La Légion Etrangère en Extrême-Orient (1939-1945)
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La Légion Etrangère en Extrême-Orient (1939-1945)
La Légion Etrangère en Indochine entre 1939 et 1945
En septembre 1939, le 5ème REI placé sous les ordres du lieutenant-colonel Cadoudal est mis sur pied de guerre. Ses bataillons stationnent à Tong, Dap Cau et Tuyen Quang, le chef de corps et son état major se trouvant à Vietri. A la mobilisation, le régiment reçoit 1.200 tirailleurs tonkinois ce qui porte ses effectifs à 3.200 hommes. Les Indochinois s'intègrent très bien et manifestent leur fierté de servir à la Légion Étrangère (1). L'un d'eux hospitalisé à Hanoï répond fièrement lorsqu'on lui demande sa religion : « Légion Étrangère ». Des moyens de transport automobiles et hippomobiles sont attribués à la formation, et une section de DCA est constituée dans chaque bataillon. Un détachement motorisé équipé à l'origine de motocyclettes et des side-cars est créé. Cette nouvelle unité va cantonner à Thaï Nguyen. La relève arrivant de Sidi Bel Abbès est surtout constituée d'Allemands, d'Autrichiens et d'Italiens ne pouvant servir sur le front français. Ces hommes parmi lesquels il y a aussi des Tchèques et des républicains espagnols ne sont pas tous volontaires pour servir en Extrême-Orient. Une centaine d'engagés volontaires pour la durée de la guerre résidant dans les concessions internationales de Chine arrivent également à Vietri. Russes ou Polonais souvent israélites, ils sont commandés par le lieutenant Prince Alexieff âgé d'une soixantaine d'années. L'encadrement est complété par les officiers de réserve et des sous-officiers déjà libérés et rappelés au service.
Très rapidement, le 5ème REI va entrer en action. En dépit des accords franco-japonais du 22 septembre 1940, la 5ème Division nippone du général Nakamura pénètre le même jour dans la province de Lang Son. Le II/5ème REI du chef de bataillon Marcelin se trouve dans le secteur. Le 23, l'unité tire sur des avions ennemis pendant que la section du lieutenant Paris est engagée à Loc Binh. Le II/5ème REI lance des reconnaissances et le 24 au soir la 1ère compagnie du capitaine de Cockborne intervient alors que l'adversaire menace Mai Pha. Le lendemain, le commandant Marcelin reçoit l'ordre de cesser le feu suivi de celui de déposer les armes. L'officier supérieur et tous ses subordonnés ne peuvent alors concevoir « qu'un bataillon de Légion au complet se rende sans avoir tiré un coup de fusil comme des moutons. Cela n'est jamais arrivé ». Afin d'éviter un massacre de la garnison de Lang Son captive, il s'incline tout en sollicitant une entrevue du colonel japonais Oka. Ce dernier promet que les hommes du II/5ème REI ne seront pas désarmés. Dans la nuit, le légionnaire W... se suicide après avoir déclaré « qu'il ne pouvait se rendre à l'ennemi ». Les Nippons, peu après, reniant leur engagement antérieur exigent que les étrangers déposent les armes le 26 septembre à 17 heures. Ils veulent en outre que les Allemands et les Autrichiens soient séparés de leurs camarades. Les officiers protestent arguant « qu'à la Légion Étrangère, il n'y a pas de nationaux mais des légionnaires ». En dépit de ces objections, le détachement des originaires du Reich est rassemblé puis placé d'autorité sous les ordres d'un sous-officier autrichien non volontaire pour remplir ce rôle. Le groupe est ensuite dirigé vers Nanning en Chine. Le chef de bataillon Marcelin refuse alors de quitter Lang Son sans les 119 étrangers enlevés par les Nippons. Menacé de sanglantes représailles envers ses hommes, il doit s'incliner et rejoindre Dap Cau avec le reliquat du bataillon. Le 5 octobre, sur ordre de l'Empereur du Japon, les légionnaires sont libérés ; ils retrouvent leur corps le 13 octobre.
Lors de l'évacuation de la province de Lang Son par les Nippons, des Annamites hostiles à la présence française et armés par l'envahisseur décident d'occuper la région. Le II/5ème REI et le Détachement Motorisé de la Légion (DML) du lieutenant Guillaume entrent dans la composition des troupes chargées de la réoccupation et de la pacification du secteur. En novembre 1940, le DML qui escorte monseigneur Hedde, évêque de Lang Son, tombe dans une embuscade près de That Khe et est dégagé par une compagnie du 9ème RIC. Le 29 novembre, la 6ème Compagnie du capitaine Komaroff sécurise la voie ferrée Lang Son-Dong Dang. Le lendemain, près de cette dernière ville, la 5ème Compagnie du capitaine Gaucher vient au secours du DML fortement accroché. Ensuite, le lieutenant Guillaume prend sa revanche en fixant le 13 décembre une colonne de révolutionnaires entre Dong Mo et Pho Binh Gia. Soutenus par les gardes indigènes de l'inspecteur de Pontich, les légionnaires causent de lourdes pertes à leurs adversaires. Le soir même, les survivants de la bande sont anéantis dans une embuscade tendue par les 6ème et 7ème Compagnies aux ordres du capitaine Lenoir. Le combat nocturne est très violent et précède une poursuite de douze jours qui extermine le reste des mutins et capture leur chef. Au cours de ces combats, 3 légionnaires sont tombés et d'autres ont été blessés. Le fanion du II/5ème REI est décoré de l'ordre du Dragon d'Annam. Ces succès venant après l'humiliation de Lang Son redonnent confiance aux légionnaires.
En novembre 1940, le III/5ème REI est envoyé en Cochinchine où sévit un mouvement insurrectionnel. Il assure la sécurité de Saigon. Au cours d'une opération de police effectuée près de My Tho, un sous-officier de la CA3 est tué. Au même moment, la menace thaïlandaise sur le Cambodge et le Laos impose le renforcement des troupes chargées de la défense des deux royaumes. Le I/5ème REI appartient alors au groupement J du colonel Jacomy, le colonel Cadoudal étant placé à la tête du groupement C. Le III/5ème REI rejoint Monkol Borey avec des charrettes à boeufs et des cyclopousses comme moyens de transport. Le 16 janvier, la formation prend part à une offensive dans la région de Phum Preav. Sous les ordres du chef de bataillon Belloc, elle affronte un ennemi doté d'artillerie, d'aviation et de blindés. Les légionnaires sont renforcés d'antiques auto-mitrailleuses White 1918 et Panhard 1928. Les étrangers s'accrochent au terrain et le canon de 25 servi par le légionnaire Muller détruit trois blindés adverses. Le lieutenant de Gros Peronnard et 29 légionnaires de la section de tête ont été tués au cours de ce sanglant affrontement. Le lendemain, le capitaine Chavildan de la 11ème Compagnie est mortellement atteint. Lors de cette brève campagne, les pertes du 5ème REI s'élèvent à 2 officiers et 33 étrangers tués. Le 3ème Bataillon du Régiment est cité à l'ordre de l'Armée et un document officiel affirme que « fidèle à ses nobles traditions, la Légion Étrangère a su accomplir jusqu'au bout sa mission de sacrifice ». Les tirailleurs tonkinois du 5ème REI se sont très bien comportés lors des hostilités.
Désormais, la Légion du Tonkin isolée de la maison mère de Sidi Bel Abbès ne peut plus compter que sur ses propres ressources. Les engagés venus de Chine en 1939 sont libérés, le lieutenant Alexieff demeurant au corps. A leur retour dans le Céleste Empire en 1941, ces démobilisés se plaignent dans le China Daily News des rigueurs excessives subies lors de leur séjour au 5ème REI. La noria légionnaire va s'arrêter fin 1941. Avant cette date, le sous-lieutenant Chenel quitte l'Algérie le 1er juin avec un ultime détachement de renfort de 83 soldats allemands. Il rejoint Dakar par voie de terre puis embarque sur le « Cap Padaran » ; après avoir fait escale à Madagascar et à La Réunion, le navire touche Saigon le 2 novembre suivant.
Dans le sens contraire, un groupe de militaires germaniques ayant opté pour le Reich voit son bateau arraisonné au large du Cap le 3 novembre 1941. Les Alliés dénoncent alors la facilité accordée à ces anciens du 5ème REI devenus leurs ennemis. Le 29 septembre 1941, le train Lao Kay-Hanoï est attaqué par des pirates qui tuent le capitaine légionnaire Du Hecquet. La même année, la 3ème Compagnie du I/5ème participe à une opération de police dans le Yen Thê.
En 1941, « le jeune et dynamique colonel d'Infanterie Coloniale Alessandri » vient commander le 5ème REI qui après la campagne contre la Thaïlande tient des garnisons de sûreté dans le delta tonkinois. Le stationnement est générateur de problèmes d'alcoolisme, de dettes, de maladies vénériennes et d'oisiveté dans les rangs des légionnaires. Le nouveau chef de corps s'efforce de remédier à ces carences par une vie militaire plus intense, des mutations entre garnisons et une pratique des sports accrue. Il désire combattre l'embourgeoisement de la troupe ; des gradés médiocres sont cassés ou rétrogradés car à la Légion Étrangère « les galons sont plus faufilés que cousus ». Un peloton à cheval est créé sans succès dans chaque bataillon car « la carrure des légionnaires vient à bout de chevaux qui ressemblent à des chèvres ». Bien que réunissant plusieurs années de séjour, les 250 sous-officiers et les 2 000 légionnaires du Tonkin demeurent toutefois une troupe fidèle, disciplinée et solide. Seule une tentative de sédition visant à s'emparer de la place de Dap Cau est fomentée par un caporal et un soldat étranger soudoyés par des agents nippons. Un groupe d'une centaine d'Allemands ou Autrichiens inquiète toutefois le commandement car ils demandent à rejoindre le Reich, ce qui est matériellement impossible. Ils sont regroupés à part et très mal vus de leurs camarades. Par ailleurs, une cellule communiste de 5 militaires à l'activité très discrète est constituée à Vietri en 1942. Deux ans plus tard, un de ses membres établit un contact avec un représentant du Parti Communiste Indochinois. Les tirailleurs tonkinois du 5ème REI sont par ailleurs satisfaits de leurs conditions de vie et ne posent aucun problème.
Cependant, les années passant, l'âge moyen des étrangers devient élevé et approche 40 ans, 80% étant arrivés dans la péninsule avant 1939. Ceux dont la santé est ébranlée par le climat ou des « excès de toutes sortes » sont dirigés vers Khan Kay au Laos tandis que les mauvais éléments sont versés à la Section de Discipline Régimentaire de Hagiang.
Au début de mars 1945, le 5ème REI aligne 55 officiers, 188 sous-officiers européens et 28 autochtones, 1.835 légionnaires et 2.829 tirailleurs. Son stationnement est le suivant :
- PC et état major à Vietri (lieutenant-colonel Belloc),
- I/5ème REI (capitaine Gaucher) à Kim Day près de Tong, 1 section détachée à Son La (lieutenant Chenel),
- II/5ème REI à Tong (capitaine de Cockborne). La 7ème Compagnie se trouve au Mont Bavi où elle héberge 7 aviateurs américains abattus. Ces pilotes « transformés en légionnaires » suivront le sort de l'unité.
- III/5ème REI (chef de bataillon Lenoir) à Tien Kien (2 kilomètres à l'Ouest de Vietri), 9ème Compagnie à Tho Son (capitaine Chaminadas).
- DML à Lang Son, en cours de transfert à la citadelle de Hanoï le 9 mars au soir. Les légionnaires arrivés à Hanoï sont sous les ordres du capitaine Fenautrigues et ceux demeurés à Lang Son obéissent au lieutenant Duronsoy.
- Section Spéciale de Discipline à Hagiang (adjudant-chef Sury).
- Détachement Sanitaire de Rapatriables à la Compagnie de Camp n°4 (capitaine Battestini) à Khan Kay (Laos) ; les légionnaires commandés par l'adjudant Scheiterer ont déjà participé à la récupération de parachutages venus des Indes.
- Section de DCA Oerlikon à Vinh (sergent Faussone).
- Élément de commandement du Camp de Tong (lieutenant-colonel Marcelin, capitaine Von Veyenberg, adjudant-chef Driech, caporal-chef Bergamasco et quelques légionnaires). Début mars, les élèves sortis de l'École Militaire de Tong sont affectés au 5ème REI. Parmi eux le sous-lieutenant Sylvain Tran van Minh futur général de l'Armée de la République du Sud Viêt Nam.
Le coup de force japonais du 9 mars surprend la Légion. Ainsi, à Tong, quelques heures avant l'offensive nippone, un sous-officier du III/4ème RTT rapporte au lieutenant-colonel Marcelin, commandant d'armes, que des patrouilles japonaises circulent autour du camp. L'officier supérieur demande « si l'on a été aimable avec elles » et ajoute « qu'il faut les amuser, les faire rire ». La suite des événements va infirmer cette attitude optimiste, l'ennemi attaquant entre 20 et 21 heures.
Plus ou moins alertées, les unités du régiment luttent héroïquement au cours de la nuit tragique :
- à Vietri, le lieutenant-colonel Belloc et le chef de bataillon Laroire sont exécutés dans une fosse à chaux.
- à Hagiang, l'adjudant-chef Sury et ses disciplinaires défendent toute la nuit le 1er étage du quartier de la Légion. La vaillante troupe ne se rend que sur l'injonction d'un officier d'Infanterie Coloniale. La plus grande partie des militaires est exécutée.
- à la citadelle de Hanoï, lorsque éclatent les premiers coups de feu, la fraction du DML arrivée la veille est encadrée par les adjudants Démon, Lacroix et Roman, le capitaine Fenautrigues étant en ville. Les légionnaires avec leurs auto-mitrailleuses Panhard Levassor 1928 et 2 autochars du Détachement Motorisé du Tonkin vont se sacrifier pour défendre les accès de la caserne Brière de l'Isle. Lorsque la résistance cesse, le lendemain à 17 heures, 30 hommes du DML ont été tués ou blessés. Plus heureux, le lieutenant Chenel du détachement de Son La en permission dans la capitale du Tonkin arrive à retrouver sa section après une course épique en cyclo-pousse, bicyclette puis depuis Tong en avion Potez 25.
A Lang Son, le reliquat du DML ayant à sa tête le sous-lieutenant Duronsoy participe à la défense de la citadelle. Le 10 mars, à 7 heures 30, les légionnaires accompagnent avec leurs vieux chars Renault FT 17 une contre-attaque désespérée de la 21ème Compagnie du 3ème RTT. Au cours de celle-ci, qui échoue, 4 hommes du DML sont tués. Capturés à 15 heures, les étrangers avec leur jeune chef sont conduits sur le glacis du fort Brière de l'Isle et exécutés à la mitrailleuse. Avant de mourir, tous chantent « La Marseillaise », l'hymne étant repris par les tirailleurs tonkinois présents figés dans un impeccable garde à vous.
A Vinh, dès 22 heures 45, le 9 mars, les 15 hommes du sergent Faussone font pleuvoir avec leurs deux canons de 20 m/m une grêle d'obus sur les assaillants qui dans un premier temps reculent. Le lendemain, à 6 heures, un coup au but détruit une pièce en tuant tous les servants. Leurs camarades à bout de munitions et encerclés tombent alors aux mains de l'ennemi.
D'autres formations tentent de ne pas perdre leur liberté de manoeuvre devant l'adversaire. La 7ème Compagnie du capitaine Courant quitte le Mont Bavi pour rejoindre son bataillon. Elle doit livrer un violent combat où 12 légionnaires sont tués et 11 blessés. Le 10 au matin, le III/5ème REI réussit à se frayer au corps à corps un passage à travers les rangs ennemis. Réduit à 150 hommes, il traverse le Fleuve Rouge le soir même. La Compagnie de Camp n°4 quitte le 14 mars Khan Kay pour rejoindre la colonne du chef de bataillon Mayer qui partie de Vientiane bat en retraite vers le nord.
Dès le 11 mars, le général Alessandri réorganise son dispositif. Entre autres unités, son Groupement Ouest Fleuve Rouge dit aussi Groupement de l'Indochine Libre aligne les I/5ème REI (340 hommes), II/5ème REI (300 hommes) et III/5ème REI (150 hommes). La section détachée à Son La rejoint la colonne qui est parvenue dans cette ville le 16 mars.
Auparavant, le 13 mars, les chefs de bataillon prennent la décision de libérer les tirailleurs tonkinois qu'ils ne peuvent plus nourrir. Seuls quelques spécialistes restent, ainsi que « certains Autochtones réfractaires à l'idée de quitter leurs chefs ». Les licenciés reçoivent un certificat de démobilisation. Jusque là, les Asiatiques ont fait tout leur devoir, certains se faisant remarquer par leur bravoure au combat. Ainsi, lors de l'engagement de Cam Day, le tirailleur Le Van Qui « a fait l'admiration des légionnaires avant d'être tué sur son arme automatique ». Lors du même affrontement, le tirailleur Luu Van Tat connaît le même sort en allant remplacer un tireur à la mitrailleuse mortellement atteint. Le sergent Pham Van Vinh, sous-officier d'un groupe franc, est grièvement blessé à Tien Kien Phuc le 22 avril 1945. Ce gradé, bien que libéré, rejoint volontairement une unité de guérilla qui, après avoir harcelé l'ennemi durant sept semaines, est anéantie en se défendant jusqu'à la dernière cartouche. Ces trois Indochinois ont été plus tard cités à l'ordre de l'Armée. En 1946, le chef de bataillon Laforgue du 5ème REI écrit des tirailleurs du régiment : « Ils ont été très fidèles ». Le capitaine Chaminadas de la même unité déclare : « Aucune différence entre les légionnaires et les tirailleurs tonkinois, ces derniers étant parfaitement amalgamés. Ils se considèrent comme des légionnaires à part entière et sont traités comme tels. Ce sont d'excellents combattants au même titre que les soldats étrangers ».
Ensuite, lors de ce que l'on nomme la retraite des 10.000 vers le territoire chinois, le 5ème REI écrit une belle page de l'histoire de la Légion. Il fait honneur à sa fière devise « A coeur vaillant rien d'impossible ». Déguenillés, eux, naguère si fiers de leurs impeccables uniformes, sans chaussures, peu ou pas ravitaillés, ne bénéficiant d'aucun appui aérien, les étrangers marchent durant 800 kilomètres. Leur long parcours est ponctué de durs combats ; souvent placés à l'arrière-garde, ils se sacrifient souvent pour permettre à la colonne de continuer. Ainsi, le 20 mars, au kilomètre 141 de la RP 41, la 3ème Compagnie du capitaine Aspirot renforcée par la section du lieutenant Chenel se bat toute la journée. Fanatisés, les Nippons se ruent à l'assaut des positions françaises bombardées par leur artillerie. Les trois autres unités du 175ème REI luttent à hauteur de Ban Nan Cha pour retarder l'ennemi.
Le lendemain, le II/5ème REI arrive à Son La après une marche de 350 kilomètres accomplie en douze jours avec l'adversaire sur les talons. Ces légionnaires harassés sont engagés dès le 22 mars en tant que « troupes fraîches ». La 6ème Compagnie du capitaine Komaroff défend ainsi opiniâtrement le pont de Ban Lot. Quelques jours plus tard, le légionnaire Lorette, ancien combattant de la guerre 1914-1918, est mortellement atteint.
Le 1er avril 1945, au col des Méos, le capitaine Komaroff tombe à la tête de son unité en accomplissant un coup de main sur une position ennemie en cours d'installation. Le caporal Fanelli est tué en voulant récupérer le corps de son chef. La mort de ce dernier, très aimé dans le régiment, provoque un début de panique. Le capitaine de Cockborne s'apercevant de ce reflux saute sur son cheval et ramène les légionnaires au combat. Le soir, le corps du capitaine Komaroff porté par quatre de ses hommes passe devant le bataillon rassemblé qui lui rend les honneurs. L'adjudant Hardouvalis capturé le 27 mars, sa section qui tenait un piton ayant été submergée par les fantassins japonais, est exécuté le ler avril. Sur injonction de ses gardiens, il doit creuser un trou légèrement inférieur à sa taille et y entrer. Les Japonais lui fracassent ensuite la tête à coup de sabre. Durant ce temps, les légionnaires capturés sont rassemblés dans les pires conditions au camp de Hoa Binh. Là, ils doivent accomplir des travaux épuisants, peu nourris et sans soins médicaux. Fort heureusement, quelques con gai fidèles réussissent à leur faire passer des vivres et des médicaments.
De la fin du mois de mars au début de mai, les hommes du 5ème REI combattent avec acharnement, livrant des combats retardateurs sans renfort ni appui. Continuellement sur la brèche, les légionnaires sont à bout de forces, le ravitaillement n'étant pas assuré, les blessés et malades devant parfois être laissés sur place.
Pourtant, héroïquement, le 5ème REI fait face. Le 11 avril la 10ème Compagnie du capitaine Damez-Fontaine est disloquée et quatre jours plus tard les autres unités du 3ème Bataillon, soit au total 75 hommes, sont violemment attaquées à Muong Khoua. Ces formations sous les ordres du commandant Lenoir doivent ensuite retraiter poursuivies par l'ennemi. Le régiment livre un dernier combat sur la terre indochinoise le 1er mai à Mali Tao. Au cours de celui-ci, le légionnaire Nocke commet le seul refus d'obéissance de sa carrière ; grièvement blessé et gisant au milieu de la piste, il répond au capitaine de Cockborne qui lui ordonne de se mettre à l'abri : « Je ne peux pas, mon capitaine, j'ai une balle dans le dos ». Ensuite, il rend son dernier souffle près de son chef, atteint lui-même quelques instants plus tard.
Ayant passé la frontière chinoise les 1er et 2 mai 1945, les légionnaires doivent encore longuement marcher pour rejoindre Sze Mao Ting puis Tsao Pa, à une vingtaine de jours de marche. En butte à l'hostilité de la population, ignorés des missions américaines auprès du général Tchang Kaï Chek, les étrangers sont hébergés dans des camps misérables. Ils y sont rejoints peu à peu par des rescapés d'Indochine. Ainsi, le caporal-chef Swoboda, blessé et capturé le 16 avril, avait été exécuté de six coups de pistolet ; une Laotienne l'avait sauvé, d'autres villageois le conduisent à Tsao Pa. L'adjudant Scheiterer et 5 légionnaires partis de Khan Khay le 14 mars arrivent à retrouver le 5ème REI le 14 juillet. Il en est de même, le 3 juillet, de la compagnie Damez-Fontaine isolée depuis le 11 avril.
A l'issue de 54 jours de combat, le 5ème REI déplore 63 tués, 108 blessés et 109 disparus sur 800 hommes ayant franchi la Rivière Noire le 10 mars.
Le 1er juillet 1945, un bataillon de marche du 5ème REI est formé en Chine sous les ordres du chef de bataillon Gaucher. Il quitte Tsao Pa le 8 février 1946 et séjourne ensuite dans le Haut Tonkin jusqu'en juillet de la même année. Ayant pour chef de corps le commandant d'Infanterie Coloniale Dumaine, la glorieuse formation est dissoute à Saigon en novembre 1946. Elle renaîtra au Tonkin en novembre 1949.
Dans son ouvrage intitulé The Foreign Légion, l'historien britannique Donald Porch écrit : « L'Indochine a été la garnison la plus populaire de la Légion Étrangère et en définitive son calvaire ». De nos jours, à la maison mère du Corps à Aubagne, un monument aux morts de la Légion ramené en 1962 de Sidi Bel Abbès est installé sur la Voie Sacrée. A chaque angle de son socle figure un type de combattant des fameuses batailles livrées par la Légion. L'un d'eux est un soldat étranger de la campagne du Tonkin. Hommage mérité rendu aux soldats d'élite qui durant 72 ans se sont illustrés en Indochine.
(1) Jusqu'en 1939, les Indochinois résidant en métropole ont eu la faculté de s'engager à la Légion Étrangère. Ils n'ont été que 10 à le faire. Toutefois, lors de la parution de la circulaire réglementant ces enrôlements, la presse locale s'élève violemment contre une mesure qui permet à des indigènes de jouir des mêmes droits que les Européens. Un Cochinchinois, Nguyen Van Loi dit Kone Nicolas, incorporé en 1915, a combattu au RMLE et au Maroc. De même, un décret du 1er avril 1923 permet aux Eurasiens domiciliés dans la péninsule de s'engager dans les corps étrangers basés au Tonkin. Cette disposition est vigoureusement combattue par les journaux de Hanoï et Saigon qui voudraient que ces jeunes gens rejoignent un RTT ou le RTA.
Colonel Maurice RIVES
En septembre 1939, le 5ème REI placé sous les ordres du lieutenant-colonel Cadoudal est mis sur pied de guerre. Ses bataillons stationnent à Tong, Dap Cau et Tuyen Quang, le chef de corps et son état major se trouvant à Vietri. A la mobilisation, le régiment reçoit 1.200 tirailleurs tonkinois ce qui porte ses effectifs à 3.200 hommes. Les Indochinois s'intègrent très bien et manifestent leur fierté de servir à la Légion Étrangère (1). L'un d'eux hospitalisé à Hanoï répond fièrement lorsqu'on lui demande sa religion : « Légion Étrangère ». Des moyens de transport automobiles et hippomobiles sont attribués à la formation, et une section de DCA est constituée dans chaque bataillon. Un détachement motorisé équipé à l'origine de motocyclettes et des side-cars est créé. Cette nouvelle unité va cantonner à Thaï Nguyen. La relève arrivant de Sidi Bel Abbès est surtout constituée d'Allemands, d'Autrichiens et d'Italiens ne pouvant servir sur le front français. Ces hommes parmi lesquels il y a aussi des Tchèques et des républicains espagnols ne sont pas tous volontaires pour servir en Extrême-Orient. Une centaine d'engagés volontaires pour la durée de la guerre résidant dans les concessions internationales de Chine arrivent également à Vietri. Russes ou Polonais souvent israélites, ils sont commandés par le lieutenant Prince Alexieff âgé d'une soixantaine d'années. L'encadrement est complété par les officiers de réserve et des sous-officiers déjà libérés et rappelés au service.
Très rapidement, le 5ème REI va entrer en action. En dépit des accords franco-japonais du 22 septembre 1940, la 5ème Division nippone du général Nakamura pénètre le même jour dans la province de Lang Son. Le II/5ème REI du chef de bataillon Marcelin se trouve dans le secteur. Le 23, l'unité tire sur des avions ennemis pendant que la section du lieutenant Paris est engagée à Loc Binh. Le II/5ème REI lance des reconnaissances et le 24 au soir la 1ère compagnie du capitaine de Cockborne intervient alors que l'adversaire menace Mai Pha. Le lendemain, le commandant Marcelin reçoit l'ordre de cesser le feu suivi de celui de déposer les armes. L'officier supérieur et tous ses subordonnés ne peuvent alors concevoir « qu'un bataillon de Légion au complet se rende sans avoir tiré un coup de fusil comme des moutons. Cela n'est jamais arrivé ». Afin d'éviter un massacre de la garnison de Lang Son captive, il s'incline tout en sollicitant une entrevue du colonel japonais Oka. Ce dernier promet que les hommes du II/5ème REI ne seront pas désarmés. Dans la nuit, le légionnaire W... se suicide après avoir déclaré « qu'il ne pouvait se rendre à l'ennemi ». Les Nippons, peu après, reniant leur engagement antérieur exigent que les étrangers déposent les armes le 26 septembre à 17 heures. Ils veulent en outre que les Allemands et les Autrichiens soient séparés de leurs camarades. Les officiers protestent arguant « qu'à la Légion Étrangère, il n'y a pas de nationaux mais des légionnaires ». En dépit de ces objections, le détachement des originaires du Reich est rassemblé puis placé d'autorité sous les ordres d'un sous-officier autrichien non volontaire pour remplir ce rôle. Le groupe est ensuite dirigé vers Nanning en Chine. Le chef de bataillon Marcelin refuse alors de quitter Lang Son sans les 119 étrangers enlevés par les Nippons. Menacé de sanglantes représailles envers ses hommes, il doit s'incliner et rejoindre Dap Cau avec le reliquat du bataillon. Le 5 octobre, sur ordre de l'Empereur du Japon, les légionnaires sont libérés ; ils retrouvent leur corps le 13 octobre.
Lors de l'évacuation de la province de Lang Son par les Nippons, des Annamites hostiles à la présence française et armés par l'envahisseur décident d'occuper la région. Le II/5ème REI et le Détachement Motorisé de la Légion (DML) du lieutenant Guillaume entrent dans la composition des troupes chargées de la réoccupation et de la pacification du secteur. En novembre 1940, le DML qui escorte monseigneur Hedde, évêque de Lang Son, tombe dans une embuscade près de That Khe et est dégagé par une compagnie du 9ème RIC. Le 29 novembre, la 6ème Compagnie du capitaine Komaroff sécurise la voie ferrée Lang Son-Dong Dang. Le lendemain, près de cette dernière ville, la 5ème Compagnie du capitaine Gaucher vient au secours du DML fortement accroché. Ensuite, le lieutenant Guillaume prend sa revanche en fixant le 13 décembre une colonne de révolutionnaires entre Dong Mo et Pho Binh Gia. Soutenus par les gardes indigènes de l'inspecteur de Pontich, les légionnaires causent de lourdes pertes à leurs adversaires. Le soir même, les survivants de la bande sont anéantis dans une embuscade tendue par les 6ème et 7ème Compagnies aux ordres du capitaine Lenoir. Le combat nocturne est très violent et précède une poursuite de douze jours qui extermine le reste des mutins et capture leur chef. Au cours de ces combats, 3 légionnaires sont tombés et d'autres ont été blessés. Le fanion du II/5ème REI est décoré de l'ordre du Dragon d'Annam. Ces succès venant après l'humiliation de Lang Son redonnent confiance aux légionnaires.
En novembre 1940, le III/5ème REI est envoyé en Cochinchine où sévit un mouvement insurrectionnel. Il assure la sécurité de Saigon. Au cours d'une opération de police effectuée près de My Tho, un sous-officier de la CA3 est tué. Au même moment, la menace thaïlandaise sur le Cambodge et le Laos impose le renforcement des troupes chargées de la défense des deux royaumes. Le I/5ème REI appartient alors au groupement J du colonel Jacomy, le colonel Cadoudal étant placé à la tête du groupement C. Le III/5ème REI rejoint Monkol Borey avec des charrettes à boeufs et des cyclopousses comme moyens de transport. Le 16 janvier, la formation prend part à une offensive dans la région de Phum Preav. Sous les ordres du chef de bataillon Belloc, elle affronte un ennemi doté d'artillerie, d'aviation et de blindés. Les légionnaires sont renforcés d'antiques auto-mitrailleuses White 1918 et Panhard 1928. Les étrangers s'accrochent au terrain et le canon de 25 servi par le légionnaire Muller détruit trois blindés adverses. Le lieutenant de Gros Peronnard et 29 légionnaires de la section de tête ont été tués au cours de ce sanglant affrontement. Le lendemain, le capitaine Chavildan de la 11ème Compagnie est mortellement atteint. Lors de cette brève campagne, les pertes du 5ème REI s'élèvent à 2 officiers et 33 étrangers tués. Le 3ème Bataillon du Régiment est cité à l'ordre de l'Armée et un document officiel affirme que « fidèle à ses nobles traditions, la Légion Étrangère a su accomplir jusqu'au bout sa mission de sacrifice ». Les tirailleurs tonkinois du 5ème REI se sont très bien comportés lors des hostilités.
Désormais, la Légion du Tonkin isolée de la maison mère de Sidi Bel Abbès ne peut plus compter que sur ses propres ressources. Les engagés venus de Chine en 1939 sont libérés, le lieutenant Alexieff demeurant au corps. A leur retour dans le Céleste Empire en 1941, ces démobilisés se plaignent dans le China Daily News des rigueurs excessives subies lors de leur séjour au 5ème REI. La noria légionnaire va s'arrêter fin 1941. Avant cette date, le sous-lieutenant Chenel quitte l'Algérie le 1er juin avec un ultime détachement de renfort de 83 soldats allemands. Il rejoint Dakar par voie de terre puis embarque sur le « Cap Padaran » ; après avoir fait escale à Madagascar et à La Réunion, le navire touche Saigon le 2 novembre suivant.
Dans le sens contraire, un groupe de militaires germaniques ayant opté pour le Reich voit son bateau arraisonné au large du Cap le 3 novembre 1941. Les Alliés dénoncent alors la facilité accordée à ces anciens du 5ème REI devenus leurs ennemis. Le 29 septembre 1941, le train Lao Kay-Hanoï est attaqué par des pirates qui tuent le capitaine légionnaire Du Hecquet. La même année, la 3ème Compagnie du I/5ème participe à une opération de police dans le Yen Thê.
En 1941, « le jeune et dynamique colonel d'Infanterie Coloniale Alessandri » vient commander le 5ème REI qui après la campagne contre la Thaïlande tient des garnisons de sûreté dans le delta tonkinois. Le stationnement est générateur de problèmes d'alcoolisme, de dettes, de maladies vénériennes et d'oisiveté dans les rangs des légionnaires. Le nouveau chef de corps s'efforce de remédier à ces carences par une vie militaire plus intense, des mutations entre garnisons et une pratique des sports accrue. Il désire combattre l'embourgeoisement de la troupe ; des gradés médiocres sont cassés ou rétrogradés car à la Légion Étrangère « les galons sont plus faufilés que cousus ». Un peloton à cheval est créé sans succès dans chaque bataillon car « la carrure des légionnaires vient à bout de chevaux qui ressemblent à des chèvres ». Bien que réunissant plusieurs années de séjour, les 250 sous-officiers et les 2 000 légionnaires du Tonkin demeurent toutefois une troupe fidèle, disciplinée et solide. Seule une tentative de sédition visant à s'emparer de la place de Dap Cau est fomentée par un caporal et un soldat étranger soudoyés par des agents nippons. Un groupe d'une centaine d'Allemands ou Autrichiens inquiète toutefois le commandement car ils demandent à rejoindre le Reich, ce qui est matériellement impossible. Ils sont regroupés à part et très mal vus de leurs camarades. Par ailleurs, une cellule communiste de 5 militaires à l'activité très discrète est constituée à Vietri en 1942. Deux ans plus tard, un de ses membres établit un contact avec un représentant du Parti Communiste Indochinois. Les tirailleurs tonkinois du 5ème REI sont par ailleurs satisfaits de leurs conditions de vie et ne posent aucun problème.
Cependant, les années passant, l'âge moyen des étrangers devient élevé et approche 40 ans, 80% étant arrivés dans la péninsule avant 1939. Ceux dont la santé est ébranlée par le climat ou des « excès de toutes sortes » sont dirigés vers Khan Kay au Laos tandis que les mauvais éléments sont versés à la Section de Discipline Régimentaire de Hagiang.
Au début de mars 1945, le 5ème REI aligne 55 officiers, 188 sous-officiers européens et 28 autochtones, 1.835 légionnaires et 2.829 tirailleurs. Son stationnement est le suivant :
- PC et état major à Vietri (lieutenant-colonel Belloc),
- I/5ème REI (capitaine Gaucher) à Kim Day près de Tong, 1 section détachée à Son La (lieutenant Chenel),
- II/5ème REI à Tong (capitaine de Cockborne). La 7ème Compagnie se trouve au Mont Bavi où elle héberge 7 aviateurs américains abattus. Ces pilotes « transformés en légionnaires » suivront le sort de l'unité.
- III/5ème REI (chef de bataillon Lenoir) à Tien Kien (2 kilomètres à l'Ouest de Vietri), 9ème Compagnie à Tho Son (capitaine Chaminadas).
- DML à Lang Son, en cours de transfert à la citadelle de Hanoï le 9 mars au soir. Les légionnaires arrivés à Hanoï sont sous les ordres du capitaine Fenautrigues et ceux demeurés à Lang Son obéissent au lieutenant Duronsoy.
- Section Spéciale de Discipline à Hagiang (adjudant-chef Sury).
- Détachement Sanitaire de Rapatriables à la Compagnie de Camp n°4 (capitaine Battestini) à Khan Kay (Laos) ; les légionnaires commandés par l'adjudant Scheiterer ont déjà participé à la récupération de parachutages venus des Indes.
- Section de DCA Oerlikon à Vinh (sergent Faussone).
- Élément de commandement du Camp de Tong (lieutenant-colonel Marcelin, capitaine Von Veyenberg, adjudant-chef Driech, caporal-chef Bergamasco et quelques légionnaires). Début mars, les élèves sortis de l'École Militaire de Tong sont affectés au 5ème REI. Parmi eux le sous-lieutenant Sylvain Tran van Minh futur général de l'Armée de la République du Sud Viêt Nam.
Le coup de force japonais du 9 mars surprend la Légion. Ainsi, à Tong, quelques heures avant l'offensive nippone, un sous-officier du III/4ème RTT rapporte au lieutenant-colonel Marcelin, commandant d'armes, que des patrouilles japonaises circulent autour du camp. L'officier supérieur demande « si l'on a été aimable avec elles » et ajoute « qu'il faut les amuser, les faire rire ». La suite des événements va infirmer cette attitude optimiste, l'ennemi attaquant entre 20 et 21 heures.
Plus ou moins alertées, les unités du régiment luttent héroïquement au cours de la nuit tragique :
- à Vietri, le lieutenant-colonel Belloc et le chef de bataillon Laroire sont exécutés dans une fosse à chaux.
- à Hagiang, l'adjudant-chef Sury et ses disciplinaires défendent toute la nuit le 1er étage du quartier de la Légion. La vaillante troupe ne se rend que sur l'injonction d'un officier d'Infanterie Coloniale. La plus grande partie des militaires est exécutée.
- à la citadelle de Hanoï, lorsque éclatent les premiers coups de feu, la fraction du DML arrivée la veille est encadrée par les adjudants Démon, Lacroix et Roman, le capitaine Fenautrigues étant en ville. Les légionnaires avec leurs auto-mitrailleuses Panhard Levassor 1928 et 2 autochars du Détachement Motorisé du Tonkin vont se sacrifier pour défendre les accès de la caserne Brière de l'Isle. Lorsque la résistance cesse, le lendemain à 17 heures, 30 hommes du DML ont été tués ou blessés. Plus heureux, le lieutenant Chenel du détachement de Son La en permission dans la capitale du Tonkin arrive à retrouver sa section après une course épique en cyclo-pousse, bicyclette puis depuis Tong en avion Potez 25.
A Lang Son, le reliquat du DML ayant à sa tête le sous-lieutenant Duronsoy participe à la défense de la citadelle. Le 10 mars, à 7 heures 30, les légionnaires accompagnent avec leurs vieux chars Renault FT 17 une contre-attaque désespérée de la 21ème Compagnie du 3ème RTT. Au cours de celle-ci, qui échoue, 4 hommes du DML sont tués. Capturés à 15 heures, les étrangers avec leur jeune chef sont conduits sur le glacis du fort Brière de l'Isle et exécutés à la mitrailleuse. Avant de mourir, tous chantent « La Marseillaise », l'hymne étant repris par les tirailleurs tonkinois présents figés dans un impeccable garde à vous.
A Vinh, dès 22 heures 45, le 9 mars, les 15 hommes du sergent Faussone font pleuvoir avec leurs deux canons de 20 m/m une grêle d'obus sur les assaillants qui dans un premier temps reculent. Le lendemain, à 6 heures, un coup au but détruit une pièce en tuant tous les servants. Leurs camarades à bout de munitions et encerclés tombent alors aux mains de l'ennemi.
D'autres formations tentent de ne pas perdre leur liberté de manoeuvre devant l'adversaire. La 7ème Compagnie du capitaine Courant quitte le Mont Bavi pour rejoindre son bataillon. Elle doit livrer un violent combat où 12 légionnaires sont tués et 11 blessés. Le 10 au matin, le III/5ème REI réussit à se frayer au corps à corps un passage à travers les rangs ennemis. Réduit à 150 hommes, il traverse le Fleuve Rouge le soir même. La Compagnie de Camp n°4 quitte le 14 mars Khan Kay pour rejoindre la colonne du chef de bataillon Mayer qui partie de Vientiane bat en retraite vers le nord.
Dès le 11 mars, le général Alessandri réorganise son dispositif. Entre autres unités, son Groupement Ouest Fleuve Rouge dit aussi Groupement de l'Indochine Libre aligne les I/5ème REI (340 hommes), II/5ème REI (300 hommes) et III/5ème REI (150 hommes). La section détachée à Son La rejoint la colonne qui est parvenue dans cette ville le 16 mars.
Auparavant, le 13 mars, les chefs de bataillon prennent la décision de libérer les tirailleurs tonkinois qu'ils ne peuvent plus nourrir. Seuls quelques spécialistes restent, ainsi que « certains Autochtones réfractaires à l'idée de quitter leurs chefs ». Les licenciés reçoivent un certificat de démobilisation. Jusque là, les Asiatiques ont fait tout leur devoir, certains se faisant remarquer par leur bravoure au combat. Ainsi, lors de l'engagement de Cam Day, le tirailleur Le Van Qui « a fait l'admiration des légionnaires avant d'être tué sur son arme automatique ». Lors du même affrontement, le tirailleur Luu Van Tat connaît le même sort en allant remplacer un tireur à la mitrailleuse mortellement atteint. Le sergent Pham Van Vinh, sous-officier d'un groupe franc, est grièvement blessé à Tien Kien Phuc le 22 avril 1945. Ce gradé, bien que libéré, rejoint volontairement une unité de guérilla qui, après avoir harcelé l'ennemi durant sept semaines, est anéantie en se défendant jusqu'à la dernière cartouche. Ces trois Indochinois ont été plus tard cités à l'ordre de l'Armée. En 1946, le chef de bataillon Laforgue du 5ème REI écrit des tirailleurs du régiment : « Ils ont été très fidèles ». Le capitaine Chaminadas de la même unité déclare : « Aucune différence entre les légionnaires et les tirailleurs tonkinois, ces derniers étant parfaitement amalgamés. Ils se considèrent comme des légionnaires à part entière et sont traités comme tels. Ce sont d'excellents combattants au même titre que les soldats étrangers ».
Ensuite, lors de ce que l'on nomme la retraite des 10.000 vers le territoire chinois, le 5ème REI écrit une belle page de l'histoire de la Légion. Il fait honneur à sa fière devise « A coeur vaillant rien d'impossible ». Déguenillés, eux, naguère si fiers de leurs impeccables uniformes, sans chaussures, peu ou pas ravitaillés, ne bénéficiant d'aucun appui aérien, les étrangers marchent durant 800 kilomètres. Leur long parcours est ponctué de durs combats ; souvent placés à l'arrière-garde, ils se sacrifient souvent pour permettre à la colonne de continuer. Ainsi, le 20 mars, au kilomètre 141 de la RP 41, la 3ème Compagnie du capitaine Aspirot renforcée par la section du lieutenant Chenel se bat toute la journée. Fanatisés, les Nippons se ruent à l'assaut des positions françaises bombardées par leur artillerie. Les trois autres unités du 175ème REI luttent à hauteur de Ban Nan Cha pour retarder l'ennemi.
Le lendemain, le II/5ème REI arrive à Son La après une marche de 350 kilomètres accomplie en douze jours avec l'adversaire sur les talons. Ces légionnaires harassés sont engagés dès le 22 mars en tant que « troupes fraîches ». La 6ème Compagnie du capitaine Komaroff défend ainsi opiniâtrement le pont de Ban Lot. Quelques jours plus tard, le légionnaire Lorette, ancien combattant de la guerre 1914-1918, est mortellement atteint.
Le 1er avril 1945, au col des Méos, le capitaine Komaroff tombe à la tête de son unité en accomplissant un coup de main sur une position ennemie en cours d'installation. Le caporal Fanelli est tué en voulant récupérer le corps de son chef. La mort de ce dernier, très aimé dans le régiment, provoque un début de panique. Le capitaine de Cockborne s'apercevant de ce reflux saute sur son cheval et ramène les légionnaires au combat. Le soir, le corps du capitaine Komaroff porté par quatre de ses hommes passe devant le bataillon rassemblé qui lui rend les honneurs. L'adjudant Hardouvalis capturé le 27 mars, sa section qui tenait un piton ayant été submergée par les fantassins japonais, est exécuté le ler avril. Sur injonction de ses gardiens, il doit creuser un trou légèrement inférieur à sa taille et y entrer. Les Japonais lui fracassent ensuite la tête à coup de sabre. Durant ce temps, les légionnaires capturés sont rassemblés dans les pires conditions au camp de Hoa Binh. Là, ils doivent accomplir des travaux épuisants, peu nourris et sans soins médicaux. Fort heureusement, quelques con gai fidèles réussissent à leur faire passer des vivres et des médicaments.
De la fin du mois de mars au début de mai, les hommes du 5ème REI combattent avec acharnement, livrant des combats retardateurs sans renfort ni appui. Continuellement sur la brèche, les légionnaires sont à bout de forces, le ravitaillement n'étant pas assuré, les blessés et malades devant parfois être laissés sur place.
Pourtant, héroïquement, le 5ème REI fait face. Le 11 avril la 10ème Compagnie du capitaine Damez-Fontaine est disloquée et quatre jours plus tard les autres unités du 3ème Bataillon, soit au total 75 hommes, sont violemment attaquées à Muong Khoua. Ces formations sous les ordres du commandant Lenoir doivent ensuite retraiter poursuivies par l'ennemi. Le régiment livre un dernier combat sur la terre indochinoise le 1er mai à Mali Tao. Au cours de celui-ci, le légionnaire Nocke commet le seul refus d'obéissance de sa carrière ; grièvement blessé et gisant au milieu de la piste, il répond au capitaine de Cockborne qui lui ordonne de se mettre à l'abri : « Je ne peux pas, mon capitaine, j'ai une balle dans le dos ». Ensuite, il rend son dernier souffle près de son chef, atteint lui-même quelques instants plus tard.
Ayant passé la frontière chinoise les 1er et 2 mai 1945, les légionnaires doivent encore longuement marcher pour rejoindre Sze Mao Ting puis Tsao Pa, à une vingtaine de jours de marche. En butte à l'hostilité de la population, ignorés des missions américaines auprès du général Tchang Kaï Chek, les étrangers sont hébergés dans des camps misérables. Ils y sont rejoints peu à peu par des rescapés d'Indochine. Ainsi, le caporal-chef Swoboda, blessé et capturé le 16 avril, avait été exécuté de six coups de pistolet ; une Laotienne l'avait sauvé, d'autres villageois le conduisent à Tsao Pa. L'adjudant Scheiterer et 5 légionnaires partis de Khan Khay le 14 mars arrivent à retrouver le 5ème REI le 14 juillet. Il en est de même, le 3 juillet, de la compagnie Damez-Fontaine isolée depuis le 11 avril.
A l'issue de 54 jours de combat, le 5ème REI déplore 63 tués, 108 blessés et 109 disparus sur 800 hommes ayant franchi la Rivière Noire le 10 mars.
Le 1er juillet 1945, un bataillon de marche du 5ème REI est formé en Chine sous les ordres du chef de bataillon Gaucher. Il quitte Tsao Pa le 8 février 1946 et séjourne ensuite dans le Haut Tonkin jusqu'en juillet de la même année. Ayant pour chef de corps le commandant d'Infanterie Coloniale Dumaine, la glorieuse formation est dissoute à Saigon en novembre 1946. Elle renaîtra au Tonkin en novembre 1949.
Dans son ouvrage intitulé The Foreign Légion, l'historien britannique Donald Porch écrit : « L'Indochine a été la garnison la plus populaire de la Légion Étrangère et en définitive son calvaire ». De nos jours, à la maison mère du Corps à Aubagne, un monument aux morts de la Légion ramené en 1962 de Sidi Bel Abbès est installé sur la Voie Sacrée. A chaque angle de son socle figure un type de combattant des fameuses batailles livrées par la Légion. L'un d'eux est un soldat étranger de la campagne du Tonkin. Hommage mérité rendu aux soldats d'élite qui durant 72 ans se sont illustrés en Indochine.
(1) Jusqu'en 1939, les Indochinois résidant en métropole ont eu la faculté de s'engager à la Légion Étrangère. Ils n'ont été que 10 à le faire. Toutefois, lors de la parution de la circulaire réglementant ces enrôlements, la presse locale s'élève violemment contre une mesure qui permet à des indigènes de jouir des mêmes droits que les Européens. Un Cochinchinois, Nguyen Van Loi dit Kone Nicolas, incorporé en 1915, a combattu au RMLE et au Maroc. De même, un décret du 1er avril 1923 permet aux Eurasiens domiciliés dans la péninsule de s'engager dans les corps étrangers basés au Tonkin. Cette disposition est vigoureusement combattue par les journaux de Hanoï et Saigon qui voudraient que ces jeunes gens rejoignent un RTT ou le RTA.
Colonel Maurice RIVES
Re: La Légion Etrangère en Extrême-Orient (1939-1945)
merci Daniel
mais je comprend pas en mars 45!!!!!!
putain ils etaient ou les alliées pour filerun coup de mains
encore un coup tordu
mais je comprend pas en mars 45!!!!!!
putain ils etaient ou les alliées pour filerun coup de mains
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olivier- Admin
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Age : 58
Re: La Légion Etrangère en Extrême-Orient (1939-1945)
J'ai lu , j'ai Bu !!!!!! j'en tombe sur le "CUL"
Merci DANY !!!!
Merci DANY !!!!
Invité- Invité
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