e bataillon : Commandant Mouchet (tué le 6 juillet)
Avril 1917 - Aubérive
Chef de corps Lt. Colonel Duriez
La bataille qui se déroule du 17 au 21 avril se traduit par la mise hors de combat de la moitié des 1500 légionnaires du RMLE et par la perte du chef de corps Lt. Colonel Duriez (tué le 17 avril) qui sera remplacé par le Commandant Deville.
Août 1917 - Verdun
Chef de corps Lt. Colonel Rollet
Le 20 août le régiment est chargé de contre attaquer afin de soulager la ville. En face de lui 4 régiments ennemis sont retranchés.
Le 21 tous les objectifs sont atteints, le RMLE a perforé le front sur 3,5 kilomètre de profondeur. C'est lors de ce fait d'arme qu'il gagne sa 6e citation à l'ordre de l'armée et obtient peu après la Légion d'honneur pour son drapeau.
Avril 1918 - Hangard
Chef de corps Lt. Colonel Rollet
les pertes du régiment sont de 822 hommes dont 13 officiers. dont le chef du 3e bataillon : Commandant Colin (tué le 26 avril)
Septembre 1918 - Ligne Hindenburg
Chef de corps Lt. Colonel Rollet
En deux semaines de combat le RMLE perd la moitié de ses effectifs ( 275 tués dont 10 officiers et 1 118 blessés dont 15 officiers).
dont le chef du 2e Bataillon le chef de bataillon, le capitaine Lannurien.
sur les 13.000 hommes de la Legion engages sur le sol francais pendant la grande guerre
les pertes en tues sont de : 3628 Légionnaires - 349 sous officiers et 139 officiers
Invité- Invité
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