Capitaine Erwan Bergot
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Capitaine Erwan Bergot
Erwan Bergot (1930-1993) est un écrivain français et un ancien officier parachutiste.
Né de parents bretons, Erwan Bergot fait de brillantes études chez les Jésuite avant d'obtenir une licence en faculté de lettres. Son tempérament le pousse cependant vers le monde militaire et en 1951, après son service militaire comme aspirant au 11e Bataillon de Choc, il part pour l'Indochine où il sert au 6e Bataillon de Parachutistes Coloniaux de Bigeard, puis il passe à la tête de la compagnie de mortiers lourds du 1er BEP à Diên Biên Phu. Il est fait prisonnier et connaîtra l'enfer des camps d'internement viets. En 1955, il est rappelé pour servir en Algérie au sein du 2e REP et du 11e Choc, et il est grièvement blessé à l'œil droit lors d'un accrochage dans le Constantinois en 1961 et quitte définitivement le combat armé pour se tourner vers l'écriture et le journalisme.
En 1962, il devient le premier rédacteur en chef du magazine de l'armée de Terre, et écrit son premier roman en 1964 Deuxième classe à Diên Biên Phu qui remporte un succès immédiat. Il se consacre par la suite entièrement à l'écriture. Il écrira une cinquantaine d'ouvrages consacrés à ses frères d'arme. Historien, romancier, il saura recréer des ambiances fortes, des dialogues vrais dont il écrit qu'il rend " (...) hommage à tous les obscurs, les sans-grades, ceux qui n'ont jamais leur mot à dire dans l'histoire (...) ".
Écrivain récompensé par de nombreux prix littéraires dont le prix de l'Académie française et le prix Claude Farrère, commandeur de la Légion d'honneur à titre militaire, honoré par dix titres de guerre (trois blessures et sept citations à la Croix de guerre des TOE et à la Croix de la Valeur militaire), Erwan Bergot aura excellé comme soldat et comme romancier.
L'armée de Terre décerne tous les ans le prix Erwan Bergot à un ouvrage destiné à récompenser une œuvre grand public, écrite en langue française, célébrant un exemple d'engagement au service de la France et de ses valeurs essentielles. Le Prix Littéraire Erwan Bergot affirme ainsi la reconnaissance d'un état d'esprit commun à la société et à l'Armée de terre : solidarité, dévouement, dépassement de soi, courage, adaptation.
Libéré avec ses camarades rescapés de ces camps de la mort, à la suite des accords de Genève, Erwan Bergot devient, au fil des années, un historien majeur de la guerre d'Indochine. Il raconte non seulement la bataille de Diên Biên Phû, mais celle de Dong Khé, écrit un Bataillon Bigeard, avant de rédiger une imposante biographie du célèbre colonel, lequel plus tard, au cours d'une autre guerre bientôt en Algérie, va défrayer la chronique avec ses hommes en tenue léopard. Les livres succèdent aux livres, les documents aux documents.
Bergot peu à peu s'impose et devient un auteur incontournable. Il faudra attendre 1986 pour qu'il se décide enfin à rédiger l'histoire du calvaire subi par les soldats du camp retranché, emmenés prisonniers par les Viets. Depuis des années déjà, des anciens d'Indochine, des passionnés d'histoire, lui demandent d'écrire l'histoire des camps. Tous savent qu'il n'y eut qu'une poignée de survivants, que nombreux sont ceux, parmi les rescapés, qui meurent des suites tardives de leur incarcération. Il importe que les vivants témoignent du martyre de ceux qui périrent dans des conditions atroces et que le récit de leurs tortures puissent subsister afin d'être un jour reconnu au grand tribunal de l'Histoire.
Erwan Bergot sait mieux que quiconque l'importance du témoignage. Il entend bien ces propos mais se dérobe. Il sait qu'écrire un tel livre équivaut à réouvrir bien des plaies qui ne sont pas cicatrisées. Il sait aussi que lui, comme ses camarades, ont été à jamais atteints par un véritable cancer. Après avoir ravagé le corps, celui-ci ronge l'âme. Il y a des souvenirs dont on ne peut jamais se débarrasser.
Il attendra 1986 pour se faire à l'idée qu'il doit réaliser ce livre, même si cela lui coûte beaucoup. Par respect pour certains, par pudeur aussi, Erwan Bergot refuse d'écrire ses mémoires. Il évite même de faire un récit qui serait une collection de témoignages. Il préfère rassembler toute cette matière afin de raconter l'histoire d'un convoi exemplaire. Il écrit ainsi le « roman » hallucinant de cette plongée dans l'enfer. On n'invente pas l'horreur et il faut dire que l'auteur reste toujours en deça. Il refuse de souligner par des effets trop faciles, l'infamie, le crime, la monstruosité de ces camps. L'un de ses personnages dresse le bilan. « En moins de quatre mois, il y eut, constate-t-il, trois cent vingt-cinq morts sur un total de quatre cents prisonniers. C'est de l'efficacité ou je ne m'y connais pas ! Même les Allemands au mieux de leur forme ne sont pas arrivés à pareil score dans leurs camps d'extermination ... »
Nous pouvons ajouter, pour en avoir été personnellement les témoins, que Bergot redoutait le silence qui entourerait son livre lors de sa parution. Il ne se trompait pas. Publié en septembre 1986, son ouvrage ne troublait pas la chronique. Les grands chantres des Droits de l'Homme, les observateurs si attentifs du respect de leur application en un pays plus ou moins barbare comme l'Amérique du Sud, par exemple, ne jugèrent pas bon de consacrer leurs illustres chroniques à ces massacres. Dans les salles de rédaction de célèbres hebdomadaires de la presse de gauche, certains journalistes expliquaient gravement qu'un tel livre pouvait nuire à l'image de la révolution vietnamienne. Quelques-uns même prétendaient trouver là une manoeuvre d'un thuriféraire du colonialisme visant à discréditer les enfants d'Hô Chi Minh. Puisse la triste affaire Boudarel inciter à la lecture de ce livre implacable, où l'horreur des camps est décrite au quotidien, dans sa triste banalité. Un ouvrage inoubliable.
Presses de la Cité.
Commandeur de la Légion d'honneur
Croix de guerre des TOE avec 4 citations (2 palmes et 2 étoiles) au titre de l'Indochine
Croix de la Valeur militaire avec 3 citations (1 palme et 2 étoiles) au titre de l'Algérie
Croix de Combattant Volontaire, agrafe "Indochine"
Croix du Combattant
Médaille coloniale, agrafe "Extrême-Orient"
Médaille commémorative de la campagne d'Indochine
Médaille commémorative d'Afrique du Nord, agrafe "Algérie"
Croix de la Vaillance Vietnamienne avec étoile de bronze
Insigne des Blessés avec 2 étoiles
Né de parents bretons, Erwan Bergot fait de brillantes études chez les Jésuite avant d'obtenir une licence en faculté de lettres. Son tempérament le pousse cependant vers le monde militaire et en 1951, après son service militaire comme aspirant au 11e Bataillon de Choc, il part pour l'Indochine où il sert au 6e Bataillon de Parachutistes Coloniaux de Bigeard, puis il passe à la tête de la compagnie de mortiers lourds du 1er BEP à Diên Biên Phu. Il est fait prisonnier et connaîtra l'enfer des camps d'internement viets. En 1955, il est rappelé pour servir en Algérie au sein du 2e REP et du 11e Choc, et il est grièvement blessé à l'œil droit lors d'un accrochage dans le Constantinois en 1961 et quitte définitivement le combat armé pour se tourner vers l'écriture et le journalisme.
En 1962, il devient le premier rédacteur en chef du magazine de l'armée de Terre, et écrit son premier roman en 1964 Deuxième classe à Diên Biên Phu qui remporte un succès immédiat. Il se consacre par la suite entièrement à l'écriture. Il écrira une cinquantaine d'ouvrages consacrés à ses frères d'arme. Historien, romancier, il saura recréer des ambiances fortes, des dialogues vrais dont il écrit qu'il rend " (...) hommage à tous les obscurs, les sans-grades, ceux qui n'ont jamais leur mot à dire dans l'histoire (...) ".
Écrivain récompensé par de nombreux prix littéraires dont le prix de l'Académie française et le prix Claude Farrère, commandeur de la Légion d'honneur à titre militaire, honoré par dix titres de guerre (trois blessures et sept citations à la Croix de guerre des TOE et à la Croix de la Valeur militaire), Erwan Bergot aura excellé comme soldat et comme romancier.
L'armée de Terre décerne tous les ans le prix Erwan Bergot à un ouvrage destiné à récompenser une œuvre grand public, écrite en langue française, célébrant un exemple d'engagement au service de la France et de ses valeurs essentielles. Le Prix Littéraire Erwan Bergot affirme ainsi la reconnaissance d'un état d'esprit commun à la société et à l'Armée de terre : solidarité, dévouement, dépassement de soi, courage, adaptation.
Libéré avec ses camarades rescapés de ces camps de la mort, à la suite des accords de Genève, Erwan Bergot devient, au fil des années, un historien majeur de la guerre d'Indochine. Il raconte non seulement la bataille de Diên Biên Phû, mais celle de Dong Khé, écrit un Bataillon Bigeard, avant de rédiger une imposante biographie du célèbre colonel, lequel plus tard, au cours d'une autre guerre bientôt en Algérie, va défrayer la chronique avec ses hommes en tenue léopard. Les livres succèdent aux livres, les documents aux documents.
Bergot peu à peu s'impose et devient un auteur incontournable. Il faudra attendre 1986 pour qu'il se décide enfin à rédiger l'histoire du calvaire subi par les soldats du camp retranché, emmenés prisonniers par les Viets. Depuis des années déjà, des anciens d'Indochine, des passionnés d'histoire, lui demandent d'écrire l'histoire des camps. Tous savent qu'il n'y eut qu'une poignée de survivants, que nombreux sont ceux, parmi les rescapés, qui meurent des suites tardives de leur incarcération. Il importe que les vivants témoignent du martyre de ceux qui périrent dans des conditions atroces et que le récit de leurs tortures puissent subsister afin d'être un jour reconnu au grand tribunal de l'Histoire.
Erwan Bergot sait mieux que quiconque l'importance du témoignage. Il entend bien ces propos mais se dérobe. Il sait qu'écrire un tel livre équivaut à réouvrir bien des plaies qui ne sont pas cicatrisées. Il sait aussi que lui, comme ses camarades, ont été à jamais atteints par un véritable cancer. Après avoir ravagé le corps, celui-ci ronge l'âme. Il y a des souvenirs dont on ne peut jamais se débarrasser.
Il attendra 1986 pour se faire à l'idée qu'il doit réaliser ce livre, même si cela lui coûte beaucoup. Par respect pour certains, par pudeur aussi, Erwan Bergot refuse d'écrire ses mémoires. Il évite même de faire un récit qui serait une collection de témoignages. Il préfère rassembler toute cette matière afin de raconter l'histoire d'un convoi exemplaire. Il écrit ainsi le « roman » hallucinant de cette plongée dans l'enfer. On n'invente pas l'horreur et il faut dire que l'auteur reste toujours en deça. Il refuse de souligner par des effets trop faciles, l'infamie, le crime, la monstruosité de ces camps. L'un de ses personnages dresse le bilan. « En moins de quatre mois, il y eut, constate-t-il, trois cent vingt-cinq morts sur un total de quatre cents prisonniers. C'est de l'efficacité ou je ne m'y connais pas ! Même les Allemands au mieux de leur forme ne sont pas arrivés à pareil score dans leurs camps d'extermination ... »
Nous pouvons ajouter, pour en avoir été personnellement les témoins, que Bergot redoutait le silence qui entourerait son livre lors de sa parution. Il ne se trompait pas. Publié en septembre 1986, son ouvrage ne troublait pas la chronique. Les grands chantres des Droits de l'Homme, les observateurs si attentifs du respect de leur application en un pays plus ou moins barbare comme l'Amérique du Sud, par exemple, ne jugèrent pas bon de consacrer leurs illustres chroniques à ces massacres. Dans les salles de rédaction de célèbres hebdomadaires de la presse de gauche, certains journalistes expliquaient gravement qu'un tel livre pouvait nuire à l'image de la révolution vietnamienne. Quelques-uns même prétendaient trouver là une manoeuvre d'un thuriféraire du colonialisme visant à discréditer les enfants d'Hô Chi Minh. Puisse la triste affaire Boudarel inciter à la lecture de ce livre implacable, où l'horreur des camps est décrite au quotidien, dans sa triste banalité. Un ouvrage inoubliable.
Presses de la Cité.
Commandeur de la Légion d'honneur
Croix de guerre des TOE avec 4 citations (2 palmes et 2 étoiles) au titre de l'Indochine
Croix de la Valeur militaire avec 3 citations (1 palme et 2 étoiles) au titre de l'Algérie
Croix de Combattant Volontaire, agrafe "Indochine"
Croix du Combattant
Médaille coloniale, agrafe "Extrême-Orient"
Médaille commémorative de la campagne d'Indochine
Médaille commémorative d'Afrique du Nord, agrafe "Algérie"
Croix de la Vaillance Vietnamienne avec étoile de bronze
Insigne des Blessés avec 2 étoiles
Re: Capitaine Erwan Bergot
L'après Libre Journal
Les Provinciales
Erwan Bergot, ou notre Indochine
par Anne Bernet
(22 mai 1993)
C’est en 1992 que la Ve République s’est soudain souvenue que l’Indochine avait été française. Elle le fit comme elle fait toute chose : à grand bruit et grand fracas médiatique. Pour effacer l’agonie de nos soldats à Diên Biên Phû, et les grimaces satisfaites du camarade Boudarel, traître à sa patrie et tortionnaire de ses compatriotes.
La République plaqua là-dessus le sourire glacial de Catherine Deneuve et Mitterrand partit en voyage officiel au Viêt-Nam.
Avant les flons-flons et le cinéma, certains, déjà, se souvenaient, témoignaient de la somme des sacrifices consentis et parlaient pour les héros morts dans un combat perdu. Si la jeune génération sait et honore l’oeuvre de la France et la gloire de ses armes en Indochine, c’est d’abord à Erwan Bergot qu’elle le doit.
Erwan Bergot est mort au Val-de-Grâce dans la nuit du 1er mai. L’actualité lui aura même volé sa part d’hommages posthumes. En avait-il vraiment besoin pour que nous nous souvenions de lui ? Ses livres nous restent. Au même titre que le combat, l’écriture peut être un engagement et la plume, parfois, prendre honorablement le relais de l’épée.
Lorsqu’après une blessure reçue en Algérie et qui l’a laissé aveugle de longs mois, Erwan Bergot doit renoncer au service actif, il ne se croit pas autorisé, à trente-trois ans, à s’installer dans une retraite douillette et prématurée. La guerre qu’il ne peut plus mener sur le terrain, il la fera en livrant le combat des mots et de la fidélité dans une époque avachie, prête à tous les renoncements et qui a oublié jusqu’au sens du mot honneur.
Dès lors, il ne cessera plus d’écrire, publiant une quarantaine d’ouvrages historiques ou romanesques, à la fois soldat et écrivain.Une unité d’élite pour un homme d’honneur
Mais, comment en était-il arrivé là ?
Bergot était un Breton de Bordeaux, où il était né le 27 janvier 1930. Ses solides études classiques, son goût pour l’histoire et les lettres l’acheminaient doucement mais sûrement vers l’enseignement. Le destin vous joue parfois les tours les plus singuliers.
Appelé sous les drapeaux, incorporé dans les parachutistes, le jeune homme se prenait de passion subite et décisive pour le métier des armes. Sorti aspirant de son stage à Saint-Maixent, choisissant de servir au 11e bataillon de choc, une unité d’élite, il se portait, comme la plupart de ses camarades, volontaire pour l’Indochine.
C’était en 1951. Commençait, sans qu’il le sache, une histoire d’amour-passion à laquelle il vouerait désormais sa vie.La gloire, le désespoir, l’horreur et l’héroïsme...
Il était venu pour se battre ; il fit le nécessaire pour y arriver. Ainsi se retrouva-t-il, en 1954, dans ce camp retranché dont le nom entrerait bientôt dans la légende : Diên Biên Phû.
Il y a des images et des souvenirs qui ne s’exorcisent pas ; la bataille et la chute de Diên Biên Phû, le sort réservé aux prisonniers, les camps du Viêtminh hanteront Bergot, nourriront son oeuvre de leur gloire, de leur désespoir, de leur horreur et de leur héroïsme.
En 1963, certains polémiquent sur les responsabilités respectives des généraux dans l’anéantissement final. Bergot, lui, se souvient. Jeune officier dans la compagnie de mortiers lourds parachutistes, rattaché au 1er BEP, sous le feu continuel de l’artillerie ennemie, se souciait-il des querelles d’état-major ? Et quand le silence, plus terrible encore que le fracas de la bataille, s’était abattu sur le camp, à 17 heures, le 7 mai 1954, à quoi songeaient-ils, les survivants ? A aucun de ces débats sordides qui réjouissaient maintenant les salons parisiens...
Vivre, survivre, lutter et mourir. C’était cela, et cela seulement, Diên Biên Phû. Et Bergot avait résolu de le dire.
Ainsi naquit son premier livre, "2e Classe à Diên Biên Phû". Récit romancé, dont il disait, lors d’une récente réédition aux Presses de la Cité qu’il était « un devoir de fidélité vis-à-vis de ses soldats ».
Il n’est pas tout à fait faux de prétendre que rien ne ressemble à un récit de guerre comme un autre récit de guerre, et cela, quelle que soit l’époque, quel que soit le camp du narrateur. On s’en lasse pourtant rarement. La raison en est simple : comme les histoires d’amour qui se ressemblent toutes, les histoires de guerre touchent aussi à l’essentiel, aux questions les plus fondamentales, que l’humanité, tant qu’elle existera, ne pourra se dispenser de poser, en n’y trouvant jamais que des réponses partielles.
Mais, poser la question du sacrifice, délibérément consenti, de l’attitude de l’homme face à la mort risquée, provoquée, recherchée, la question du courage, en un temps qui choisissait l’hédonisme, la tranquillité et l’abandon systématique, c’était se résigner à n’écrire que pour les meilleurs. Bergot l’avait accepté.Ses héros : des êtres de chair et de sang
Ses héros ne prenaient pas la pose devant la postérité ; ils ne jouaient pas un rôle ; ils étaient eux-mêmes, simplement. Ils avaient peur, et ils avaient mal. A certains, il arrivait parfois de défaillir, pas de faillir. Ils n’étaient pas des créatures littéraires, des monstres de papier aux sentiments fabriqués ; ils étaient des êtres de chair et de sang, qui pleuraient, qui tombaient, qui mouraient.
Sous les pseudonymes des romans, dans "2e classe à Diên Biên Phû" ou dans "Convoi 42", le plus grand, le plus dur et le plus beau des livres de Bergot, il y avait eu des visages réels, des garçons qu’il avait connus. Et c’était sa façon à lui de s’insurger contre l’inutilité absurde de leur mort que de les ramener à la vie, le temps d’un livre.L’ennemi :la machine communiste à broyer les coeurs et les corps
Certains tempéraments sortent des épreuves brisés ou aigris. Bergot appartenait à une autre espèce : celle qui en sort épurée, parvenue à une espèce de sérénité qui ne s’étonne plus de rien si elle reste capable encore de s’indigner. Et cette sérénité le préservait de la haine et de la rancoeur.
Plus d’un seraient revenus de l’enfer des camps définitivement dressés contre l’Indochine et les Indochinois, Pas Bergot, qui leur garda sa tendresse et sa nostalgie. L’ennemi, c’était la machine communiste à broyer les coeurs et les corps ; non les peuples qu’elle avait asservis. L’Indochine restait victime, martyre et non bourreau. Cette terre qu’il avait défendue contre la dictature marxiste, il continuait à l’aimer, Elle était sa nostalgie.
Ayant dit les combats livrés pour elle, il eut l’ambition de décrire ses splendeurs, son peuple, ses moeurs, ses coutumes et l’aventure de ceux qui partirent à la conquête à la fin du siècle passé.
De l’histoire militaire, du roman guerrier, vouloir passer à un genre différent, à la saga, n’était pas une petite ambition. L’échec était à craindre ; ce fut le succès qui vint, quant parut la trilogie de "Sud lointain".Une justesse dans les sentiments
Cette somme romanesque englobait tous les aspects de la présence française en Indochine. Epargnant les clichés pour cartes postales, les exotismes faciles, le clinquant et la pacotille de bazar oriental, Bergot trouvait les mots justes, qui évoquaient des images fabuleuses, des rêves immenses, des déchirures, des espoirs fracassés. Tant de justesse dans les sentiments, dans le style, dans le ton, qu’ils transportaient le lecteur.
Hommage au passé, monument aux morts, certes, que l’oeuvre de Bergot, mais surtout promesse d’avenir, croyance au renouveau, certitude que les sacrifices, si vains qu’ils aient pu et puissent encore paraître, porteraient, tôt ou tard, leurs fruits.
Ces fruits, Erwan Bergot ne les verra pas ici-bas.
Il a perdu sa dernière bataille, qu’il avait livrée jusqu’au bout, contre le cancer. Ses livres nous restent. Et c’est à ceux qui les aimèrent, qui continueront de les aimer, qu’il appartient de veiller à ce que les moissons soient dignes des laboureurs et des semeurs.Les oeuvres d’Erwan Bergot sont publiées aux Presses de La Cité.
Texte publié dans Le Libre Journal n°4.
Les Provinciales
Erwan Bergot, ou notre Indochine
par Anne Bernet
(22 mai 1993)
C’est en 1992 que la Ve République s’est soudain souvenue que l’Indochine avait été française. Elle le fit comme elle fait toute chose : à grand bruit et grand fracas médiatique. Pour effacer l’agonie de nos soldats à Diên Biên Phû, et les grimaces satisfaites du camarade Boudarel, traître à sa patrie et tortionnaire de ses compatriotes.
La République plaqua là-dessus le sourire glacial de Catherine Deneuve et Mitterrand partit en voyage officiel au Viêt-Nam.
Avant les flons-flons et le cinéma, certains, déjà, se souvenaient, témoignaient de la somme des sacrifices consentis et parlaient pour les héros morts dans un combat perdu. Si la jeune génération sait et honore l’oeuvre de la France et la gloire de ses armes en Indochine, c’est d’abord à Erwan Bergot qu’elle le doit.
Erwan Bergot est mort au Val-de-Grâce dans la nuit du 1er mai. L’actualité lui aura même volé sa part d’hommages posthumes. En avait-il vraiment besoin pour que nous nous souvenions de lui ? Ses livres nous restent. Au même titre que le combat, l’écriture peut être un engagement et la plume, parfois, prendre honorablement le relais de l’épée.
Lorsqu’après une blessure reçue en Algérie et qui l’a laissé aveugle de longs mois, Erwan Bergot doit renoncer au service actif, il ne se croit pas autorisé, à trente-trois ans, à s’installer dans une retraite douillette et prématurée. La guerre qu’il ne peut plus mener sur le terrain, il la fera en livrant le combat des mots et de la fidélité dans une époque avachie, prête à tous les renoncements et qui a oublié jusqu’au sens du mot honneur.
Dès lors, il ne cessera plus d’écrire, publiant une quarantaine d’ouvrages historiques ou romanesques, à la fois soldat et écrivain.Une unité d’élite pour un homme d’honneur
Mais, comment en était-il arrivé là ?
Bergot était un Breton de Bordeaux, où il était né le 27 janvier 1930. Ses solides études classiques, son goût pour l’histoire et les lettres l’acheminaient doucement mais sûrement vers l’enseignement. Le destin vous joue parfois les tours les plus singuliers.
Appelé sous les drapeaux, incorporé dans les parachutistes, le jeune homme se prenait de passion subite et décisive pour le métier des armes. Sorti aspirant de son stage à Saint-Maixent, choisissant de servir au 11e bataillon de choc, une unité d’élite, il se portait, comme la plupart de ses camarades, volontaire pour l’Indochine.
C’était en 1951. Commençait, sans qu’il le sache, une histoire d’amour-passion à laquelle il vouerait désormais sa vie.La gloire, le désespoir, l’horreur et l’héroïsme...
Il était venu pour se battre ; il fit le nécessaire pour y arriver. Ainsi se retrouva-t-il, en 1954, dans ce camp retranché dont le nom entrerait bientôt dans la légende : Diên Biên Phû.
Il y a des images et des souvenirs qui ne s’exorcisent pas ; la bataille et la chute de Diên Biên Phû, le sort réservé aux prisonniers, les camps du Viêtminh hanteront Bergot, nourriront son oeuvre de leur gloire, de leur désespoir, de leur horreur et de leur héroïsme.
En 1963, certains polémiquent sur les responsabilités respectives des généraux dans l’anéantissement final. Bergot, lui, se souvient. Jeune officier dans la compagnie de mortiers lourds parachutistes, rattaché au 1er BEP, sous le feu continuel de l’artillerie ennemie, se souciait-il des querelles d’état-major ? Et quand le silence, plus terrible encore que le fracas de la bataille, s’était abattu sur le camp, à 17 heures, le 7 mai 1954, à quoi songeaient-ils, les survivants ? A aucun de ces débats sordides qui réjouissaient maintenant les salons parisiens...
Vivre, survivre, lutter et mourir. C’était cela, et cela seulement, Diên Biên Phû. Et Bergot avait résolu de le dire.
Ainsi naquit son premier livre, "2e Classe à Diên Biên Phû". Récit romancé, dont il disait, lors d’une récente réédition aux Presses de la Cité qu’il était « un devoir de fidélité vis-à-vis de ses soldats ».
Il n’est pas tout à fait faux de prétendre que rien ne ressemble à un récit de guerre comme un autre récit de guerre, et cela, quelle que soit l’époque, quel que soit le camp du narrateur. On s’en lasse pourtant rarement. La raison en est simple : comme les histoires d’amour qui se ressemblent toutes, les histoires de guerre touchent aussi à l’essentiel, aux questions les plus fondamentales, que l’humanité, tant qu’elle existera, ne pourra se dispenser de poser, en n’y trouvant jamais que des réponses partielles.
Mais, poser la question du sacrifice, délibérément consenti, de l’attitude de l’homme face à la mort risquée, provoquée, recherchée, la question du courage, en un temps qui choisissait l’hédonisme, la tranquillité et l’abandon systématique, c’était se résigner à n’écrire que pour les meilleurs. Bergot l’avait accepté.Ses héros : des êtres de chair et de sang
Ses héros ne prenaient pas la pose devant la postérité ; ils ne jouaient pas un rôle ; ils étaient eux-mêmes, simplement. Ils avaient peur, et ils avaient mal. A certains, il arrivait parfois de défaillir, pas de faillir. Ils n’étaient pas des créatures littéraires, des monstres de papier aux sentiments fabriqués ; ils étaient des êtres de chair et de sang, qui pleuraient, qui tombaient, qui mouraient.
Sous les pseudonymes des romans, dans "2e classe à Diên Biên Phû" ou dans "Convoi 42", le plus grand, le plus dur et le plus beau des livres de Bergot, il y avait eu des visages réels, des garçons qu’il avait connus. Et c’était sa façon à lui de s’insurger contre l’inutilité absurde de leur mort que de les ramener à la vie, le temps d’un livre.L’ennemi :la machine communiste à broyer les coeurs et les corps
Certains tempéraments sortent des épreuves brisés ou aigris. Bergot appartenait à une autre espèce : celle qui en sort épurée, parvenue à une espèce de sérénité qui ne s’étonne plus de rien si elle reste capable encore de s’indigner. Et cette sérénité le préservait de la haine et de la rancoeur.
Plus d’un seraient revenus de l’enfer des camps définitivement dressés contre l’Indochine et les Indochinois, Pas Bergot, qui leur garda sa tendresse et sa nostalgie. L’ennemi, c’était la machine communiste à broyer les coeurs et les corps ; non les peuples qu’elle avait asservis. L’Indochine restait victime, martyre et non bourreau. Cette terre qu’il avait défendue contre la dictature marxiste, il continuait à l’aimer, Elle était sa nostalgie.
Ayant dit les combats livrés pour elle, il eut l’ambition de décrire ses splendeurs, son peuple, ses moeurs, ses coutumes et l’aventure de ceux qui partirent à la conquête à la fin du siècle passé.
De l’histoire militaire, du roman guerrier, vouloir passer à un genre différent, à la saga, n’était pas une petite ambition. L’échec était à craindre ; ce fut le succès qui vint, quant parut la trilogie de "Sud lointain".Une justesse dans les sentiments
Cette somme romanesque englobait tous les aspects de la présence française en Indochine. Epargnant les clichés pour cartes postales, les exotismes faciles, le clinquant et la pacotille de bazar oriental, Bergot trouvait les mots justes, qui évoquaient des images fabuleuses, des rêves immenses, des déchirures, des espoirs fracassés. Tant de justesse dans les sentiments, dans le style, dans le ton, qu’ils transportaient le lecteur.
Hommage au passé, monument aux morts, certes, que l’oeuvre de Bergot, mais surtout promesse d’avenir, croyance au renouveau, certitude que les sacrifices, si vains qu’ils aient pu et puissent encore paraître, porteraient, tôt ou tard, leurs fruits.
Ces fruits, Erwan Bergot ne les verra pas ici-bas.
Il a perdu sa dernière bataille, qu’il avait livrée jusqu’au bout, contre le cancer. Ses livres nous restent. Et c’est à ceux qui les aimèrent, qui continueront de les aimer, qu’il appartient de veiller à ce que les moissons soient dignes des laboureurs et des semeurs.Les oeuvres d’Erwan Bergot sont publiées aux Presses de La Cité.
Texte publié dans Le Libre Journal n°4.
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