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le G.I.L.E. : de Sidi-Bel-Abbès à Corté

2 participants

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le G.I.L.E. : de Sidi-Bel-Abbès à Corté  Empty le G.I.L.E. : de Sidi-Bel-Abbès à Corté

Message par Invité Mer 30 Jan - 15:41




le G.I.L.E. : de Sidi-Bel-Abbès à Corté -

Sidi-Bel-Abbès. Le « grand quartier », le Quartier Viénot, avec ses bâtiments immenses, sévères, imposants, la Voie Sacrée, le Monument aux Morts et la terreur du service général : l’Adjudant-Chef « fil de fer » qui faisait peur.

Traditions Légion et style armée de colonisation en garnison. Les servitudes, les corvées, les taulards, le mélange de libérables avec le transits des convalescents, les odeurs de cuir, de graisse rance, l’inspection de la garde, la cérémonie des couleurs, la Police Militaire…

Au moment des couleurs, l'avenue principale était bloquée par la P.M.. Les civils, arabes ou non, devaient quitter leurs véhicules, faire
face au drapeau et se mettre au garde a vous.

En face, de l'autre côté de l'avenue se situait le « petit quartier », Quartier Amilakvari, qui abritait principalement le G.I.L.E. – Groupement d’Instruction de la Légion Etrangère – et qui était un petit paradis par rapport au Quartier Viénot. Des bâtiments en rez-de-chaussée, des îlots de verdure, des fleurs, une allée de palmiers, des oliviers séparaient les différentes compagnies :

· la C.C.S. – Compagnie de Commandement et des Services
· la C.I.C. – Compagnie d’Instruction des Cadres
· la C.P. – Compagnie de Passage – n° 3 des Engagés Volontaires
· l’E.I.A. – Escadron d’Instruction Automobiles
· l'E.I.A.B. – Escadron d’Instruction de l’Arme Blindée
· et la C.I.T.C. - Compagnie d'Instruction des Transmissions et des Comptables

La C.I.T.C., où j’étais affecté, se situait entre l'ordinaire, le service auto et la salle des sports. Les trans, les dactylos, les comptables et le commandement avaient leur bâtiment. On lézardait sur les terrasses le jour et on y prenait le frais le soir.

J’étais le radio du Capitaine Guitard, un « cadre blanc », détaché de l'Arme des Transmissions, un homme rondouillard avec des lunettes, très humain, qui avait du mal à prendre les attitudes et le charisme des officiers Légion. Son adjoint était le Lieutenant Ordinaire, mon chef de section l'Adjudant Hirmann, les sous- officiers Wessel, Gaggio, Swartz, Weiss, Elwers, mon chef de chambre le Caporal Skender

J’étais logé au magasin trans et j'assumais aussi les vacations de la station radio. Une planque avec douche, sanitaires, coin cuisine. C’était mon petit empire avec des meubles, couvre-lit et rideaux. Avec deux copains allemands, nous étions parmi les privilégiés, exempts de corvées
et de rassemblement, étant susceptibles d’être en service, donc disposant d’une certaine liberté et d’autonomie.

Depuis la déclaration sur l'autodétermination du 8 janvier 1962, ça sentait le roussi. Nous savions que l'Algérie allait être abandonnée, notre petit paradis de Sidi-Bel-Abbès aussi. Où allions-nous partir ? Des bruits couraient, peut-être en Corse, à Nîmes, à Valdahon (dans le Doubs), à Orange, à Verdun, ou à Aubagne (ah, ils avaient trouvé un lieu avec un nom pareil !!!). Pourquoi pas en Putembourg.... on essayait de deviner notre destination.

Un regain de violence secouait la ville. Attentats, plastiquages, mitraillages, actes inutiles pour cause perdue. Attentat - répression en désespoir des choses et des causes. Un groupe de terroristes fut anéanti près de la piscine à coups de canon de 75 des EBR - Engins Blindés de Reconnaissance - de l'E.I.A.B. dans le parc. Les sorties au cinéma, les terrasses des cafés, les restos, les anisettes, la tournée des grands ducs ou la piscine devenaient de plus en plus rares.

Les compagnies furent placées en état d’alerte immédiat. On dormait en tenue de combat, les armes, munitions, paquetages en faisceaux sur la place d'armes. Notre mission consistait à protéger et à sauver les pieds noirs et leurs familles isolées dans les environs de Bel-Abbès, à éviter des massacres, viols et incendies.

Démonstration de force chez les fells, qui sont devenus fous, pour faire fuir les européens par des actes de barbaries. Nos interventions étaient surveillées par des « conseillers » civils et des gendarmes de la Prévôté qui observaient et notaient tout ce qui ne correspondait pas aux accords de Genève et aux accords internationaux sur l'art de faire la guerre !!!

Nos chefs étaient dégoûtés et nous aussi par les spectacles de barbarie. Combien d’assauts, de destructions furent annulés par les autorités, alors que nous avions parfaitement identifié les coupables. Mais il ne fallait plus faire de vagues. A force d'être en alerte, la décision est venue pour le quartier : consignés, nous étions nous-mêmes prisonniers. La ville était devenue trop dangereuse pour s'y aventurer. Attentat FLN, contre attentat OAS, jeu du chat et de la souris, les gens vivaient dans la peur, les rideaux étaient baissés, les gens se surveillaient.

Astuce Légion, j'ai inventé une ou deux sorties journalières pour acheter des sandwichs à steak tartare chez la chinoise du coin et quelques bières BAO (Brasserie Algérienne Oranaise). Il s'agissait de se présenter au Poste de Police avec deux sacoches en cuir de téléphone de campagne type « EE-8 », vidées de leur contenu, et d’annoncer « réparation ligne téléphonique du Colonel ».
Le sésame miracle a permis de se ravitailler, et comme le chef de poste changeait chaque jour, c'était facile.

On faisait des inventaires, on reversait du matériel, on préparait des caisses et des paquetages. Pendant des semaines un immense incendie fut allumé : on brûlait, sous contrôle de l'intendance, des tenues, des rangers, des matelas, de l’ameublement. On voyait la fumée à des kilomètres car c’était du matériel neuf qu'il fallait brûler !!! Il n'était pas question d'échanger une paire de chaussures usées contre du neuf. Quel gaspillage !!!

Les événements du 23 au 26 mars 1962 n'ont pas eu des répercussions mémorables. On entendait des tirs sporadiques, des bruits saccadés de concerts de casseroles, « Algérie – fran – çaise » et les yoyolements des femmes arabes. On remarquait aussi le va-et-vient inhabituel des VL des officiers, des Peugeot 203 et 403, avec des FM et des Thomson dans les coffres.

Des longs moments d'inactivité s'ensuivirent. Ce n’était pas bon pour les légionnaires. Il faut toujours faire quelque chose, même si ça ne sert à rien et, s’il le faut on refera encore mieux. Je passais beaucoup de temps à capter sur mon récepteur BC 312 et à écouter Radio Free Europe, la Voix de l’Amérique ou encore « les routiers sont sympas », « pour ceux qui aiment le jazz », « signé Furax » ou « la famille Duraton ».

Subitement nous découvrons qu'il faut fabriquer de l'eau distillée pour les batteries. Nous fabriquons un alambic avec une lessiveuse, un réchaud électrique, des tuyaux en cuivre de récupération et des tuyaux d'arrosage. On était bons copains avec les sites essentiels (l’ordinaire, le magasin d’habillement, le matériel, etc..). On faisait macérer des oranges dans les jerricans de bon vin de l'ordinaire et on a mis un sérieux coup de bromure (pour les ardeurs), le signe de bonne fermentation c’était quand les jerricans ont tellement gonflé qu'ils ont failli exploser !!! Au départ le vin c'était un sachet de concentré de vin en sachet d'aluminium qu'il fallait dissoudre dans 20 litres d'eau, dénommé Vinex ou Vynol que mon collègue buvait sans eau, mais le matin il faisait promener sa brosse à dent attachée à une ficelle. L'odeur alléchante a attiré beaucoup de patients aux transmissions. Nous avons même eu l'honneur d'offrir un verre à notre nouveau Capitaine, le Capitaine Glinzig (un russe blanc) qui a plus que dégusté notre mixture. Fermons la parenthèse !!!

Nous avons fêté notre dernier Camerone en terre d'Algérie. Cérémonie sobre, grave, silencieuse au Quartier Viénot, suivi d'un défilé sur l'avenue principale de Sidi-Bel-Abbès. Des cris, des « vive la France », « vive la Légion », beaucoup d’applaudissements. L'avenue était couverte de pétales de fleurs. Des femmes se faufilaient dans les rangs, le visage en larmes, pour embrasser les légionnaires. Après avoir foulé la boue sombre puis les cailloux des djebels, on foulait des pétales de roses……Tout le monde le savait mais personne ne disait que nous allions partir de cette ville à jamais où chaque quartier, chaque rue rappelait la présence de la Légion.

Puis le jour du départ est arrivé…………

Après le va-et-vient des véhicules transportant le matériel, ce fut le départ de la troupe. Le convoi étant formé, élément par élément, nous quittâmes le « petit quartier », direction Oran. Un convoi de « la régulière », des spahis, attendait notre départ pour prendre notre place.

Adieu, Bel-Abbès, je t'aimais bien !!!

Dans les rues, une foule silencieuse. Quelques mouchoirs qui s'agitaient, quelques drapeaux au croissant rouge aussi. Des larmes, beaucoup de larmes……

Juste en face du quartier, le personnel du bar « la grenade » nous faisait des signes discrets. Ah « la grenade » !!! Le bar de l'avant-dernier verre, avec Katia, la serveuse et ses miches généreuses, qui débitait les chopes le jour, et ………le contraire le soir !!! Et Mado, la patronne aux accents de poissonnière de Marseille, avec sa « paname » grosse comme une malle arabe et un cœur qui fondait comme du beurre au soleil. Et puis Maurice, le patron « l'homme de l'anisette » et de la comptabilité. Il détenait une boite à ardoises, digne du Service des Effectifs du régiment avec des fiches au nom de tous ceux qui consommaient à crédit, ainsi que le nom de leur Capitaine……

Tristes, nous quittâmes la ville, avec une espèce de sentiment de culpabilité, d'avoir abandonné les gens, la ville, la terre d'Algérie et le berceau de la Légion. Nous aperçûmes quelques soldats de l'ALN – l’Armée de Libération Nationale, habillés en treillis aussi débraillés que nos taulards, mais ils se tenaient peinards !!! Silence dans les rues, silence dans les camions. On ne voyait plus que le nuage de fumée du matériel brûlé qui se consumait. Nous, on fumait nos derniers Brasilenas dans les camions, sans parler, le cœur lourd de regrets, promesses, mensonges et d'injustices. Bientôt, nous vîmes un autre nuage de fumée, bien plus grand et bien plus noir qui obscurcissait le ciel d'Oran. C’était le dépôt de carburant de la ville
qui brûlait. Etait-ce symbolique ? Terre brûlée ? Feu de joie ? Ultime message ?

Nous avons embarqué sur le TDC « Trieux » (transport de chars) à la base maritime de Mers el Kébir, puis ce fut le tour des familles de civils, qui fuyaient leur pays, du moins le pays qu'ils croyaient être le leur. Beaucoup de désordre, de pleurs, de cris et de scènes de panique qui nous mettent mal à l'aise. Un film d’Alexandre Arcady, « le coup de sirocco », avec Roger Hanin, restitue bien l'atmosphère qui régnait sur le bateau.

Chargé à la limite de la ligne de flottaison, le bateau quitte le port, avec les cris longs et assourdissants des sirènes, jusqu'à ce que disparaissent les contours de Santa Cruz. Nous sommes installés, plutôt entassés à fond de cale de ce bâtiment à fond plat, où la plus petite vague provoque sur les tôles un bruit com

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Le G.I.L.E. : de Sidi-Bel-Abbès à Corté - 2ème partie la Corse

Au deuxième jour, le foyer du bord et notre foyer sont fermés, pour cause de "panne sèche" !!!. Heureusement on commençait à apercevoir les contours des montagnes corses. Après deux jours et demi de traversée, le « Trieux » accostait à Bastia. Nous allions enfin fouler la terre corse.


A midi, distribution des rations mais toujours pas de bière. Je suis, pour l'occasion, le radio du Capitaine Adam, une figure de la C.I.C.. Nous partons en ville en jeep chercher un limonadier. Nous nous arrêtons chez Mr. M....., un des grossistes en boissons le plus connu de Bastia.

- « Oui, bien sûr, vous voulez combien de bouteilles ? »
- « Pour l'instant, disons …… deux camions par jour !!! »

Mr M... a faillit tourner de l’œil et nous a dépannés avec quelques caisses, mais en devenant le représentant exclusif de Kronenbourg, il a fait fortune par la suite car c'est par bateaux entiers qu'il recevait la bière.

Des badauds, curieux, entouraient le bateau à quai. Il y avait beaucoup d'enfants et on leur donnait les sucreries des rations. Le déchargement du matériel était problématique, sans matériel de manutention et sous un soleil brûlant. Les civils qui étaient sur le bateau avec nous erraient sur le quai avec leurs ballots, leurs valises et leurs enfants, ne sachant où aller. Nos camions faisaient la navette entre Bastia et Corté, transportant le matériel. Le soir, enfin un repas chaud au « petit dépôt » du Fort Saint-Jean occupé par le 173° RI et dont le foyer a du fermer les portes rapidement, par manque de « munitions ».

Le lendemain enfin, embarquement du personnel à destination de Corté, où nous arrivons vers midi. A l'arrivée, débarquement au pont de l'Ortu et, drapeau en tête, défilé jusqu'au Quartier Grossetti, distance supérieure aux Champs-Elysées, le 14 juillet. Nos chants résonnaient dans les rues étroites de la ville, provoquant des attroupements. Des cris « vive la Légion », quelques fleurs et surtout des jets de riz sur nos rangs, ce qui est un signe de bienvenue.. Après les roses, on foulait du riz à présent !!!

Notre première impression était la déception. C’était ça, « l'Ile de Beauté » ? Pauvreté, grisaille, des maisons délabrées et des pierres, des pierres, du maquis, l'abandon !!! On va en fouler des pierres et du maquis !!! Repas chaud au Quartier Grossetti en gamelle, puis dispatching des unités :

· C.C.S. à Grossetti
· E.I.A. et E.I.A.B. à la Minoterie
· C.I.T.C. à la Citadelle
· C.I.C. à P.K. 7
· C.I. – Compagnie d’Instruction
- n° 1 et n° 2 à Bonifacio
- C.P.C.I.P. à Borgo - Compagnie de Préparation et d’Instruction des Chuteurs Parachutistes

Déplacement fragmenté de façon ne pas créer des bouchons sur les axes routiers. C'est vers 22 h que j'ai franchi avec ma jeep le pont-levis de la Citadelle.

Nous nous installons pour la nuit dans la cour au milieu des montagnes de caisses et de matériels divers, à la lueur des phares des GMC, dans les camions ou par terre, n'importe comment. Je choisi la solution par terre dans mon sac de couchage. Tout le monde est crevé par l'insomnie des jours précédents. La "kleine nachtmusic" (la petite musique de nuit) de Mozart est superflue. Vers minuit une terrible tempête se lève, les toiles de tentes s'envolent, des nuages de poussière, les bâches des camions qui claquent, les tenues, les rangers qui s'envolent, les gens qui gueulent.Décidément dormir ça devient un luxe !!!

Au lever du jour le vent se calme. On regarde notre état pitoyable, on ne sait pas s’il faut en pleurer ou en rire, c'est le souk !!! On nous apporte le café en « norvégienne » depuis Grossetti, on cherche des points d'eau pour se laver mais il n'y a pas beaucoup de robinets. Rasage avec un quart d'eau dans les rétroviseurs des camions. On y voit des drôles de tronches qui nous regardent.

On fait un semblant de rassemblement dans l'herbe qui nous arrive jusqu'aux épaules, on nous désigne nos emplacements, le mot d'ordre est « au boulot !!! ». Au boulot d'accord, mais par où commencer ? : tout est en ruines, pourri, érodé par le temps et les intempéries, couvert par le maquis, sauf le bâtiment des transformateurs en bas des escaliers et le bâtiment d’environ 60 m de long à gauche à l'étage, qui fut hâtivement retapé par le Génie Militaire. L'escalier qui y mène est raide, il y a bien une cinquantaine de marches, le transport des caisses, lits, ameublement relève de l'acrobatie. Le grand bâtiment de 4 ou 5 étages à droite est inhabitable et dangereux, son accès est interdit !!! On peux apercevoir par des ouvertures que dessous il y a un réservoir d'eau. En haut de l'escalier, il y a un treuil du moyen âge qui fut rapidement réparé par les services auto, et qui rendit bien des services par la suite.

Nous nous installons donc dans le bâtiment à gauche, par sections, au rez-de-chaussée du bâtiment et les salles de cours au 1er étage. Nos chambres sont séparées uniquement par des voûtes sans portes, c'est à dire que si quelqu'un tousse à droite, ça résonne à travers tout le bâtiment. On aura intérêt à se laver les pieds aussi le soir….. !!!

Un boulot monstre nous attend : trois semaines de quartier consigné. Pendant tout ce temps on n'entendait plus que le mot travail, arbeiten, rabota, schnell, démerde-toi, pelle, pioche, pelle US, ciment, pinceau, peinture, sable, pierres et des ampoules aux mains. Refaire le poste de police, fixer le panneau flambant neuf « LEGION ETRANGERE », installer l'armurerie, le foyer, le mess des sous-officiers, le bureau de semaine, le central téléphonique, le bureau de compagnie, les bureaux du Capitaine et de son adjoint, celui de l'Adjudant de Compagnie, le coiffeur, le gniouf…... et j'en passe.

La construction d'un bâtiment mystérieux fut entreprise au pied du nid d'aigle pour fixer le lieu de nos chères dames. En effet, le BMC fonctionnait, mobile, tournant dans les différentes unités sous des tentes modèle 56 !!! Oh romantisme, ne m'abandonne pas !!!

Il y a deux événements importants à signaler. Premièrement,:les hôtesses furent remplacées par de la chair européenne sérieusement rajeunie,
recrutée à Marseille par les bons soins du clan des Guérini et dirigée par Jeanne ayant comme adjoint Daisy. Deuxièmement: - et c'est là que les moyens justifient les causes - nous nous sommes aperçus de la disparition du bromure dans le vin de l'ordinaire !!! C'était le retour des sensations et de la joie de vivre !!!

Enfin, après les trois semaines de quartier consigné, satisfait du travail accompli, le Capitaine signait une permission de spectacle collectif pour la compagnie et le Cours Paoli fut envahi par les képis blancs.

Soigneusement contrôlés au poste de police, nous sortons nickel, tout le monde a fait un effort particulier sur sa présentation. Malheureusement on a pas encore touché la solde (ou heureusement !!!) et on n'avait pas beaucoup d'argent de poche. Avec un copain, on avait chacun 50 francs, ou 5000 balles comme on disait encore dans la confusion ancien-nouveau franc, ce qui nous fait une somme rondelette que nous étions prêts à dépenser.
Après nous être repérés dans les rues, il est inutile de préciser que nous ne visitions pas tellement les monuments historiques !!! On a donc décidé de visiter tous les bars de la ville. A notre grande surprise, il y en avait suffisamment. Nous nous sommes promis de nous comporter dignement !!! On est pas des sauvages quand même !!! Partout on nous dévisage avec curiosité, méfiance, admiration, crainte, un mélange de sentiments dont nous déduisons que nous ne sommes plus en Algérie et notre comportement doit être différent. Le Pastis et l’Aqua Vita coûtent 30 centimes, la bière - plutot rare !!! - 1 franc. Les Corses nous jaugent, nous jugent, notre présence anime la ville habituée au calme où il se passe peu de choses habituellement. « Cosa-e ? » (c'est quoi ?) « - I conquistadori ? »

Nous apprécions les belles filles et femmes corses qui se promènent sur le Cours Paoli et ce n'est pas seulement nous qui nous retournons sur leur passage. Elles aussi. « tu as vu comme ils sont beaux » entend-on des fois !!! Et les premiers sourires timides..…Les bars ont prévu le coup, ils se sont approvisionnés, nous retrouvons des visages connus. Il y a déjà un bar « Camerone », un « képi blanc », le bar du pont « chez Serge », puis « l'Oasis », « la Mafia », « chez Stari » et j'en oublie.…...

Mais la soirée est courte, il faut déjà rentrer. Nous avons échoué dans notre mission, on a pas pu dépenser tous nos sous et on a du louper quelques bars !!! On rentre relativement droits, après avoir pris un bain de minuit dans la fontaine du Cours Paoli pour rafraîchir nos idées, car un légionnaire mouillé c’est propre, sec c'est repassé. Pour remettre nos estomacs en place nous terminons notre soirée en mangent un boite de Rollmops (harengs au vinaigre), avec la promesse que la prochaine fois nous allons visiter la statue de Pascal Paoli.

L'instruction reprend rapidement. Pour rattraper le temps perdu on instaure l'étude obligatoire de 20 h à 21 h 30 tous les soirs. Parallèlement, les
travaux de réparation et d'embellissement continuent. Nous comprenons qu'une petite ville comme Corte n'était pas en mesure de financer l'entretien de la Citadelle, et l'arrivée de la Légion a soulagé le budget de la commune. Appelée un peu pompeusement - une ville - elle n'est en réalité qu'un grand village, enserré dans les montagnes, avec des possibilités d'expansion limitées, un réseau routier en mauvais état, sans industries, à vocation rurale et des petits commerces. L'arrivée de la Légion a apporté un ballon d'oxygèene aux commerçants. Du coup les magasins devenaient des bazars, car tout le monde vendait tout. On trouvait des chambres à coucher aussi bien chez le marchand de légumes, que des téléviseurs chez le charcutier ou du matériel de construction chez le marchand de chaussures. Tout le monde vendait tout !!!!!

On s’est fait des connaissances, des copains et doucement, quelques copines.... !!!

Je me sentais bien parmi les corses, et j'essayais de comprendre leur mentalité. Les corses, par nature, sont d'abord méfiants face aux « envahisseurs », il faut gagner leur confiance et leur amitié. Ils n'aiment pas être bousculés dans leurs habitudes. Il y a un forte culte de l'amour de leur terre, de la famille, des morts et ils supportent mal l'oppression sous n’importe quelle forme. C'est à nous de comprendre que nous ne sommes pas en pays conquis, que nous ne sommes pas chez nous mais que nous sommes chez eux. Le corse est fier, digne et soigne son apparence, la qualité des femmes est la vertu. Ceux qui disent que les corses sont fainéants, qu'ils regardent par quel miracle ils ont pu faire leurs maisons dans les coins perdus, le travail accompli pour faire pousser des légumes dans les villages. La Corse, c'est aussi le paradis des enfants. Les corses sont des bons vivants, ils aiment la bonne table et la convivialité. La loi du talion impose le respect mutuel et est souvent plus efficace que les lois de l'Etat.
Ici, c'est les corses qui surveillent les gendarmes. On ne lit pas les journaux, mais on les étudie. Dans les embouteillages, on ne klaxonne pas mais on klaxonne ses amis pour dire bonjour. Puis les femmes sont si belles.….. même si elles sont difficilement accessibles... Voilà, c'est que j'ai cru comprendre.

Autre activité, nous participons fréquemment au fléau de la Corse, les feux de maquis et de forêt. Nous sommes peu efficaces en réalité, par manque de moyens, car on ne peux pas combattre un feu de forêt avec des pelles U.S.. Beaucoup d'efforts et de dangers pour peu de résultats, surtout que le vrai danger venait de l'explosion des munitions de l'armée italienne en déroute en 1945. Beaucoup de remarques sur l'indifférence des villageois face au feux, mais on va tout de même pas envoyer des personnes âgées au feu !!!

Nous passons les fêtes de fin d'année dans la tradition, les transmissions gagnent le concours de crèches. Le nouvel an fut gâché par l'accident de la Caravelle avec l'équipe civile de basket-ball au Monte Renoso (montagne corse). Nous participons à la recherche d'éventuels survivants, dans des conditions atmosphériques difficiles et on redescend quelques corps.

En janvier, je pars au P.E.G. – Peloton d’Elèves Gradés - de Caporal à PK 7 et ainsi se termine mon séjour à la Citadelle car à la fin du peloton, la C.I.T.C. a déménagé à la Minoterie pour devenir plus tard la C.I.S. – Compagnie d’Instruction des Spécialistes. Depuis, j'y allais quelquefois, j'ai vu les travaux réalisés, notamment l'ouverture et l'accès par une route derrière, la construction d'un terrain de tennis ou du mess des officiers……

Puis, il n'y a pas si longtemps, comme civil, j'ai pu encore trouver quelques traces du passage de la Légion, évoquant ainsi des souvenirs agréables.
Aujourd'hui la silhouette caractéristique du nid d’aigle est la même qu'auparavant, mais l'intérieur de la Citadelle abrite désormais un musée et une partie de l'Université de la Corse

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Message par commandoair40 Mer 30 Jan - 18:12

Merci Christian ,
Prenant .
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Message par Claire notre Marraine Mer 30 Jan - 19:02

Des perles de pluie sur les joues...récit particulièrement émouvant pour cet adieu à SBA, que j'ai également fait à la même période. Très prenant ce regard porté sur la ville, avec ces détails si vrais et familiers pour"la fille du Légionnaire" que je suis.

Vif merci à toi Christian! Claire

Claire notre Marraine

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