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Siège de Tuyên Quang

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Siège de Tuyên Quang Empty Siège de Tuyên Quang

Message par Admin Sam 21 Nov - 8:46

Siège de Tuyên Quang Pietrimap Siège de Tuyên Quang 0406
Dès le 24 novembre 1884, d’importantes forces chinoises renforcées de Pavillons noirs, évaluées à 10 000 combattants, sont rassemblées à moins de 10 km de la citadelle sous les ordres de Luu Vinh Phuoc. Selon le règlement d’alors, l’état de siège est déclaré. Le siège commence.
Sous les ordres du chef de bataillon Dominé, deux compagnies de Légion, soit 390 hommes dont 8 officiers, commandés par le capitaine Cattelain, une compagnie de tirailleurs tonkinois avec 162 hommes commandés par deux officiers, une section de 31 artilleurs de marine avec deux canons de 80 mm, deux de « 4 » de montagne, deux mitrailleuses Hotchkiss, le sergent Bobillot et 7 sapeurs du génie, un médecin, un pasteur protestant, 3 infirmiers, 3 boulangers, monsieur Gauthier de Rougemont, un civil préposé aux vivres et les marins de la canonnière « La Mitrailleuse », soit 598 hommes résistent aux assauts ennemis.
Avec 1 500 coups de canon, 250 000 cartouches d’infanterie, 4 mois de vivres et 75 outils de terrassier, le commandant organise le siège et chaque jour il effectue des reconnaissances à quelques kilomètres de la place. Le 3 décembre, un convoi de 38 bœufs est amené par la canonnière l’« Éclair ». Le 4 décembre, 50 pirates s’approchent à moins de 2 km de la redoute. Le 7, une compagnie de 30 tirailleurs tonkinois bouscule 700 chinois à 5 km au sud-ouest près du village de Dong Yen.
Depuis plusieurs jours, le chef de bataillon Dominé fait fortifier les emplacements de combat avec des matériaux récupérés dans une vielle pagode en ruine. Les sapeurs renforcent le blockhaus en cinq jours. Cet ouvrage est tenu par un sergent et douze hommes, relevés toutes les 24 heures. Un chemin de 1 500 m est construit pour monter au mamelon. Une reconnaissance est chargée d’évaluer les forces ennemies.
La 1e compagnie de Légion, renforcée d’une pièce de « 4 » à 30 coups, de 40 tirailleurs tonkinois, pousse jusqu’à Dong Yen à 4 km de sa base. Elle tombe sur les fortins chinois, enlève un petit poste et une tranchée mais les violents accrochages permettent aux contingents d’Y La et de Yen de cerner la colonne. Le chef de bataillon Dominé, prévoyant la manœuvre, envoie des renforts pour assurer une ligne de retraite. Aucune sortie ne peut être programmée, à l’exception de patrouilles légères, dans un proche périmètre, la garnison est employée à construire des protections : casemates, chemins couvert. De décembre à janvier, l’ennemi se fait plus entreprenant. Patrouilles, embuscades, attaques contre le blockhaus resserrent le cercle du siège. La capture d’un régulier chinois permet de connaître les forces en présence : 3 200 Chinois, dont 2 000 Pavillons Noirs et 1 200 réguliers du Kouang si, campent à Phu Yen Binh et à Phu Doan ; 5 000 réguliers du Yunnan et 1 000 Pavillons Noirs sont à Yen Bay.
Les hostilités sérieuses débutent le 26 janvier. Un vacarme infernal mêlant tam-tams, gongs, trompettes et fusillade se fait entendre. La ligne de défense des tirailleurs tonkinois est attaquée ; le village annamite est incendié ; les habitants se réfugient dans la citadelle. Une attaque pied à pied se prépare. Un millier de Chinois se lancent à l’assaut de la citadelle, mais sont stoppés par les feux croisés de la canonnière et de la garnison. Les 18 légionnaires du blockhaus, sous les ordres du sergent Lebon, repoussent l’ennemi.
Pendant plus de 30 jours, c’est un bombardement continu. Seule une accalmie quotidienne, vers 10 h, trouble le vacarme de la bataille. C’est l’heure où les chinois se restaurent du tiou-tiou et fument la pipe d’opium. Les Français en profitent également pour avaler rapidement leur soupe, qui se compose d’endaubade en ragoût, en boulettes, aux oignons. Le menu est peu varié.
L’ennemi chemine pied à pied et le 28 janvier, il n’est plus qu’à 100 m du blockhaus. Ses défenseurs doivent tenir encore pour retarder au maximum l’avance des Pavillons Noirs. L’ouvrage est cependant évacué le 30 et occupé presque aussitôt par l’adversaire. Celui-ci, fort de ce point d’appui, avance à grands pas. Il s’établit sur la rive gauche du fleuve et ses tirs redoublent d’intensité et leurs effets deviennent plus meurtriers. La discipline de feu de la citadelle est parfaitement contrôlée. La plus grande partie des munitions brûlées l’est par 25 légionnaires, parmi les meilleurs, placés en tireurs de position sur le mamelon. Un Suisse, le légionnaire Sarback, élimine plus de 20 Chinois avant de recevoir une balle au front qui le met hors de combat.
Le 30 janvier, la tête de sape des Chinois coupe la ligne de communication avec la citadelle. Le blockhaus est évacué. Le 6 février, l’adversaire s’est approché à 5 m du mur masqué par des fascines et plante un drapeau. Le lieutenant Gœury de la 1re compagnie de Légion s’en empare au moyen d’une corde à nœud coulant, comme un lasso.
Le 8 février, La garnison a perdu 6 tués et 22 blessés. Le légionnaire Wunderli est tué le premier au combat de Yoc, d’une balle dans la tête, le 12 nov. Les Chinois creusent des galeries de sape. Les défenseurs creusent des contre-galeries. C’est la guerre de siège. Le 11, les mineurs chinois et français sont face à face. La mine chinoise est inondée au moyen de seaux d’eau préparés. Le 12, la première sape explose ; l’ennemi s’élance dans un assaut aussitôt brisé. Le 13, le saillant sud-ouest de la citadelle saute. Le capitaine Moulinay commandant la 2e compagnie de Légion, couvre la brèche de ses armes. Le bilan est lourd : 5 tués et une dizaine de blessés. Le légionnaire Schelbaum est précipité en dehors du rempart, mort, défiguré par l’explosion. Il est récupéré héroïquement par le caporal Beulin et quatre hommes de la 2e compagnie. Ce dernier est nommé sergent sur le champ. Plus tard, il recevra la Légion d’honneur.
Le chef de bataillon Dominé ordonne la construction d’une citadelle plus petite, à l’intérieur de la citadelle, car les Chinois creusent sept galeries et pensent faire sauter 150 m de murs. Le travail a lieu pendant la nuit. Des trous sont creusés pour mettre à l’abri les munitions qui ne sont plus en sûreté à la poudrière. Le 16, le sergent Beulin sort avec 20 légionnaires pour neutraliser un trou pratiqué par l’ennemi. Quatre légionnaires sont tués et un autre blessé.
Le 17, le capitaine Dia, commandant les Tonkinois est tué. Le 18, le sergent Bobillot est blessé en faisant une ronde sur la brèche. Il décèdera un mois plus tard. Le 22, les Chinois font exploser une mine sous les saillants ouest et sortent des tranchées. Le capitaine Moulinay à la tête d’une demi section et d’un groupe de sapeur contre-attaque. Il est tué ainsi que 12 de ses hommes. Le sous-lieutenant Vincent et 25 hommes sont blessés.
Le chef de bataillon Dominé, à la tête de d’une section de la 2e compagnie fait sonner la charge et repousse les Chinois. Le 24, ceux-ci se précipitent sur les brèches. Le sergent-major Husband, le sergent Thévenet et leurs légionnaires refoulent à la baïonnette les assaillants, qui laissent deux grands drapeaux. Le 25, l’ennemi désespérant de prendre pied dans les brèches, laisse 40 morts avec leurs armes.
Un courrier annamite apporte une dépêche annonçant la venue d’une colonne de renfort, la promotion au grade de capitaine du lieutenant Naert, de la nomination au grade de sous-lieutenant du sergent-major Camps.
Le 28, une septième mine ouvre une brèche où s’engouffrent les colonnes d’assaut qui se heurtent aux baïonnettes des légionnaires pendant 3 h. Au matin les Chinois battent en retraite. Le 2 mars la colonne de secours, avec à sa tête le général Bière de Lisle et commandée par le colonel Giovaninelli, accroche les Chinois, à Hoa Moc, à 8 km de la citadelle. Cette colonne perd 400 hommes dont 34 officiers.
Le matin du 3, jour où la garnison est débloquée par les renforts de la colonne de secours, en tête de laquelle marchent les deux autres compagnies du 1er bataillon, commandées par le capitaine Frauger. Pendant la bataille, le légionnaire Streiber reçoit la dernière balle mortelle, en s’interposant entre des Chinois retranchés et le capitaine de Borelli.
L’Histoire garde en mémoire les noms du capitaine Moulinay, tué à la tête de la 1e compagnie, du capitaine Cattelin qui s’empare de deux drapeaux, du caporal Beulin qui, sous le feu ennemi, ramène les corps des légionnaires Schelbaum et Streibler. La garnison est réduite à 420 hommes. 48 hommes sont morts, et il y a 216 blessés; 8 mourront de leurs blessures dont Bobillot blessé le 18 février et qui mourra 1 mois plus tard à l’hôpital de Hanoi. Parmi ces pertes, 32 légionnaires morts au combat, ainsi que 126 blessés dont tous les officiers.

Siège de Tuyên Quang Porte_dela_citadelle_BacNinh


Siège de Tuyên Quang Citadelle_de_BacNinh_1884

Siège de Tuyên Quang Citadelle_de_SonTay Erigée en Moyenne Région, une vieille forteresse chinoise, couronne un mamelon aux pentes raides. Elle est située sur la rive droite de la rivière Claire, à 50 km au-dessus de son confluent avec le Fleuve Rouge. Elle domine un village de caïn has, d’une centaine d’habitants. Surplombée de toutes parts par des hauteurs couvertes de jungle, elle est composée d’une vieille enceinte de forme carrée, construite de pierres sèches, de 3 m de hauts, de 270 m de côté. Sur chaque face, sauf au Nord, une demi tour, faisant flanquement, est rehaussée d’un mirador. Au centre, s’élève un énorme mamelon de 70 m de haut, bordés de magasins à riz et de quelques masures. Le sommet du mamelon forme un plateau où se trouvent des constructions en pierre. On y arrive par un escalier droit comprenant 193 marches, sur le côté sud. Une seule porte à l’Est, le long de la rivière Claire, qui longe la citadelle sur 25 m, communique avec le fleuve et par un chemin couvert, avec les pagodes fortifiées du cantonnement d’une compagnie tonkinoise. Une redoute, dont la position est très désavantageuse pour les défenseurs, est entourée de collines parfois très proches. Cette position occupée par des assaillants rend la citadelle exposée à un feu extrêmement meurtrier.

Siège de Tuyên Quang Bataille Siège de Tuyên Quang Defense+of+Tuyen+Quan+bf+1923

Siège de Tuyên Quang 426px-Legion_sniper%2C_Tuyen_Quang Siège de Tuyên Quang Chinese_Prisoners prisonnier a Tuyeng Quang

Siège de Tuyên Quang 721px-Tuyen_Quang_Assault

Siège de Tuyên Quang Prise_de_Son_Tay Siège de Tuyên Quang 180px-French_soldiers_in_the_Tonkin_circa_1890


Siège de Tuyên Quang Guerre-Franco-Chinoise-SonTay-dans-la-citadelle

Dans la citadelle de Son-Tây
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Message par Invité Sam 21 Nov - 10:27

Super boulot !!!!

Merci Siège de Tuyên Quang 843474 Siège de Tuyên Quang 843474

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Message par olivier Dim 22 Nov - 16:38

merci Daniel
j'ai lu que les viets ont tout rasé pour effacer les traces de la presence francaise en 50 /54??
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Message par Invité Mar 22 Déc - 10:39

Merci Daniel comme tjs Siège de Tuyên Quang 742308 Siège de Tuyên Quang 742308

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Message par Admin Mar 22 Déc - 22:49

cloche de la pagode

Siège de Tuyên Quang 359px-Pagoda_bell_from_the_siege_of_Tuyen_Quang
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Message par Invité Mer 23 Déc - 16:39

Siège de Tuyên Quang 327123

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Message par Admin Mar 13 Avr - 6:53

Siège de Tuyên Quang Tuyen_Quang_Citadel

Siège de Tuyên Quang Colonel_Domin%C3%A9 Chef de bataillon Marc-Edmond Dominé (1848-1920),

« A Tuyen-Quan, le génie militaire n'était représenté que par le sergent Bobillot, le caporal Cacheux et six soldats, les sapeurs Raymond, Edme, Couzir, Dominique, Védéme et Blanc, du 4è régiment du génie. Leur besogne était rude.

[…]

Dévouement du sergent Bobillot. – Avec 40 pelles, 27 pioches et 4 haches, tout ce qu'on possédait, le sergent Bobillot, le chef, fit exécuter, à 400 mètres en avant de la place, un ouvrage de fortification derrière lequel les défenseurs résistèrent longtemps. […]

Partout, dans l'intérieur de la place, il dirigea la construction de retranchements, afin de mettre la garnison à l'abri du bombardement qui ne cessait pas. Tous les jours il exposait sa vie.

Sous terre, il luttait aussi. Les Chinois creusaient des galeries souterraines pour déposer de la poudre jusque sous les murs et les faire sauter. L'oreille attentive au moindre bruit, aussitôt que les coups sourds de la pioche annonçaient l'approche des travailleurs chinois, le sergent Bobillot n'hésitait pas à se porter à leur rencontre. […] Toujours il découvrait les travaux des Chinois et conjurait le sort en donnant l'alarme.

[…]

Mort du sergent Bobillot. – Un jour, le sergent Bobillot faisait une ronde sur les remparts où veillaient les sentinelles […] quand arriva une balle qui lui cassa l'épine dorsale. Le brave sous-officier est transporté à l'ambulance où le commandant Dominé vint le visiter. […] Cet officier […] lui demande s'il préfère être nommé sous-lieutenant plutôt que d'être proposé pour la croix de la Légion d'honneur. Bien qu'il ne soit pas riche, il aime mieux la croix, faisant passer l'honneur avant le grade ; mais hélas ! […] quelques jours après, il mourut des suites de sa blessure.

Jules Bobillot était né en 1860, à Paris ; à vingt ans, il s'était engagé au 4è régiment du génie.»
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Message par Admin Mar 13 Avr - 7:06

Lors du siège de Tuyen Quang, les tranchées des pavillons noirs sont si proche que des légionnaires subtilisent un drapeau avec un nœud coulant accroché à une perche. Le capitaine de Borelli en fît don au Musée des souvenirs de Bel-Abbès, précisant : "ce trophée ne devra jamais quitter Bel-Abbès. Si la Légion en part définitivement, il faudra le brûler." Ce sera chose faite en 1962.
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Message par Admin Mar 13 Avr - 7:07

Le poème du capitaine de Borelli.



A mes hommes qui sont morts

Et particulièrement à la mémoire de Tiebald Streibler

Qui m'a donné sa vie le 3 mars 1885

Siège de Tuyen-Quang.



Mes compagnons, c'est moi ; mes bonnes gens de guerre,

C'est votre Chef d'hier qui vient parler ici

De ce qu'on ne sait pas, ou que l'on ne sait guère ;

Mes Morts, je vous salue et je vous dis : Merci.



Il serait temps qu'en France on se prît de vergogne

A connaître aussi mal la vieille Légion

De qui, pour l'avoir vue à sa rude besogne

J'ai la très grande amour et la religion.



Or, écoutez ceci : "Déserteurs ! Mercenaires !"

"Ramassis d'Etrangers sans honneur et sans foi !"

C'est de vous qu'il s'agit, de vous, Légionnaires !

Ayez-en le cœur net, et demandez pourquoi ?



Sans honneur ? Ah ! passons ! Et sans foi ? Qu'est-ce à dire,

Que fallait-il de plus et qu'aurait-on voulu ?

N'avez-vous pas tenu, tenu jusqu'au martyre,

La parole donnée et le marché conclu ?



Mercenaires ? sans doute : il faut manger pour vivre ;

Déserteurs ? Est-ce à nous de faire ce procès ?

Etrangers ? Soit. Après ? Selon quel nouveau livre

Le maréchal de Saxe était-il donc Français ?



Et quand donc les Français voudront-ils bien entendre

Que la guerre se fait dent pour dent, œil pour œil

Et que des Etrangers qui sont morts, à tout perdre,

Chaque fois, en mourant, leur épargnaient un deuil.



Aussi bien c'est assez d'inutile colère,

Vous n'avez pas besoin d'être tant défendus ;

Voici le Fleuve Rouge et la Rivière Claire

Et je parle à vous seuls de vous que j'ai perdus !



Jamais garde de Roi, d'Empereur, d'Autocrate,

De Pape ou de Sultan, jamais nul Régiment

Chamarré d'or, drapé d'azur ou d'écarlate,

N'allez d'un air plus mâle et plus superbement.



Vous aviez des bras forts et des tailles bien prises,

Qui faisaient mieux valoir vos hardes en lambeaux ;

Et je rajeunissais à voir vos barbes grises,

Et je tressaillais d'aise à vous trouver si beaux.



Votre allure était simple et jamais théâtrale ;

Mais, le moment venu, ce qu'il eût fallu voir,

C'était votre façon hautaine et magistrale

D'aborder le "Céleste" ou de le recevoir.



On fait des songes fous, parfois, quand on chemine,

Et je me surprenais en moi-même à penser,

Devant ce style à part et cette grand mine

Par où nous pourrions bien ne pas pouvoir passer ?



J'étais si sûr de vous ! Et puis, s'il faut tout dire,

Nous nous étions compris : aussi de temps en temps,

Quand je vous regardais vous aviez un sourire,

Et moi je souriais de vous sentir contents.



Vous aimiez, troupe rude et sans pédanterie,

Les hommes de plein air et non professeurs ;

Et l'on mettait, mon Dieu, de la coquetterie

A faire de son mieux, vous sachant connaisseurs.



Mais vous disiez alors : "La chose nous regarde,

Nous nous passerons bien d'exemples superflus ;

Ordonnez seulement, et prenez un peu garde,

On vous attend … et nous on ne nous attend plus !"



Et je voyais glisser sous votre front austère

Comme un clin d'œil ami doucement aiguisé,

Car vous aviez souvent épié le mystère

D'une lettre relue ou d'un portait baisé.



N'ayant à vous ni nom, ni foyer, ni Patrie

Rien où mettre l'orgueil de votre sang versé,

Humble renoncement, pure chevalerie,

C'était dans votre chef que vous l'aviez placé.



Anonymes héros, nonchalants d'espérance,

Vous vouliez, n'est-ce pas, qu'à l'heure du retour,

Quand il mettait le pied sur la terre de France,

Ayant un brin de gloire, il eût un peu d'amour.



Quant à savoir si tout s'est passé de la sorte,

Et si vous n'êtes pas restés pour rien là-bas,

Si vous n'êtes pas morts pour une chose morte,

O mes pauvres amis, ne le demandez pas !



Dormez dans la grandeur de votre sacrifice,

Dormez que nul regret ne vous vienne hanter ;

Dormez dans cette paix large et libératrice

Où ma pensée en deuil ira visiter !



Je sais où retrouver, à la suprême étape

Tous ceux dont la grande herbe a bu le sang vermeil,

Et tous ceux qu'ont engloutis les pièges de la sape,

Et tous ceux qu'ont dévorés la fièvre et le soleil ;



Et ma pitié fidèle, au souvenir unie,

Va du vieux Wunderli qui tombe le premier

Et suivant une longue et rouge litanie

Jusqu'à toi, mon Streibler, qu'on tua le dernier !



D'ici je vous revois, rangés à fleur de terre

Dans la fosse hâtive où je vous ai laissés,

Rigides, revêtus de vos habits de guerre

Et d'étranges linceuls faits de roseaux tressés.



Les survivants ont dit - et j'ai servi de prêtre !

L'adieu du camarade à votre corps meurtri ;

Certain geste fut fait bien gauchement peut-être,

Pourtant je ne crois pas que personne en ait ri !



Mais quelqu'un vous prenait dans sa gloire étoilée

Et vous montrait d'en haut ceux qui priaient en bas,

Quand je disais pour tous, d'une voix étranglée,

Le Pater et l'Ave - que tous ne savais pas !



Compagnons, j'ai voulu vous parler de ces choses,

Et dire en quatre mots pourquoi je vous aimais :

Lorsque l'oubli se creuse au long des tombes closes,

Je veillerai du moins et n'oublierai jamais.



Si parfois, dans la jungle où le tigre vous frôle

Et que n'ébranle plus le recul du canon,

Il vous semble qu'un doigt se pose à votre épaule,

Si vous croyez entendre appeler votre nom.



Soldats qui reposez sous la terre lointaine,

Et dont le sang me laisse des remords,

Dites-vous simplement : "C'est notre Capitaine

Qui se souvient se nous … et qui compte ses Morts."

Capitaine DE BORELLI.
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