Le 1er REP et la seconde offensive Challe
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Le 1er REP et la seconde offensive Challe
La seconde offensive Challe, commencée le 18 avril 1959, avait pour objectif l'Ouarsenis algérois, le Montgorno, la Couronne autour d'Alger et les Braz. Le régiment installa sa base opérationnelle avancée dans un site idyllique à proximité de Cherchell. Mais, victime de sa réputation, il n'eut guère le loisir d'en profiter. On faisait appel à lui dès qu'une affaire semblait sérieuse. Quand il revenait à son campement de l'oued Bellah, c'était pour aller fouiller les sous-bois impénétrables de la forêt Affaïne ou les monts du Dahra ! En deux mois, le R. E. P. neutralisa plus de 300 rebelles. Joli bilan, qui lui coûta une cinquantaine de tués et de blessés. C'est au cours de ces combats que fut tué Tasnady, près de Molière.
Dans son bureau de Bel-Abbés, le colonel Brothier, successeur du colonel Thomas à la tête de la maison mère, signait le courrier, quand son chef d'état-major, le capitaine Busy-Debat, entra : « Mon colonel, dit-il, nous recevons un message du 1erR. E. P. L'adjudant Tasnady a été tué.
— Pardon ? questionna Brothier comme s'il avait mal entendu.
— Tasnady est mort, mon colonel.
— Ce n'est pas possible, murmura le colonel... pas possible... » En moins d’une semaine, la scène s'était répétée trois fois.
Trois fois, on avait frappé à sa porte pour lui annoncer la mort d'un adjudant. Trois fois, il s'agissait d'un guerrier. Tous trois avaient été tués au combat dans l'Ouarsenis. Tous trois avaient la médaille militaire et la Légion d'honneur. Tous trois étaient hongrois.
Engagé en 1946, Tasnady, depuis treize ans, semblait invulnérable. Deux séjours en Indochine, trois fois blessé, il avait traversé des périls sans commune mesure avec celui du 14 mai 1959. Un fell, mieux camouflé que les autres, eut pourtant raison de lui ce jour-là. Échappé par miracle à la fouille du terrain, il s'était caché dans un épais buisson. Quand la ligne de voltigeurs l'eut dépassé, il se redressa, aperçut un homme qui lui tournait le dos et donnait des ordres. Sans même prendre la peine d'épauler son fusil, il tira un seul coup de feu, presque à bout portant. Frappé à la nuque, l'homme s'écroula, mort. C'était Tasnady. Il avait trente-trois ans.
Brothier s'était levé. A travers la fenêtre de son bureau du premier étage, il regardait l’énorme boule d'onyx qui couronne le monument aux morts de la Légion. Les derniers rayons du soleil couchant s'accrochaient au globe et donnaient une teinte rougeâtre à l'or qui couvrait les pays où la Légion s'était battu depuis plus d'un siècle. « On dirait des taches de sang », songea le colonel. Il ne pouvait détacher ses regards de ces traces vermeilles. Elles semblaient grandir, aller jusqu'aux pieds des quatre légionnaires de bronze qui montaient la garde.
Vasko, Szuts, Tasnady... Les trois noms martelaient les tempes du colonel. Ils venaient en tête d'une longue colonne où figuraient des milliers d'autres noms, ceux de légionnaires qu'il avait vus mourir en silence depuis vingt ans, dont les sacrifices n'émouvaient pas les foules. Pour les avoir longtemps connus et commandés, Brothier savait trop ce que la Légion devait aux meilleurs d'entre eux, les sous-officiers. Ils en constituaient l'ossature. Ils connaissaient parfaitement leur métier et le faisaient avec une conscience professionnelle qui surprenait plus d'un sous-lieutenant issu de Saint-Cyr. Sortant de sa méditation, le colonel se dirigea vers son bureau. Une flamme illuminait ses traits. Il appela Busy-Debat :
« Vasko, Szuts, Tasnady... Vous comprenez? lui demanda Brothier dès qu'il fut entré. L'occasion nous est donnée de rendre hommage à travers eux à tous les sous-officiers. Il faut la saisir. Tous les trois symbolisent magnifiquement la nouvelle race d adjudants de Légion issue des guerres d'Indochine et d Algérie. Vous rendez-vous compte qu'ils sont hongrois tous les trois, engagés la même année et tués à quelques jours d'intervalle dans la même région d'Algérie ? »
Brothier s’était à nouveau levé, en proie à une exaltation dont il n’était pas coutumier. Il pensait à ces trois garçons qui vingt ans à la fin de la Seconde Guerre mondiale et qui s'étaient retrouvés au cœur de cette Europe en ruines, patrie, sans raison de vivre. Ils ne se connaissaient pas. Leur fraternité commença du jour où chacun refusa de subir son destin et de vivre dans un pays asservi. La Légion étrangère leur ouvrit ses rangs. Ils cherchaient un refuge, ils trouvèrent une famille. Au départ, rien ne les distinguait des autres légionnaires.
Peu à peu, ils se hissèrent au premier rang. Ils étaient des hommes de guerre. Des adjudants de moins de trente ans, était-ce concevable dans l'armée française ? Des adjudants ayant encore la grâce et les vertus de la jeunesse! Des combattants de race, des entraîneurs d'hommes, admirés par les jeunes officiers, écoutés par les chefs et vénérés de leurs légionnaires. Les maréchaux de la Légion étrangère ! Le colonel continua son monologue :
« Nous leur ferons des funérailles grandioses. Nous les enterrerons côte à côte. Ils auront tous les trois la rosette de la Légion d'honneur. Et nous mettrons toutes leurs décorations ensemble, dans un même cadre, au musée. »
Le vendredi 22 mai 1959, se déroula l’une des plus émouvantes cérémonies qu'ait connues la Légion. Escorté par une foule militaire et civile que précédaient seize adjudants-chefs et adjudants, tous décorés de la médaille militaire, Tasnady rejoignit ses deux frères hongrois à leur dernière demeure. Là, le colonel Brothier s'adressa une dernière fois aux trois hommes qui allaient être ensevelis dans la terre de Bel Abbès :
« Tasnady, pour t'accompagner au long du dernier morceau de chemin qui te reste à parcourir, il y a tes camarades du 1er régiment étranger de parachutistes et de Sidi-Bel-Abbès et les représentants de la 10e division parachutiste. Car chez eux aussi, on connaissait ton nom. Mais il y a aussi et surtout les deux grandes amitiés de Vasko et de Szuts qui t'ont précédé de si peu dans la mort. S'il me paraît inutile de citer vos campagnes, Extrême-Orient, Egypte, Afrique, j'aimerais tout de même qu'on sache qu'à vous trois vous totalisiez : 28 citations, 8 blessures, 3 médailles militaires à titre exceptionnel, 3 Légions d'honneur à titre exceptionnel. Et chacun d'entre vous avait à peine trente ans! Et puis-je rappeler pour toi, Tasnady, qu'au mois d'août 1957, tu avais été blessé à côté du colonel Jeanpierre?
« Tous trois qui avez tant combattu pour la France, vous êtes de la lignée de ces sous-officiers qui ont laissé un nom dans notre histoire : Blandan, le chasseur ; Bobillot, le colonial ; Mader, le légionnaire ; Sentenac, le parachutiste. Dans son musée de Bel-Abbés, la Légion étrangère perpétuera vos noms et gardera votre souvenir. »
Un officier commanda :
« Présentez... Armes! »
Puis l'air fut déchiré par deux notes lancinantes : le clairon sonnait Aux Morts.
…..
Quand les commandants de compagnie apprirent, quelques heures plus tard, qu'il y avait en dernière minute changement de programme, que l’attaque ne se ferait pas dans la direction prévue, la Kabylie, mais dans les monts du Hodna, ils furent émerveillés. Cette ruse ne prouvait-elle pas que le commandant en chef, déterminé, n'hésitait pas à bousculer les habitudes d'une armée qui n'aimait pas les improvisations ? Le travail de l'état-major de Challe avait été bien fait. On distribua de nouvelles cartes. Chacun apprit ce qu'il aurait à faire. Il ne restait plus qu'à prendre un peu de repos avant le nouveau départ, fixé à 4 h 30. Dans la nuit, toutes les autres unités des réserves générales furent détournées de la même façon. Au petit jour, le massif du Hodna était encerclé. L'opération « Étincelle » commençait. Elle dura douze jours. La moitié des rebelles implantés dans cette zone furent mis hors de combat. On apprit plus tard que le général Challe n'avait pas eu l'intention de tromper l'adversaire par une ruse. Il avait seulement voulu exploiter des renseignements de dernière minute. Mais le résultat restait le même : la souplesse d'une armée dépend essentiellement de ses chefs. Tous les services avaient suivi. On avait surmonté toutes les difficultés. Décidément, Challe était un bon général.
Les exécutants, à tous les échelons, commençaient à éprouver pour lui un sentiment plus fort que l'estime : presque de l'admiration.
Dans son bureau de Bel-Abbés, le colonel Brothier, successeur du colonel Thomas à la tête de la maison mère, signait le courrier, quand son chef d'état-major, le capitaine Busy-Debat, entra : « Mon colonel, dit-il, nous recevons un message du 1erR. E. P. L'adjudant Tasnady a été tué.
— Pardon ? questionna Brothier comme s'il avait mal entendu.
— Tasnady est mort, mon colonel.
— Ce n'est pas possible, murmura le colonel... pas possible... » En moins d’une semaine, la scène s'était répétée trois fois.
Trois fois, on avait frappé à sa porte pour lui annoncer la mort d'un adjudant. Trois fois, il s'agissait d'un guerrier. Tous trois avaient été tués au combat dans l'Ouarsenis. Tous trois avaient la médaille militaire et la Légion d'honneur. Tous trois étaient hongrois.
Engagé en 1946, Tasnady, depuis treize ans, semblait invulnérable. Deux séjours en Indochine, trois fois blessé, il avait traversé des périls sans commune mesure avec celui du 14 mai 1959. Un fell, mieux camouflé que les autres, eut pourtant raison de lui ce jour-là. Échappé par miracle à la fouille du terrain, il s'était caché dans un épais buisson. Quand la ligne de voltigeurs l'eut dépassé, il se redressa, aperçut un homme qui lui tournait le dos et donnait des ordres. Sans même prendre la peine d'épauler son fusil, il tira un seul coup de feu, presque à bout portant. Frappé à la nuque, l'homme s'écroula, mort. C'était Tasnady. Il avait trente-trois ans.
Brothier s'était levé. A travers la fenêtre de son bureau du premier étage, il regardait l’énorme boule d'onyx qui couronne le monument aux morts de la Légion. Les derniers rayons du soleil couchant s'accrochaient au globe et donnaient une teinte rougeâtre à l'or qui couvrait les pays où la Légion s'était battu depuis plus d'un siècle. « On dirait des taches de sang », songea le colonel. Il ne pouvait détacher ses regards de ces traces vermeilles. Elles semblaient grandir, aller jusqu'aux pieds des quatre légionnaires de bronze qui montaient la garde.
Vasko, Szuts, Tasnady... Les trois noms martelaient les tempes du colonel. Ils venaient en tête d'une longue colonne où figuraient des milliers d'autres noms, ceux de légionnaires qu'il avait vus mourir en silence depuis vingt ans, dont les sacrifices n'émouvaient pas les foules. Pour les avoir longtemps connus et commandés, Brothier savait trop ce que la Légion devait aux meilleurs d'entre eux, les sous-officiers. Ils en constituaient l'ossature. Ils connaissaient parfaitement leur métier et le faisaient avec une conscience professionnelle qui surprenait plus d'un sous-lieutenant issu de Saint-Cyr. Sortant de sa méditation, le colonel se dirigea vers son bureau. Une flamme illuminait ses traits. Il appela Busy-Debat :
« Vasko, Szuts, Tasnady... Vous comprenez? lui demanda Brothier dès qu'il fut entré. L'occasion nous est donnée de rendre hommage à travers eux à tous les sous-officiers. Il faut la saisir. Tous les trois symbolisent magnifiquement la nouvelle race d adjudants de Légion issue des guerres d'Indochine et d Algérie. Vous rendez-vous compte qu'ils sont hongrois tous les trois, engagés la même année et tués à quelques jours d'intervalle dans la même région d'Algérie ? »
Brothier s’était à nouveau levé, en proie à une exaltation dont il n’était pas coutumier. Il pensait à ces trois garçons qui vingt ans à la fin de la Seconde Guerre mondiale et qui s'étaient retrouvés au cœur de cette Europe en ruines, patrie, sans raison de vivre. Ils ne se connaissaient pas. Leur fraternité commença du jour où chacun refusa de subir son destin et de vivre dans un pays asservi. La Légion étrangère leur ouvrit ses rangs. Ils cherchaient un refuge, ils trouvèrent une famille. Au départ, rien ne les distinguait des autres légionnaires.
Peu à peu, ils se hissèrent au premier rang. Ils étaient des hommes de guerre. Des adjudants de moins de trente ans, était-ce concevable dans l'armée française ? Des adjudants ayant encore la grâce et les vertus de la jeunesse! Des combattants de race, des entraîneurs d'hommes, admirés par les jeunes officiers, écoutés par les chefs et vénérés de leurs légionnaires. Les maréchaux de la Légion étrangère ! Le colonel continua son monologue :
« Nous leur ferons des funérailles grandioses. Nous les enterrerons côte à côte. Ils auront tous les trois la rosette de la Légion d'honneur. Et nous mettrons toutes leurs décorations ensemble, dans un même cadre, au musée. »
Le vendredi 22 mai 1959, se déroula l’une des plus émouvantes cérémonies qu'ait connues la Légion. Escorté par une foule militaire et civile que précédaient seize adjudants-chefs et adjudants, tous décorés de la médaille militaire, Tasnady rejoignit ses deux frères hongrois à leur dernière demeure. Là, le colonel Brothier s'adressa une dernière fois aux trois hommes qui allaient être ensevelis dans la terre de Bel Abbès :
« Tasnady, pour t'accompagner au long du dernier morceau de chemin qui te reste à parcourir, il y a tes camarades du 1er régiment étranger de parachutistes et de Sidi-Bel-Abbès et les représentants de la 10e division parachutiste. Car chez eux aussi, on connaissait ton nom. Mais il y a aussi et surtout les deux grandes amitiés de Vasko et de Szuts qui t'ont précédé de si peu dans la mort. S'il me paraît inutile de citer vos campagnes, Extrême-Orient, Egypte, Afrique, j'aimerais tout de même qu'on sache qu'à vous trois vous totalisiez : 28 citations, 8 blessures, 3 médailles militaires à titre exceptionnel, 3 Légions d'honneur à titre exceptionnel. Et chacun d'entre vous avait à peine trente ans! Et puis-je rappeler pour toi, Tasnady, qu'au mois d'août 1957, tu avais été blessé à côté du colonel Jeanpierre?
« Tous trois qui avez tant combattu pour la France, vous êtes de la lignée de ces sous-officiers qui ont laissé un nom dans notre histoire : Blandan, le chasseur ; Bobillot, le colonial ; Mader, le légionnaire ; Sentenac, le parachutiste. Dans son musée de Bel-Abbés, la Légion étrangère perpétuera vos noms et gardera votre souvenir. »
Un officier commanda :
« Présentez... Armes! »
Puis l'air fut déchiré par deux notes lancinantes : le clairon sonnait Aux Morts.
…..
Quand les commandants de compagnie apprirent, quelques heures plus tard, qu'il y avait en dernière minute changement de programme, que l’attaque ne se ferait pas dans la direction prévue, la Kabylie, mais dans les monts du Hodna, ils furent émerveillés. Cette ruse ne prouvait-elle pas que le commandant en chef, déterminé, n'hésitait pas à bousculer les habitudes d'une armée qui n'aimait pas les improvisations ? Le travail de l'état-major de Challe avait été bien fait. On distribua de nouvelles cartes. Chacun apprit ce qu'il aurait à faire. Il ne restait plus qu'à prendre un peu de repos avant le nouveau départ, fixé à 4 h 30. Dans la nuit, toutes les autres unités des réserves générales furent détournées de la même façon. Au petit jour, le massif du Hodna était encerclé. L'opération « Étincelle » commençait. Elle dura douze jours. La moitié des rebelles implantés dans cette zone furent mis hors de combat. On apprit plus tard que le général Challe n'avait pas eu l'intention de tromper l'adversaire par une ruse. Il avait seulement voulu exploiter des renseignements de dernière minute. Mais le résultat restait le même : la souplesse d'une armée dépend essentiellement de ses chefs. Tous les services avaient suivi. On avait surmonté toutes les difficultés. Décidément, Challe était un bon général.
Les exécutants, à tous les échelons, commençaient à éprouver pour lui un sentiment plus fort que l'estime : presque de l'admiration.
Re: Le 1er REP et la seconde offensive Challe
charognard33 a écrit:merci Daniel
à ces 3 Hongrois.
oui tu a raison Laurent ici le lien vers leurs histoires : https://patrianostra.forum-actif.eu/caids-ou-marechaux-f51/les-adj-szuts-et-tasnady-et-l-adc-valko-t205.htm?highlight=%c2%ab+vasko+++szuts+++tasnady
Re: Le 1er REP et la seconde offensive Challe
merci Daniel je l'ai déjà lu surement sur ton ancien forum
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