Souvenirs qui passent - 5ème RMP - Compagnie d' Equipement
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Souvenirs qui passent - 5ème RMP - Compagnie d' Equipement
Ceci est ma contribution de légionnaire sapeur à cette période de 40 années de présence du 5ème en POLYNÉSIE. Il s’agit d’un article publié, par mes soins, dans le n°1 de la revue semestrielle Le Père Pil de l’Amicale de Franche Comté.
Abonné au mensuel Képi Blanc, j'ai constaté que celui ci réserve régulièrement une part de sa pagination à la publication des périodes héroïques vécues par nos anciens en Indochine, Algérie et autres lieux. Rien de plus normal. La Légion est le fer de lance de la France, une arme puissante, redoutée et respectée de ses adversaires. La gloire amassée par ces anciens au prix de grandes souffrances physiques et morales profite de facto à la génération suivante de nouveaux légionnaires qui n'ont qu'une hâte, celle d'essayer de surpasser leurs aînés lorsque l'occasion se présentera. C'est ainsi que se bâti la réputation légionnaire, laquelle doit être constamment entretenue au risque de ne plus conserver sa valeur d'antan!
Certes la Légion c'est le combat. Mais ce n'est pas que cela. A bien lire les ouvrages de référence traitant de son l'histoire force est de constater qu'elle est avant tout une arme qui défriche, construit, entretient, c'est à dire une armée de bâtisseurs. Partout où la Légion est passée subsiste un témoignage de ce passage, y compris dans les cimetières. Il n'est que de parler de SIDI BEL ABBES! Et aussi plus proche de nous de la réalisation de nombreuses infrastructures dans les pays où stationne de manière permanente ou ponctuelle une unité de Légion! Donc les légionnaires sont aussi et même avant tout des pionniers, c'est à dire ceux qui ouvrent une voie nouvelle, parfois en faisant le coup de feu, dans des territoires souvent inhospitaliers comme cela a été le cas lors de la colonisation de l'Algérie, de la conquête du TONKIN et de la pacification du MAROC. La mort fût la compagne des légionnaires combattants. Elle fût aussi souvent celle des légionnaires bâtisseurs, conséquence de fièvres et de maladies pernicieuses générées par un environnement insalubre, un climat rude, des conditions d'existence précaires, mais aussi hélas d'accidents.
A l'exception de la satisfaction d'avoir rempli la mission confiée, qu'il a t il d'héroïque à tracer, construire et entretenir une route ou une piste ? A lancer un pont? A percer un tunnel? A édifier une redoute ou un fortin? A bâtir un camp ou une caserne modèle? A bétonner des infrastructures destinées à la mise au point et à l'amélioration d'une arme atomique durant près de quarante années? A ériger un mur destiné à protéger une route des assauts de l'océan?. Un point commun avec nos anciens, pionniers dans les pays précités: La sueur, la fatigue, le coup de soleil, le cafard consécutif à un travail répétitif et peu gratifiant pour lequel l'engagé volontaire n'était pas...volontaire, mais le devient par la force des choses, de son encadrement qui le houspille, le motive, l'encourage, le punit et parfois même le récompense! Cette catégorie de légionnaires bâtisseurs la plus nombreuse quelque soit l'époque fait rarement la une de KB! Et pourtant c'est aussi la Légion!
Grenadier voltigeur de formation initiale et sapeur pionnier par spécialisation je vous invite à faire un tour dans le Pacifique Sud là où le soleil est présent chaque jour de l'année quand il ne pleut pas; la chaleur omniprésente sauf pendant l'hiver austral; où l'océan est d'une limpidité merveilleuse quand il n'est pas houleux voire hostile; où les plages sont blanches sauf à TAHITI où elles sont constituées de sable noir; où les vahinés sont aguichantes sauf sur les atolls où elles sont absentes; et où le sapeur légionnaire est partout en tenue de travail short /chemisette bleu marine, pataugas et béret vert, avec souvent en main une pelle, une pioche à défaut d'une hache ou d'autre chose! Aller, un pet'it coup d' HINANO (bière locale) on se crache dans les mains et on y va!
En Juin 1968, je me trouve affecté au 5ème Régiment Mixte du Pacifique. Après un voyage avion par vol UTA et escales à ATHENES, COLOMBO, DJAKARTA, NOUMEA j'arrive 24h heures plus tard à TAHITI/FAA, puis au camp d'ARUÉ. Le régiment est l'héritier du fameux Régiment du Tonkin, le 5ème REI dissout en novembre 1963. Le 5ème RMP a hérité du chiffre 5 et de l'emblème tricolore du plus beau, du plus chic et du plus chouette des régiments de la Légion Etrangère. Au camp d'ARUÉ, je repasse mes permis de conduire et je reçois une formation complète de sapeur du génie au sein de la compagnie d'Equipement(CE). L'encadrement officiers et sous officiers supérieurs de cette compagnie est essentiellement issu de l'arme du Génie. Le chef de corps du 5ème, le colonel AUTRAN, est lui même un sapeur.
Au cours d'un stage soutenu dispensé par des cadres de l'arme du génie, j'apprends l'utilisation du bulldozer Richard Continental, de la pelle mécanique POCLAIN, du tracteur chargeur MICHIGAN et même l'emploi du compresseur SPIROS. Je suis reçu à l'examen final et déclaré apte à la spécialisation de conducteur d'engins de travaux publics! En dehors de cette formation, j'effectuerai mon séjour de deux ans sans apprendre le chant du régiment ni même sans tirer un seul coup de fusil. En comparaison du "pétard atomique", le MAS 49/56 fait piètre figure. Nous étions là pour travailler, bosser, trimer, pas pour chanter, faire des cartons, ou des exercices de défilés!
A l'issue du stage de qualification je suis affecté sur l'atoll de HAO à faire le "pousse cailloux" soit avec un bulldozer RICHARD CONTINENTAL, soit comme manœuvre au concasseur qui produit les matériaux destinés aux routes et aux divers chantiers de construction. La matière première qui approvisionne cet engin provient de la dalle corallienne Cet atoll est situé à environ 900kms de TAHITI.
Pour la Légion on y trouve: la 1ère compagnie de travaux (CT 1) et un détachement de la CE composée de légionnaires et de quelques sapeurs. Implanté depuis des générations sur l'atoll, le village d'OTEPA, peuplé de tahitiens, est interdit à la troupe. Ces derniers vivent soit d'un emploi au CEA/CEP; de la récolte du copra (intérieur de la noix de coco séché utilisé en cosmétique) où de la pêche de la nacre. Le Centre d'expérimentation du Pacifique (CEP) et le Commissariat à l'Energie Atomique (CEA) possèdent leurs infrastructures sur l'atoll.
C'est dans celles ci que sont assemblés, parait-il, les éléments de la bombe atomique et secret défense oblige il est formellement interdit de photographier quoi que ce soit! Un port et un aéroport complètent les installations. La piste relativement longue permet l'atterrissage de gros porteurs. Parqués en permanence et prêts au décollage: quelques hélicoptères Alouette, les Breguet Alizé et les Catalina de l'Aéronavale qui exercent la surveillance maritime et ravitaillent les îlots où sont installées les stations météorologiques.
La liaison avec TAHITI est assurée par un avion à deux moteurs, qui a connu le dernier conflit mondial et dont certains laissent entendre qu'il est reconstruit à neuf à partir des pièces de rechange! Environ 120 minutes de vol séparent HAO de FAA, aéroport de TAHITI. Je passe sur les conditions météorologiques qui font que l'avion devient un vrai yo-yo pendant l'hiver austral! Après quelques mois passés dans cet endroit infecté de moustiques je rejoins le camp d'ARUE.
C'est à HAO que résideront en 1986 le commandant MAFART et le capitaine PRIEUR, les fameux époux THURENGE après que la Nouvelle Zélande ait obtenu des garanties quant à la libération conditionnelle des deux principaux protagonistes de l'affaire du RAIMBOW WARRIOR. Cette opération amènera la démission du ministre de la Défense Charles HERNU!
Je rejoins dans la foulée le détachement de la CE à MURUROA où je vais demeurer 11mois! L'atoll de MURUROA est situé à 1200kms de PAPEETE, c'est à dire à environ 3 heures d'avion de TAHITI/FAA. Il est long d'une trentaine de kilomètres entrecoupés de passes qui relient l'océan au lagon intérieur. La largeur maximum n'excède pas une centaine de mètres. L'altitude ne doit pas dépasser 1 mètre dans son point le plus haut!. Il est situé, comme HAO, dans les îles TUAMOTU. L'atoll est le sommet d'un ancien volcan qui s'est enfoncé peu à peu dans l'océan. Cette montagne prend naissance à environ 4000 mètres de profondeur. La profondeur du lagon intérieur n'excède pas 50 mètres. MURUROA possède un port ainsi qu'une piste d'aviation susceptible de recevoir un DC3, mais pas de gros porteurs. Nous devons subir les longs trajets avion aller et retour pour nos permissions de huit jours qui tombent tous les trois mois.
Comme loisirs: un minuscule foyer tenu par un caporal chef Légion; le cinéma en plein air dans le réfectoire (quand il fonctionne); le bain sur la grande plage corallienne qui du côté lagon fait face au camp vie.
Faute d'engin de travaux public disponible au moment où j'arrive, on m'affecte un camion citerne. J'emplis cette dernière d’eau saumâtre puisée dans la nappe phréatique à l'aide d'une pompe équipée d'un moteur BERNARD. Celui ci a connu des temps meilleurs et régulièrement il tombe en carafe ou refuse de démarrer. Mécanicien confiant dans la procédure très française qui consiste à donner quelques coups de pataugas dans ce moteur récalcitrant pour le faire partir, je m'aperçois rapidement que l'emploi de la clef anglaise est nettement supérieur à l'emploi du coup de savate. Bien entendu cela ne règle absolument rien et son fonctionnement demeure un problème et m'use les nerfs.
Cette eau saumâtre est destinée aux nombreux chantiers de construction dont la compagnie de travaux n° 2 a la charge. Les bétonnières tournent à plein régime et il ne faut surtout pas qu'elles s'arrêtent par manque d'eau. Les légionnaires de la CT2 ferraillent, manient la pelle, les sacs de ciment et la bétonnière avec ardeur sous un soleil de plomb, le béret vert vissé sur la tête. Cette CT2 du 5ème Régiment Mixte est essentiellement composée de légionnaires et de deux appelés lesquels travaillent aux groupes électrogènes. On peut constater que le terme "Mixte" accolé au nom du Régiment relève de la sémantique pour ce qui concerne la troupe Légion!
Le camion citerne sert également à humidifier la piste (qui aboutit au blockhaus de tir) afin de pouvoir la compacter. Nous savons qu'à la prochaine tempête elle sera à nouveau emportée dans le lagon!. Sur l'atoll sont construites de nombreuses stations curieusement affublées de prénoms féminin (MARTINE, DENISE etc. une vieille habitude de nos généraux!). Plusieurs milliers d'hommes de toutes les armes y sont affectés. Deux bateaux à l'ancre, la MAURIENNE et le MORVAN servent de base et l'on y trouve entre autres dessus les services sanitaires (toubib, dentiste, assistante sociale). La CT1 et le détachement de la CE sont logés dans des baraques métalliques par chambrée de 6. Les lits sont équipés de moustiquaires, rapidement baptisées "mouchetiquaires" en l'absence des nématocères uniquement cantonnés à HAO. La sieste est obligatoire en raison de la chaleur, mais elle devient impossible sans cet équipement!
Qui dit présence humaine, dit consommation et donc détritus! Le stockage des poubelles a été installé sur une partie de l'atoll situé à environ 1,5 kilomètre de notre centre vie. Notre détachement est chargé de "pousser" les ordures avec un bulldozer. Les rats qui ont élu domicile dans les immondices ne nous aiment pas et n'hésitent pas à grimper sur le Bull pour protester! Le manche de pioche s'avère un juge de paix utile pour régler les conflits! Outre les rats qui pullulent malgré qu'ils aient subit une première explosion et les radiations atomiques, les mouches prospèrent. Comme il convient sous ce climat le réfectoire est constitué d'un sol bétonné, d'une charpente et d'un toit métalliques. Cela permet une bonne aération mais aussi l'accès facile aux diptères toujours affamés auxquels il faut disputer son casse croûte !
Depuis quelques années nos responsables politiques utilisent un terme magique pour se couvrir préventivement de leurs éventuelles conn.... bévues révélées principalement par une presse à l'affût de gros titres. Il s'agit du terme "principe de précaution". Ainsi en vertu du principe de précaution lié à la maladie de l' ESB appelée "maladie de la vache folle", le gouvernement a-t-il interdit la vente des abats en boucherie. En cherchant bien on pourrait trouver nombre de principes de précaution qui donnent à ceux qui les mettent en place un pouvoir lié à la peur de l'inconnu chez le citoyen lambda. Celui ci méconnaissant le fond du problème ne peut que faire confiance et approuver la décision! Faisant donc abstraction du principe de précaution qui n'est pas encore été inventé, le commandement de l'atoll fait procéder régulièrement à la destruction de ces insectes énervants. Pour cela un hélicoptère répand un insecticide sur le camp vie et bien entendu sans prévenir personne. Occupés à diverses tâches nous entendons passer un hélicoptère et par réflexe nous relevons la tête pour tenter de l'apercevoir entre les cocotiers. Du même coup nous recevons notre ration hebdomadaire de tue mouche. Merci de votre visite, à la prochaine! L'efficacité du produit nous permet au moins dans les deux jours qui suivent de déjeuner à peu près tranquille. Je ne connais pas les conséquences à long terme de ce genre de traitement sur l'homme? Il serait totalement prohibé de nos jours par.........principe de précaution!
Quant à la question de l'atome et de sa nocivité pour l'être humain il suffit de se reporter au manuel que l'on a oublié de nous remettre ou même de nous lire!. Nous portons tous en sautoir autour du cou un dosimètre destiné à mesurer la radioactivité résiduelle. Il n'est pas nominatif!. Il est régulièrement collecté et remplacé. Quelques mois après mon arrivée il ne sera plus distribué.
Fort heureusement l'air est saturé d'humidité marine fortement chargée en iode, laquelle est bonne paraît il pour la glande tyroïde qui est la première à se charger des composantes atomiques! A des fins de tests l'armée a disposé sur l'atoll des engins. Contaminés et sans doute décontaminés par le suite.. enfin je l'espère, je ne pus m'empêcher de grimper à bord d'un AMX 13 qui stationnait à l'état d'épave. La pèche et le ramassage des coquillages sont interdits.
J'ai le souvenir d'une bouée de marine échouée à quelques dizaines de mètres du rivage. Elle était entourée de fils de fer barbelé soutenus par quatre piquets métalliques. Un panneau portant le sigle de la radiation était accroché après. Sans doute disciplinées les radiations n'ont elles pas osé franchir cette barrière symbolique mais épineuse, tout comme le fameux nuage de TCHERNOBYL nos frontières nationales!
Si lors de cette lamentable affaire, le principe de précaution avait été à la mode, le ministre de l'écologie aurait de ce pas institué un principe de précaution visant à interdire la consommation de légumes frais sur l'ensemble du territoire national et surtout interdisant aux sangliers de se délecter des champignons lesquels sont de gros consommateurs de composantes atomiques! Les sangliers sont à leur tour manger par les chasseurs. La boucle est bouclée et la contamination assurée!
Comme vous pouvez le constater nous sommes assez éloignés de l'idée que l'on peut se faire d'un séjour paradisiaque en POLYNESIE lequel consiste comme chacun le sait pour un rentier à siroter un verre bien frais confortablement installé dans un hamac tendu entre deux cocotiers, une main sur la hanche d'une charmante vahiné et l'autre sur la manette du tiroir caisse à francs CFP. Je vous déconseille toutefois le hamac tendu entre les cocotiers en raison des chutes de noix qui provoquent une douleur bien plus intense que l'insecticide lorsqu'elles vous atterrissent sur le crâne! Simple principe de précaution!
A ma connaissance je n’ai jamais entendu parler d’une quelconque reconnaissance décernée aux légionnaires qui ont sué sang et eau sur les atolls de Polynésie française que ce soit sous la forme d’un témoignage de reconnaissance et encore moins de remise d’une Croix de la valeur militaire. Il parait que le temps passé à MURUROA est pris en compte pour l’octroi de la médaille militaire. Sans blague ! Le légionnaire qui fait un contrat court n’a aucune chance de la recevoir.
Aussi il serait temps que le titre de reconnaissance de la Nation soit accordé également aux anciens, de toutes armes, des expériences atmosphériques du Pacifique. En effet les militaires qui ont participé aux essais atmosphériques dans le SAHARA, et qui n’ont fait que cela, ont eu droit non seulement au titre de reconnaissance de la Nation mais aussi à la Croix du Combattant. Tant mieux pour eux. Mais bien entendu les chefs d’Etat major de nos armées ont d’autres chats à fouetter que de s’occuper de ce genre de pacotille ! Comment pourrions nous garder de l’estime à ces personnes?
ROBERT Jean Pierre -
Abonné au mensuel Képi Blanc, j'ai constaté que celui ci réserve régulièrement une part de sa pagination à la publication des périodes héroïques vécues par nos anciens en Indochine, Algérie et autres lieux. Rien de plus normal. La Légion est le fer de lance de la France, une arme puissante, redoutée et respectée de ses adversaires. La gloire amassée par ces anciens au prix de grandes souffrances physiques et morales profite de facto à la génération suivante de nouveaux légionnaires qui n'ont qu'une hâte, celle d'essayer de surpasser leurs aînés lorsque l'occasion se présentera. C'est ainsi que se bâti la réputation légionnaire, laquelle doit être constamment entretenue au risque de ne plus conserver sa valeur d'antan!
Certes la Légion c'est le combat. Mais ce n'est pas que cela. A bien lire les ouvrages de référence traitant de son l'histoire force est de constater qu'elle est avant tout une arme qui défriche, construit, entretient, c'est à dire une armée de bâtisseurs. Partout où la Légion est passée subsiste un témoignage de ce passage, y compris dans les cimetières. Il n'est que de parler de SIDI BEL ABBES! Et aussi plus proche de nous de la réalisation de nombreuses infrastructures dans les pays où stationne de manière permanente ou ponctuelle une unité de Légion! Donc les légionnaires sont aussi et même avant tout des pionniers, c'est à dire ceux qui ouvrent une voie nouvelle, parfois en faisant le coup de feu, dans des territoires souvent inhospitaliers comme cela a été le cas lors de la colonisation de l'Algérie, de la conquête du TONKIN et de la pacification du MAROC. La mort fût la compagne des légionnaires combattants. Elle fût aussi souvent celle des légionnaires bâtisseurs, conséquence de fièvres et de maladies pernicieuses générées par un environnement insalubre, un climat rude, des conditions d'existence précaires, mais aussi hélas d'accidents.
A l'exception de la satisfaction d'avoir rempli la mission confiée, qu'il a t il d'héroïque à tracer, construire et entretenir une route ou une piste ? A lancer un pont? A percer un tunnel? A édifier une redoute ou un fortin? A bâtir un camp ou une caserne modèle? A bétonner des infrastructures destinées à la mise au point et à l'amélioration d'une arme atomique durant près de quarante années? A ériger un mur destiné à protéger une route des assauts de l'océan?. Un point commun avec nos anciens, pionniers dans les pays précités: La sueur, la fatigue, le coup de soleil, le cafard consécutif à un travail répétitif et peu gratifiant pour lequel l'engagé volontaire n'était pas...volontaire, mais le devient par la force des choses, de son encadrement qui le houspille, le motive, l'encourage, le punit et parfois même le récompense! Cette catégorie de légionnaires bâtisseurs la plus nombreuse quelque soit l'époque fait rarement la une de KB! Et pourtant c'est aussi la Légion!
Grenadier voltigeur de formation initiale et sapeur pionnier par spécialisation je vous invite à faire un tour dans le Pacifique Sud là où le soleil est présent chaque jour de l'année quand il ne pleut pas; la chaleur omniprésente sauf pendant l'hiver austral; où l'océan est d'une limpidité merveilleuse quand il n'est pas houleux voire hostile; où les plages sont blanches sauf à TAHITI où elles sont constituées de sable noir; où les vahinés sont aguichantes sauf sur les atolls où elles sont absentes; et où le sapeur légionnaire est partout en tenue de travail short /chemisette bleu marine, pataugas et béret vert, avec souvent en main une pelle, une pioche à défaut d'une hache ou d'autre chose! Aller, un pet'it coup d' HINANO (bière locale) on se crache dans les mains et on y va!
En Juin 1968, je me trouve affecté au 5ème Régiment Mixte du Pacifique. Après un voyage avion par vol UTA et escales à ATHENES, COLOMBO, DJAKARTA, NOUMEA j'arrive 24h heures plus tard à TAHITI/FAA, puis au camp d'ARUÉ. Le régiment est l'héritier du fameux Régiment du Tonkin, le 5ème REI dissout en novembre 1963. Le 5ème RMP a hérité du chiffre 5 et de l'emblème tricolore du plus beau, du plus chic et du plus chouette des régiments de la Légion Etrangère. Au camp d'ARUÉ, je repasse mes permis de conduire et je reçois une formation complète de sapeur du génie au sein de la compagnie d'Equipement(CE). L'encadrement officiers et sous officiers supérieurs de cette compagnie est essentiellement issu de l'arme du Génie. Le chef de corps du 5ème, le colonel AUTRAN, est lui même un sapeur.
Au cours d'un stage soutenu dispensé par des cadres de l'arme du génie, j'apprends l'utilisation du bulldozer Richard Continental, de la pelle mécanique POCLAIN, du tracteur chargeur MICHIGAN et même l'emploi du compresseur SPIROS. Je suis reçu à l'examen final et déclaré apte à la spécialisation de conducteur d'engins de travaux publics! En dehors de cette formation, j'effectuerai mon séjour de deux ans sans apprendre le chant du régiment ni même sans tirer un seul coup de fusil. En comparaison du "pétard atomique", le MAS 49/56 fait piètre figure. Nous étions là pour travailler, bosser, trimer, pas pour chanter, faire des cartons, ou des exercices de défilés!
A l'issue du stage de qualification je suis affecté sur l'atoll de HAO à faire le "pousse cailloux" soit avec un bulldozer RICHARD CONTINENTAL, soit comme manœuvre au concasseur qui produit les matériaux destinés aux routes et aux divers chantiers de construction. La matière première qui approvisionne cet engin provient de la dalle corallienne Cet atoll est situé à environ 900kms de TAHITI.
Pour la Légion on y trouve: la 1ère compagnie de travaux (CT 1) et un détachement de la CE composée de légionnaires et de quelques sapeurs. Implanté depuis des générations sur l'atoll, le village d'OTEPA, peuplé de tahitiens, est interdit à la troupe. Ces derniers vivent soit d'un emploi au CEA/CEP; de la récolte du copra (intérieur de la noix de coco séché utilisé en cosmétique) où de la pêche de la nacre. Le Centre d'expérimentation du Pacifique (CEP) et le Commissariat à l'Energie Atomique (CEA) possèdent leurs infrastructures sur l'atoll.
C'est dans celles ci que sont assemblés, parait-il, les éléments de la bombe atomique et secret défense oblige il est formellement interdit de photographier quoi que ce soit! Un port et un aéroport complètent les installations. La piste relativement longue permet l'atterrissage de gros porteurs. Parqués en permanence et prêts au décollage: quelques hélicoptères Alouette, les Breguet Alizé et les Catalina de l'Aéronavale qui exercent la surveillance maritime et ravitaillent les îlots où sont installées les stations météorologiques.
La liaison avec TAHITI est assurée par un avion à deux moteurs, qui a connu le dernier conflit mondial et dont certains laissent entendre qu'il est reconstruit à neuf à partir des pièces de rechange! Environ 120 minutes de vol séparent HAO de FAA, aéroport de TAHITI. Je passe sur les conditions météorologiques qui font que l'avion devient un vrai yo-yo pendant l'hiver austral! Après quelques mois passés dans cet endroit infecté de moustiques je rejoins le camp d'ARUE.
C'est à HAO que résideront en 1986 le commandant MAFART et le capitaine PRIEUR, les fameux époux THURENGE après que la Nouvelle Zélande ait obtenu des garanties quant à la libération conditionnelle des deux principaux protagonistes de l'affaire du RAIMBOW WARRIOR. Cette opération amènera la démission du ministre de la Défense Charles HERNU!
Je rejoins dans la foulée le détachement de la CE à MURUROA où je vais demeurer 11mois! L'atoll de MURUROA est situé à 1200kms de PAPEETE, c'est à dire à environ 3 heures d'avion de TAHITI/FAA. Il est long d'une trentaine de kilomètres entrecoupés de passes qui relient l'océan au lagon intérieur. La largeur maximum n'excède pas une centaine de mètres. L'altitude ne doit pas dépasser 1 mètre dans son point le plus haut!. Il est situé, comme HAO, dans les îles TUAMOTU. L'atoll est le sommet d'un ancien volcan qui s'est enfoncé peu à peu dans l'océan. Cette montagne prend naissance à environ 4000 mètres de profondeur. La profondeur du lagon intérieur n'excède pas 50 mètres. MURUROA possède un port ainsi qu'une piste d'aviation susceptible de recevoir un DC3, mais pas de gros porteurs. Nous devons subir les longs trajets avion aller et retour pour nos permissions de huit jours qui tombent tous les trois mois.
Comme loisirs: un minuscule foyer tenu par un caporal chef Légion; le cinéma en plein air dans le réfectoire (quand il fonctionne); le bain sur la grande plage corallienne qui du côté lagon fait face au camp vie.
Faute d'engin de travaux public disponible au moment où j'arrive, on m'affecte un camion citerne. J'emplis cette dernière d’eau saumâtre puisée dans la nappe phréatique à l'aide d'une pompe équipée d'un moteur BERNARD. Celui ci a connu des temps meilleurs et régulièrement il tombe en carafe ou refuse de démarrer. Mécanicien confiant dans la procédure très française qui consiste à donner quelques coups de pataugas dans ce moteur récalcitrant pour le faire partir, je m'aperçois rapidement que l'emploi de la clef anglaise est nettement supérieur à l'emploi du coup de savate. Bien entendu cela ne règle absolument rien et son fonctionnement demeure un problème et m'use les nerfs.
Cette eau saumâtre est destinée aux nombreux chantiers de construction dont la compagnie de travaux n° 2 a la charge. Les bétonnières tournent à plein régime et il ne faut surtout pas qu'elles s'arrêtent par manque d'eau. Les légionnaires de la CT2 ferraillent, manient la pelle, les sacs de ciment et la bétonnière avec ardeur sous un soleil de plomb, le béret vert vissé sur la tête. Cette CT2 du 5ème Régiment Mixte est essentiellement composée de légionnaires et de deux appelés lesquels travaillent aux groupes électrogènes. On peut constater que le terme "Mixte" accolé au nom du Régiment relève de la sémantique pour ce qui concerne la troupe Légion!
Le camion citerne sert également à humidifier la piste (qui aboutit au blockhaus de tir) afin de pouvoir la compacter. Nous savons qu'à la prochaine tempête elle sera à nouveau emportée dans le lagon!. Sur l'atoll sont construites de nombreuses stations curieusement affublées de prénoms féminin (MARTINE, DENISE etc. une vieille habitude de nos généraux!). Plusieurs milliers d'hommes de toutes les armes y sont affectés. Deux bateaux à l'ancre, la MAURIENNE et le MORVAN servent de base et l'on y trouve entre autres dessus les services sanitaires (toubib, dentiste, assistante sociale). La CT1 et le détachement de la CE sont logés dans des baraques métalliques par chambrée de 6. Les lits sont équipés de moustiquaires, rapidement baptisées "mouchetiquaires" en l'absence des nématocères uniquement cantonnés à HAO. La sieste est obligatoire en raison de la chaleur, mais elle devient impossible sans cet équipement!
Qui dit présence humaine, dit consommation et donc détritus! Le stockage des poubelles a été installé sur une partie de l'atoll situé à environ 1,5 kilomètre de notre centre vie. Notre détachement est chargé de "pousser" les ordures avec un bulldozer. Les rats qui ont élu domicile dans les immondices ne nous aiment pas et n'hésitent pas à grimper sur le Bull pour protester! Le manche de pioche s'avère un juge de paix utile pour régler les conflits! Outre les rats qui pullulent malgré qu'ils aient subit une première explosion et les radiations atomiques, les mouches prospèrent. Comme il convient sous ce climat le réfectoire est constitué d'un sol bétonné, d'une charpente et d'un toit métalliques. Cela permet une bonne aération mais aussi l'accès facile aux diptères toujours affamés auxquels il faut disputer son casse croûte !
Depuis quelques années nos responsables politiques utilisent un terme magique pour se couvrir préventivement de leurs éventuelles conn.... bévues révélées principalement par une presse à l'affût de gros titres. Il s'agit du terme "principe de précaution". Ainsi en vertu du principe de précaution lié à la maladie de l' ESB appelée "maladie de la vache folle", le gouvernement a-t-il interdit la vente des abats en boucherie. En cherchant bien on pourrait trouver nombre de principes de précaution qui donnent à ceux qui les mettent en place un pouvoir lié à la peur de l'inconnu chez le citoyen lambda. Celui ci méconnaissant le fond du problème ne peut que faire confiance et approuver la décision! Faisant donc abstraction du principe de précaution qui n'est pas encore été inventé, le commandement de l'atoll fait procéder régulièrement à la destruction de ces insectes énervants. Pour cela un hélicoptère répand un insecticide sur le camp vie et bien entendu sans prévenir personne. Occupés à diverses tâches nous entendons passer un hélicoptère et par réflexe nous relevons la tête pour tenter de l'apercevoir entre les cocotiers. Du même coup nous recevons notre ration hebdomadaire de tue mouche. Merci de votre visite, à la prochaine! L'efficacité du produit nous permet au moins dans les deux jours qui suivent de déjeuner à peu près tranquille. Je ne connais pas les conséquences à long terme de ce genre de traitement sur l'homme? Il serait totalement prohibé de nos jours par.........principe de précaution!
Quant à la question de l'atome et de sa nocivité pour l'être humain il suffit de se reporter au manuel que l'on a oublié de nous remettre ou même de nous lire!. Nous portons tous en sautoir autour du cou un dosimètre destiné à mesurer la radioactivité résiduelle. Il n'est pas nominatif!. Il est régulièrement collecté et remplacé. Quelques mois après mon arrivée il ne sera plus distribué.
Fort heureusement l'air est saturé d'humidité marine fortement chargée en iode, laquelle est bonne paraît il pour la glande tyroïde qui est la première à se charger des composantes atomiques! A des fins de tests l'armée a disposé sur l'atoll des engins. Contaminés et sans doute décontaminés par le suite.. enfin je l'espère, je ne pus m'empêcher de grimper à bord d'un AMX 13 qui stationnait à l'état d'épave. La pèche et le ramassage des coquillages sont interdits.
J'ai le souvenir d'une bouée de marine échouée à quelques dizaines de mètres du rivage. Elle était entourée de fils de fer barbelé soutenus par quatre piquets métalliques. Un panneau portant le sigle de la radiation était accroché après. Sans doute disciplinées les radiations n'ont elles pas osé franchir cette barrière symbolique mais épineuse, tout comme le fameux nuage de TCHERNOBYL nos frontières nationales!
Si lors de cette lamentable affaire, le principe de précaution avait été à la mode, le ministre de l'écologie aurait de ce pas institué un principe de précaution visant à interdire la consommation de légumes frais sur l'ensemble du territoire national et surtout interdisant aux sangliers de se délecter des champignons lesquels sont de gros consommateurs de composantes atomiques! Les sangliers sont à leur tour manger par les chasseurs. La boucle est bouclée et la contamination assurée!
Comme vous pouvez le constater nous sommes assez éloignés de l'idée que l'on peut se faire d'un séjour paradisiaque en POLYNESIE lequel consiste comme chacun le sait pour un rentier à siroter un verre bien frais confortablement installé dans un hamac tendu entre deux cocotiers, une main sur la hanche d'une charmante vahiné et l'autre sur la manette du tiroir caisse à francs CFP. Je vous déconseille toutefois le hamac tendu entre les cocotiers en raison des chutes de noix qui provoquent une douleur bien plus intense que l'insecticide lorsqu'elles vous atterrissent sur le crâne! Simple principe de précaution!
A ma connaissance je n’ai jamais entendu parler d’une quelconque reconnaissance décernée aux légionnaires qui ont sué sang et eau sur les atolls de Polynésie française que ce soit sous la forme d’un témoignage de reconnaissance et encore moins de remise d’une Croix de la valeur militaire. Il parait que le temps passé à MURUROA est pris en compte pour l’octroi de la médaille militaire. Sans blague ! Le légionnaire qui fait un contrat court n’a aucune chance de la recevoir.
Aussi il serait temps que le titre de reconnaissance de la Nation soit accordé également aux anciens, de toutes armes, des expériences atmosphériques du Pacifique. En effet les militaires qui ont participé aux essais atmosphériques dans le SAHARA, et qui n’ont fait que cela, ont eu droit non seulement au titre de reconnaissance de la Nation mais aussi à la Croix du Combattant. Tant mieux pour eux. Mais bien entendu les chefs d’Etat major de nos armées ont d’autres chats à fouetter que de s’occuper de ce genre de pacotille ! Comment pourrions nous garder de l’estime à ces personnes?
ROBERT Jean Pierre -
Re: Souvenirs qui passent - 5ème RMP - Compagnie d' Equipement
Merci Robert ,je ne savais pas peut être qu'un jours l'état sera mis devant ses responsabilités
Invité- Invité
Re: Souvenirs qui passent - 5ème RMP - Compagnie d' Equipement
Bonjour Robert et Sylvain...bien d'accord avec toi JP, parmi ceux que j'ai connus ayant participé aux essais au Sahara la mort, des années plus tard, n'a pas été douce physiquement ni adoucie par quelque marque de reconnaissance moralement..."ils ont fait leur devoir avec les risques encourus"(sic)
Hommage in memoriam.
Des souvenirs qui passent mais de grandes cicatrices qui restent!
Hommage in memoriam.
Des souvenirs qui passent mais de grandes cicatrices qui restent!
Claire notre Marraine- Localisation : Suisse
Messages : 773
Date d'inscription : 01/12/2012
Age : 82
Re: Souvenirs qui passent - 5ème RMP - Compagnie d' Equipement
Robert,Sylvain,Claire.
Merci Robert de nous relater cette époque(passée dans l'oublie),les Francais igorent tout cela et s'en foutrent certainement,cela ne les touchent pas,peut-etre par:"principe de precaution" :clin d'oeil:
Merci Robert de nous relater cette époque(passée dans l'oublie),les Francais igorent tout cela et s'en foutrent certainement,cela ne les touchent pas,peut-etre par:"principe de precaution" :clin d'oeil:
Gibert j- Localisation : Ilede France (92)
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Date d'inscription : 24/07/2011
Age : 82
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