L'Adjudant-chef Kemencei
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L'Adjudant-chef Kemencei
Officier de la Légion d'Honneur, a servi au 1er B.E.P. et 1er R.E.P. puis à la C.I.C. (où il fut le premier sous-officier chargé de l'instruction d'un peloton d'élèves sous-officiers) sous les ordres du Capitaine Pierre Jaluzot. Voici, extrait de son livre «Légionnaire, en avant», le récit d'un combat exemplaire.
Nous nous levâmes tôt ce dimanche 5 mars. Les camions étaient venus nous chercher à notre poste, à la ferme Kellermann (Kellermann : Nom du propriétaire.). Au point de ralliement, rapide briefing du Capitaine Jaluzot. - «On va à Sebdou pour un ratissage», nous dit-il.
Après avoir parcouru 125 kilomètres, on s'arrêta effectivement à ce village quelques minutes, juste le temps de nous distribuer des cartes. «On continue vers la frontière marocaine» précisait l'ordre complémentaire.
La route se poursuivait en chemin caillouteux et poussiéreux, mais la température devenait idéale. Encore une heure passée dans les camions et, vers neuf heures, on débarqua près d'un terrain plat qui servait visiblement aux aéronefs. Effectivement, des hélicoptères arrivaient déjà. Ils étaient six ou sept.
Nouveau briefing. Les postes chargés de la protection du barrage de la frontière signalaient qu'une quarantaine de rebelles avaient réussi, le jour précédent, à passer les lignes électrifiées, les réseaux barbelés et les champs de mines. Le bataillon de marche du 1er Régiment Etranger, dont mon unité, la C.I.C., faisait partie présentement, avait reçu l'ordre de fouiller à fond un secteur devenu dangereux. Tandis que les autres compagnies du bataillon de marche continueraient de progresser avec des camions, nous, la C.I.C., nous serions héliportés près de la frontière.
Le Capitaine Jaluzot et mon peloton embarquèrent en premier. Il fallait quatre hélicoptères Mammouth, pour transporter mes hommes et le P.C. de la compagnie.
Pour cette opération, mon peloton comprenait :
- le chef de section (moi-même), plus le radio et un agent des transmissions,
- le sergent Bartholomé, mon adjoint, car le titulaire, grippé restait au casernement ;- le sergent Henkel, chef de la demi-section de voltigeurs, avec trois équipes de six élèves ;
- le sergent Messer et ses deux fusils-mitrailleurs, à cinq élèves chacun.
Total du peloton opérationnel : 34 hommes avec moi.
Le P.C. du Capitaine n'avait que deux radios et deux agents de transmissions, donc cinq personnes. Le Capitaine a embarqué avec moi dans le premier hélicoptère. Après un bref quart d'heure de vol, nous avons aperçu notre D.Z. , une sorte de petit piton plat et bien découvert. Plusieurs fumigènes de couleur signalaient et délimitaient notre terrain d'atterrissage. Les deux grandes roues de notre appareil touchaient tout juste le sol quand je me suis élancé, sous la protection de deux autres hélicoptères armés de mitrailleuses lourdes.
Nous nous mîmes rapidement en protection, et les trois autres engins transportant le reste de mon peloton débarquèrent aussitôt leur cargaison précieuse, à une minute d'intervalle, comme à la parade. Bravo ! Nos amis pilotes de l'A.L.A.T. nous facilitaient bien notre tâche !
D'après ma carte, nous étions sur le Djebel Deharer-el-Azouf, à 1 500 mètres d'altitude environ.
- «Direction le djebel Lejraf, cote 1613, à 4 kilomètres au nord-est. Kemencei, ton peloton doit ratisser, fouiller le versant nord de cette montagne. Sur les lignes de crêtes à ta gauche, des unités amies. Sur ton arrière à droite, le peloton d'élèves-caporaux de l'Adjudant Brojonowski, puis le peloton du Lieutenant Méchain. Quand tu seras prêt, commande : «En avant !», m'ordonna le capitaine.
Devant moi un terrain montagneux couvert d'herbages verts et de rares buissons. Nous étions à la fin de l'hiver. Ce terrain était entrecoupé de petites vallées profondes, et sillonné d'autres petits ravins abrupts. Quelques falaises hautes de dix vingt mètres, proches des sommets, ponctuaient ce paysage si caractéristique de l'Afrique du Nord.Je devais progresser sur ce versant dénudé, large de 400 mètres environ, bordé par on fond buissonneux à ma gauche. Et la ligne de crêtes dénudées à ma droite.
- «Sergent Henkel, prends la première et la deuxième équipe de tes voltigeurs, vingt mètres d'intervalle, et en ligne entre moi et le fond de cette petite vallée ; fouille le terrain en direction du grand piton devant nous à l'Est. Attends mon commandement pour démarrer.»
- «Sergent Messer, toi et tes deux pièces de fusils-mitrailleurs, en petite colonne par équipe et en intervalles de vingt mètres. Puis suis la ligne de crêtes, prêt à appuyer les hommes de Henkel. On démarre à mon commandement.»
- «Sergent Bartholomé, prends l'équipe des voltigeurs numéro 3. Place-toi à droite de la demi-section des fusiliers en protection, et en écoute radio.»
- «Pour tout le monde : dispositions de combat ! Et annoncez : Prêt !» terminai-je.
- «Groupe Henkel : Prêt !»
- «Groupe Messer : Prêt !»
- «Groupe Bartholomé : Prêt !» me répondit-on une minute plus tard.
Et j'ai commandé à haute et intelligible voix :
- «Direction le grand piton devant vous, en avant !»
Le peloton, comme un seul homme, s'ébranla en marche normale. Le silence était impressionnant. Seule une patrouille de chasseurs, des avions T. 28, vrombissait assez loin.
Nous longeâmes la ligne de crêtes en continuant à nous déployer sur son flanc, tout en nous élevant vers le sommet. Après une bonne heure de marche vigilante, nous avions parcouru environ quatre kilomètres, sans changer le dispositif qui était parfaitement adapté à la mission et au terrain. En dépassant un petit éperon, le sommet du djebel se voyait devant nous dans toute sa splendeur, mais à encore plus d'un kilomètre.
Comme beaucoup de sommets de montagne en Algérie, il s'offrait aux regards comme une plaquette d'argile desséchée et placée en travers sur un monticule. Falaise verticale «posée» sur des éboulements, arête vive en haut, mais reliée à la ligne de crêtes plus ou moins arrondie, sur une pente praticable, et présentant un plateau incliné à contre-pente.Pendant notre progression, je ne m'occupai que très peu du versant complètement dénudé et sans aucun monticule qui s'étendait sur ma gauche - juste en dessous d'éléments amis de bouclage - car aucun ennemi ne pouvait s'y installer sans être vu de loin.
Jusqu'ici, personne ne localisait vraiment les rebelles infiltrés. Ils pouvaient être par ici ou à vingt kilomètres. Mais cette imposante falaise avec son grand éboulement rocheux de 300 à 400 mètres de long et de 50 à 150 mètres de large, truffée de grands buissons épineux qui pouvaient déjouer les observations aériennes, m'obligeait à la prudence. En conséquence je fis ralentir la progression, et ordonnai à mon équipe d'extrême droite, que dirigeait le sergent Bartholomé, de monter en éclaireur vers les sommets et de contrôler les éboulis, tout en entraînant avec elle pour sa protection immédiate une pièce de F.M.A.A. 52 et ses servants. Je gardais l'autre fusil-mitrailleur sous mon commandement direct.
Le sergent Henkel, avec ses douze voltigeurs, continua sa progression en ligne mais au ralenti, tout en surveillant les éboulis qui se dessinaient un peu à sa droite, et aussi ce grand thalweg bien buissonneux à sa gauche. On continuait de chercher les rebelles.
Devant, légèrement à ma droite et sur la crête, à 150 mètres environ, je voyais déjà la silhouette familière de Bartholomé se découper sur ce ciel peu nuageux.
Puis, d'un seul coup, plusieurs rafales sèches hachèrent ce silence campagnard. Aux doubles claquements bien caractéristiques , j'ai localisé immédiatement l'ennemi qui avait ouvert le feu à bout portant. Les rebelles s'étaient installés dans les éboulements couverts de buissons. A première vue, je les évaluai à une section, car d'après leurs tirs, j'avais cru entendre plusieurs fusils-mitrailleurs.
Mon premier F.M., situé le plus à droite, était déjà dans les premiers buissons et légèrement surélevé. Le deuxième était près de moi, et installé sur un gros rocher - mais les feux ennemis lui interdisait toute intervention efficace.
- «A toi la gloire !» me cria le Capitaine
«Jetez votre sac ! Les F.M., restez en place en protection ! Bartholomé, monte complètement au sommet de la falaise, jette sur l'ennemi tes grenades à mains, les défensives d'abord puis les légères ! Henkel ! Fais pivoter tes équipes à ta droite, en ligne. Objectif : les éboulis sous la falaise. A l'assaut, à l'assaut !» Commandai-je.
Je n'avais pas besoin de la radio, ma voix de stentor défiait les rafales des armes automatiques. Je ne pouvais commander autre chose, car nous étions au contact immédiat de l'ennemi. Tout autre ordre pouvait entraîner un fiasco sur ce terrain dénudé et sans protection pour nous. Et au milieu des mes deux équipes du bas, je suis monté à l'assaut.
Les bruits du combat devenaient assourdissants. Une fois dans les couverts, on avançait lentement, car les éboulements protégeaient bien l'ennemi. On devait nettoyer chaque trou, chaque pli de rochers par grenadage : on utilisa près de cent grenades. Les rafales de mitraillettes terminaient la besogne. L'équipe du sergent Bartholomé neutralisait l'ennemi par ses tirs plongeants, et nous, troupe du bas, nous occupions le terrain.
Eux, les rebelles nous ont aussi jeté pas mal de grenades, mais elles ont toutes dévalé cette pente assez abrupte sans nous faire de mal. Comme nous les avions bien encerclés, les fells ne pouvaient que résister sur place, et ils résistaient bien. Un peu plus tard, quand les bruits du combat n'avaient pas encore diminué, le Capitaine et le Commandant offrirent l'appui de l'aviation.
- «Pas d'avions ! Pas d'avions ! Surtout aucun appui-feu ! Je suis au corps à corps» répondis-je par radio.
Puis, en apercevant le caporal Bell qui était armé d'un fusil semi automatique et de grenades à fusil anti-personnelles :
- «Bell, reste ici derrière ce rocher, et ouvre le feu en tir tendu avec te grenades au bas de la falaise !» lui dis-je.A cet endroit, nous étions déjà à moins de 50 mètres de l'objectif. Il tira deux grenades et voulut s'élancer vers l'avant et sauter de rocher en rocher. Mais après avoir parcouru ainsi cinq à six mètres, une rafale le coucha. J'ai bien vu la tête du tireur ennemi dépassant d'un rocher à moins de dix mètres de moi. Il avait un visage basané surmonté d'une courte chevelure noire et crépue. Je lui ai tiré instinctivement trois ou quatre balles de ma carabine U.S. J'ai vu son front éclater en éclaboussant de son sang les pierres et les végétaux environnants. Tué sur le coup.Quelques minutes plus tard, le silence régna de nouveau. Notre assaut était victorieux. En moins de vingt minutes, nous avions anéanti totalement une section de rebelles. On dénombra 24 fellaghas tués, certains déchiquetés par des grenades lourdes, et un prisonnier hébété. En outre, sept sturmgewehr (8), un P.M., dix fusils Mauser, et dix grands pistolets automatiques de fabrication espagnole, qui tiraient des cartouches calibre 9 extra-longues étaient récupérés, ainsi que de nombreux équipements, grenades et munitions.
Hélas ! La victoire exige des sacrifices. L'élève sous-officier Bell, du 5ème Régiment Etranger d'Infanterie, payait sa bravoure de sa vie. L'élève sous-officier Hautala, du 3ème R.E.I., le seul finnois que j'aie rencontré à la Légion, avait été tué à bout portant par la première rafale.
Nous ne déplorâmes aucun blessé ni autre perte.
Tous mes «élèves» s'étaient bien battus. Aussi tous mes sous-officiers et un grand nombre d'élèves furent décorés. Moi-même fus cité à l'ordre de l'Armée : une palme de plus sur ma barrette.
Adjudant-chef KEMENCEI
L'ancien Adjudant -chef Janos Kemencei est décédé le 16 décembre 2009.
Hongrois d'origine, très tôt révolté contre l'invasion de son pays par les Russes, les bolcheviks barbares et violeurs.
Dès l'âge de quatorze ans, il tire à la mitrailleuse sur les avions B25 soviétiques et sur les chars T34 Sherman fournis par les Américains, les deux alliés de l'époque contre les Allemands. La description des combats dans Budapest est terrifiante.
Si 1945 marque pour l'Europe la chute du fléau nazi, la Hongrie se retrouve sous l'emprise du fléau communiste.
En trichant sur son âge, et grâce à son excellente forme physique et ses expériences précoces de la guerre, Janos Kemencei réussit après bien des péripéties à rejoindre le centre de recrutement de la Légion étrangère de Klagenfurt en Autriche.
C'est en septembre 1946 que commence sur la terre africaine, berceau de la Légion, l'aventure qui le mènera en Indochine le 9 novembre 1948, sur la RC4 le 9 octobre 1950 à Coc-Xa, où le 1er BEP fut décimé.
Faisant parti des 48 blessés libérés par le Vietminh, volontaire pour un second séjour. C'est lui qui porta le fanion aux funérailles de son chef, le commandant Raffalli, début septembre 1952.
Nous nous levâmes tôt ce dimanche 5 mars. Les camions étaient venus nous chercher à notre poste, à la ferme Kellermann (Kellermann : Nom du propriétaire.). Au point de ralliement, rapide briefing du Capitaine Jaluzot. - «On va à Sebdou pour un ratissage», nous dit-il.
Après avoir parcouru 125 kilomètres, on s'arrêta effectivement à ce village quelques minutes, juste le temps de nous distribuer des cartes. «On continue vers la frontière marocaine» précisait l'ordre complémentaire.
La route se poursuivait en chemin caillouteux et poussiéreux, mais la température devenait idéale. Encore une heure passée dans les camions et, vers neuf heures, on débarqua près d'un terrain plat qui servait visiblement aux aéronefs. Effectivement, des hélicoptères arrivaient déjà. Ils étaient six ou sept.
Nouveau briefing. Les postes chargés de la protection du barrage de la frontière signalaient qu'une quarantaine de rebelles avaient réussi, le jour précédent, à passer les lignes électrifiées, les réseaux barbelés et les champs de mines. Le bataillon de marche du 1er Régiment Etranger, dont mon unité, la C.I.C., faisait partie présentement, avait reçu l'ordre de fouiller à fond un secteur devenu dangereux. Tandis que les autres compagnies du bataillon de marche continueraient de progresser avec des camions, nous, la C.I.C., nous serions héliportés près de la frontière.
Le Capitaine Jaluzot et mon peloton embarquèrent en premier. Il fallait quatre hélicoptères Mammouth, pour transporter mes hommes et le P.C. de la compagnie.
Pour cette opération, mon peloton comprenait :
- le chef de section (moi-même), plus le radio et un agent des transmissions,
- le sergent Bartholomé, mon adjoint, car le titulaire, grippé restait au casernement ;- le sergent Henkel, chef de la demi-section de voltigeurs, avec trois équipes de six élèves ;
- le sergent Messer et ses deux fusils-mitrailleurs, à cinq élèves chacun.
Total du peloton opérationnel : 34 hommes avec moi.
Le P.C. du Capitaine n'avait que deux radios et deux agents de transmissions, donc cinq personnes. Le Capitaine a embarqué avec moi dans le premier hélicoptère. Après un bref quart d'heure de vol, nous avons aperçu notre D.Z. , une sorte de petit piton plat et bien découvert. Plusieurs fumigènes de couleur signalaient et délimitaient notre terrain d'atterrissage. Les deux grandes roues de notre appareil touchaient tout juste le sol quand je me suis élancé, sous la protection de deux autres hélicoptères armés de mitrailleuses lourdes.
Nous nous mîmes rapidement en protection, et les trois autres engins transportant le reste de mon peloton débarquèrent aussitôt leur cargaison précieuse, à une minute d'intervalle, comme à la parade. Bravo ! Nos amis pilotes de l'A.L.A.T. nous facilitaient bien notre tâche !
D'après ma carte, nous étions sur le Djebel Deharer-el-Azouf, à 1 500 mètres d'altitude environ.
- «Direction le djebel Lejraf, cote 1613, à 4 kilomètres au nord-est. Kemencei, ton peloton doit ratisser, fouiller le versant nord de cette montagne. Sur les lignes de crêtes à ta gauche, des unités amies. Sur ton arrière à droite, le peloton d'élèves-caporaux de l'Adjudant Brojonowski, puis le peloton du Lieutenant Méchain. Quand tu seras prêt, commande : «En avant !», m'ordonna le capitaine.
Devant moi un terrain montagneux couvert d'herbages verts et de rares buissons. Nous étions à la fin de l'hiver. Ce terrain était entrecoupé de petites vallées profondes, et sillonné d'autres petits ravins abrupts. Quelques falaises hautes de dix vingt mètres, proches des sommets, ponctuaient ce paysage si caractéristique de l'Afrique du Nord.Je devais progresser sur ce versant dénudé, large de 400 mètres environ, bordé par on fond buissonneux à ma gauche. Et la ligne de crêtes dénudées à ma droite.
- «Sergent Henkel, prends la première et la deuxième équipe de tes voltigeurs, vingt mètres d'intervalle, et en ligne entre moi et le fond de cette petite vallée ; fouille le terrain en direction du grand piton devant nous à l'Est. Attends mon commandement pour démarrer.»
- «Sergent Messer, toi et tes deux pièces de fusils-mitrailleurs, en petite colonne par équipe et en intervalles de vingt mètres. Puis suis la ligne de crêtes, prêt à appuyer les hommes de Henkel. On démarre à mon commandement.»
- «Sergent Bartholomé, prends l'équipe des voltigeurs numéro 3. Place-toi à droite de la demi-section des fusiliers en protection, et en écoute radio.»
- «Pour tout le monde : dispositions de combat ! Et annoncez : Prêt !» terminai-je.
- «Groupe Henkel : Prêt !»
- «Groupe Messer : Prêt !»
- «Groupe Bartholomé : Prêt !» me répondit-on une minute plus tard.
Et j'ai commandé à haute et intelligible voix :
- «Direction le grand piton devant vous, en avant !»
Le peloton, comme un seul homme, s'ébranla en marche normale. Le silence était impressionnant. Seule une patrouille de chasseurs, des avions T. 28, vrombissait assez loin.
Nous longeâmes la ligne de crêtes en continuant à nous déployer sur son flanc, tout en nous élevant vers le sommet. Après une bonne heure de marche vigilante, nous avions parcouru environ quatre kilomètres, sans changer le dispositif qui était parfaitement adapté à la mission et au terrain. En dépassant un petit éperon, le sommet du djebel se voyait devant nous dans toute sa splendeur, mais à encore plus d'un kilomètre.
Comme beaucoup de sommets de montagne en Algérie, il s'offrait aux regards comme une plaquette d'argile desséchée et placée en travers sur un monticule. Falaise verticale «posée» sur des éboulements, arête vive en haut, mais reliée à la ligne de crêtes plus ou moins arrondie, sur une pente praticable, et présentant un plateau incliné à contre-pente.Pendant notre progression, je ne m'occupai que très peu du versant complètement dénudé et sans aucun monticule qui s'étendait sur ma gauche - juste en dessous d'éléments amis de bouclage - car aucun ennemi ne pouvait s'y installer sans être vu de loin.
Jusqu'ici, personne ne localisait vraiment les rebelles infiltrés. Ils pouvaient être par ici ou à vingt kilomètres. Mais cette imposante falaise avec son grand éboulement rocheux de 300 à 400 mètres de long et de 50 à 150 mètres de large, truffée de grands buissons épineux qui pouvaient déjouer les observations aériennes, m'obligeait à la prudence. En conséquence je fis ralentir la progression, et ordonnai à mon équipe d'extrême droite, que dirigeait le sergent Bartholomé, de monter en éclaireur vers les sommets et de contrôler les éboulis, tout en entraînant avec elle pour sa protection immédiate une pièce de F.M.A.A. 52 et ses servants. Je gardais l'autre fusil-mitrailleur sous mon commandement direct.
Le sergent Henkel, avec ses douze voltigeurs, continua sa progression en ligne mais au ralenti, tout en surveillant les éboulis qui se dessinaient un peu à sa droite, et aussi ce grand thalweg bien buissonneux à sa gauche. On continuait de chercher les rebelles.
Devant, légèrement à ma droite et sur la crête, à 150 mètres environ, je voyais déjà la silhouette familière de Bartholomé se découper sur ce ciel peu nuageux.
Puis, d'un seul coup, plusieurs rafales sèches hachèrent ce silence campagnard. Aux doubles claquements bien caractéristiques , j'ai localisé immédiatement l'ennemi qui avait ouvert le feu à bout portant. Les rebelles s'étaient installés dans les éboulements couverts de buissons. A première vue, je les évaluai à une section, car d'après leurs tirs, j'avais cru entendre plusieurs fusils-mitrailleurs.
Mon premier F.M., situé le plus à droite, était déjà dans les premiers buissons et légèrement surélevé. Le deuxième était près de moi, et installé sur un gros rocher - mais les feux ennemis lui interdisait toute intervention efficace.
- «A toi la gloire !» me cria le Capitaine
«Jetez votre sac ! Les F.M., restez en place en protection ! Bartholomé, monte complètement au sommet de la falaise, jette sur l'ennemi tes grenades à mains, les défensives d'abord puis les légères ! Henkel ! Fais pivoter tes équipes à ta droite, en ligne. Objectif : les éboulis sous la falaise. A l'assaut, à l'assaut !» Commandai-je.
Je n'avais pas besoin de la radio, ma voix de stentor défiait les rafales des armes automatiques. Je ne pouvais commander autre chose, car nous étions au contact immédiat de l'ennemi. Tout autre ordre pouvait entraîner un fiasco sur ce terrain dénudé et sans protection pour nous. Et au milieu des mes deux équipes du bas, je suis monté à l'assaut.
Les bruits du combat devenaient assourdissants. Une fois dans les couverts, on avançait lentement, car les éboulements protégeaient bien l'ennemi. On devait nettoyer chaque trou, chaque pli de rochers par grenadage : on utilisa près de cent grenades. Les rafales de mitraillettes terminaient la besogne. L'équipe du sergent Bartholomé neutralisait l'ennemi par ses tirs plongeants, et nous, troupe du bas, nous occupions le terrain.
Eux, les rebelles nous ont aussi jeté pas mal de grenades, mais elles ont toutes dévalé cette pente assez abrupte sans nous faire de mal. Comme nous les avions bien encerclés, les fells ne pouvaient que résister sur place, et ils résistaient bien. Un peu plus tard, quand les bruits du combat n'avaient pas encore diminué, le Capitaine et le Commandant offrirent l'appui de l'aviation.
- «Pas d'avions ! Pas d'avions ! Surtout aucun appui-feu ! Je suis au corps à corps» répondis-je par radio.
Puis, en apercevant le caporal Bell qui était armé d'un fusil semi automatique et de grenades à fusil anti-personnelles :
- «Bell, reste ici derrière ce rocher, et ouvre le feu en tir tendu avec te grenades au bas de la falaise !» lui dis-je.A cet endroit, nous étions déjà à moins de 50 mètres de l'objectif. Il tira deux grenades et voulut s'élancer vers l'avant et sauter de rocher en rocher. Mais après avoir parcouru ainsi cinq à six mètres, une rafale le coucha. J'ai bien vu la tête du tireur ennemi dépassant d'un rocher à moins de dix mètres de moi. Il avait un visage basané surmonté d'une courte chevelure noire et crépue. Je lui ai tiré instinctivement trois ou quatre balles de ma carabine U.S. J'ai vu son front éclater en éclaboussant de son sang les pierres et les végétaux environnants. Tué sur le coup.Quelques minutes plus tard, le silence régna de nouveau. Notre assaut était victorieux. En moins de vingt minutes, nous avions anéanti totalement une section de rebelles. On dénombra 24 fellaghas tués, certains déchiquetés par des grenades lourdes, et un prisonnier hébété. En outre, sept sturmgewehr (8), un P.M., dix fusils Mauser, et dix grands pistolets automatiques de fabrication espagnole, qui tiraient des cartouches calibre 9 extra-longues étaient récupérés, ainsi que de nombreux équipements, grenades et munitions.
Hélas ! La victoire exige des sacrifices. L'élève sous-officier Bell, du 5ème Régiment Etranger d'Infanterie, payait sa bravoure de sa vie. L'élève sous-officier Hautala, du 3ème R.E.I., le seul finnois que j'aie rencontré à la Légion, avait été tué à bout portant par la première rafale.
Nous ne déplorâmes aucun blessé ni autre perte.
Tous mes «élèves» s'étaient bien battus. Aussi tous mes sous-officiers et un grand nombre d'élèves furent décorés. Moi-même fus cité à l'ordre de l'Armée : une palme de plus sur ma barrette.
Adjudant-chef KEMENCEI
L'ancien Adjudant -chef Janos Kemencei est décédé le 16 décembre 2009.
Hongrois d'origine, très tôt révolté contre l'invasion de son pays par les Russes, les bolcheviks barbares et violeurs.
Dès l'âge de quatorze ans, il tire à la mitrailleuse sur les avions B25 soviétiques et sur les chars T34 Sherman fournis par les Américains, les deux alliés de l'époque contre les Allemands. La description des combats dans Budapest est terrifiante.
Si 1945 marque pour l'Europe la chute du fléau nazi, la Hongrie se retrouve sous l'emprise du fléau communiste.
En trichant sur son âge, et grâce à son excellente forme physique et ses expériences précoces de la guerre, Janos Kemencei réussit après bien des péripéties à rejoindre le centre de recrutement de la Légion étrangère de Klagenfurt en Autriche.
C'est en septembre 1946 que commence sur la terre africaine, berceau de la Légion, l'aventure qui le mènera en Indochine le 9 novembre 1948, sur la RC4 le 9 octobre 1950 à Coc-Xa, où le 1er BEP fut décimé.
Faisant parti des 48 blessés libérés par le Vietminh, volontaire pour un second séjour. C'est lui qui porta le fanion aux funérailles de son chef, le commandant Raffalli, début septembre 1952.
Re: L'Adjudant-chef Kemencei
Merci Daniel,
Comme dit JP, homme d'exception...
C'etait quoi ces " dix grands pistolets automatiques de fabrication espagnole, qui tiraient des cartouches calibre 9 extra-longues"
en sais-tu plus la dessus?
Comme dit JP, homme d'exception...
C'etait quoi ces " dix grands pistolets automatiques de fabrication espagnole, qui tiraient des cartouches calibre 9 extra-longues"
en sais-tu plus la dessus?
Invité- Invité
Re: L'Adjudant-chef Kemencei
RESPECT
olivier- Admin
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Age : 58
Re: L'Adjudant-chef Kemencei
Question PA ;
Daniel il faut me rafraîchir la mémoire !!!
ASTRA , est bien aussi un fabricant d'armes en Espagne ?????
Daniel il faut me rafraîchir la mémoire !!!
ASTRA , est bien aussi un fabricant d'armes en Espagne ?????
Invité- Invité
Re: L'Adjudant-chef Kemencei
c'est la Astra Unceta y Cia est une fabrique d'armes espagnole qui a été fondée le 17 juillet 1908 sous le nom de Esperanza y Unceta par Juan Esperanza et Pedro Unceta.
et suite a cette question il s'agit peut être du Astra mod.400, modèle 1921, une arme de légende. En France le modèle 400 sera surnommé "mange-tout", car sa caractéristique principale est de tirer des munitions aussi diverses que 9 mm Largo (calibre original), 9 mm Steyr, 9 mm court 9 mm Parabellum, 9 mm Browning long, 9 mm Glisenti, .38 ACP(cartouches acceptées).
et suite a cette question il s'agit peut être du Astra mod.400, modèle 1921, une arme de légende. En France le modèle 400 sera surnommé "mange-tout", car sa caractéristique principale est de tirer des munitions aussi diverses que 9 mm Largo (calibre original), 9 mm Steyr, 9 mm court 9 mm Parabellum, 9 mm Browning long, 9 mm Glisenti, .38 ACP(cartouches acceptées).
Re: L'Adjudant-chef Kemencei
beau reçit d'accrochage
merci Daniel
pour ce meneur d'hommes
Daniel sur la photo pourquoi le grenade du béret n'est pas dans un cercle???
merci Daniel
pour ce meneur d'hommes
Daniel sur la photo pourquoi le grenade du béret n'est pas dans un cercle???
Invité- Invité
Re: L'Adjudant-chef Kemencei
a l'époque de l'indo et debut Algérie c'etait comme cela les insignes et même avec un N° dans la grenade
Re: L'Adjudant-chef Kemencei
je débutela lecture de son livre !!!!!
EXCEPTIONNEL
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olivier- Admin
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